Pourquoi les orages sont et deviendront encore plus violents en été
Une étude sino-britannique démontre que le régime des pluies a déjà changé, à cause du réchauffement, en particulier en Europe. La Belgique n’y échappe pas.
Des pluies plus torrentielles, mais aussi de longues périodes de chaleur… Sauf à être aveugle et sourd, on a tous constaté cette évolution météo depuis quelques années. Jusqu’ici, plusieurs études tendaient à prédire une augmentation du phénomène dans le futur. Une étude récente, publiée le 25 juillet dernier dans la très sérieuse revue Science, fournit la première preuve d’observation systématique révélant que le changement climatique d’origine humaine entraîne des précipitations, si pas plus fréquentes, en tout cas plus irrégulières et plus intenses à l’échelle mondiale, depuis le début du siècle dernier. Cette volatilité plus grande des pluies se traduit par des épisodes humides et des épisodes secs plus marqués. Certains endroits peuvent, par exemple, recevoir l’équivalent d’une année de pluie en quelques jours.
Les chercheurs, issus de deux institutions académiques chinoises et du Meteorological Office britannique, ont exploité conjointement des ensembles de données mondiaux et régionaux d’observations quotidiennes depuis 1900. Cela leur a permis de constater que la variabilité journalière des précipitations a augmenté de 1,2% par décennie au niveau de la planète, soit 12% sur un siècle, ce qui est significatif. Et cela concerne les trois quarts de la superficie terrestre. Cette variabilité accrue est surtout marquée en Europe (où une forte accélération est observable depuis la fin des années 1980), mais aussi en Australie et dans l’est de l’Amérique du Nord. Elle est principalement due à l’humidité atmosphérique croissante liée au réchauffement. Si l’Europe est particulièrement touchée par ce phénomène, cela s’explique par plusieurs raisons.
La hausse des pluies expliquée par les orages d’été
«Une grande partie de la mécanique se joue au niveau du jet stream, note Pascal Mormal, météorologue à l’IRM. Or ce courant d’altitude qui influence notre climat est de plus en plus soumis à des ondulations c’est-à-dire qu’il perd en dynamisme. Cet affaiblissement du jet stream favorise les blocages atmosphériques, entraînant des vagues de chaleur durables ou des phases pluvieuses plus longues.» Révélateur: depuis octobre 2023, l’IRM a enregistré dix mois d’affilé avec des précipitations plus abondantes que la normale… Le précédent record datait de 2005, avec huit mois d’affilé. «De manière générale, les mesures à Uccle ont établi une hausse significative du nombre de journées durant lesquelles le seuil de 20 litres par mètre carré a été dépassé, continue Pascal Mormal. C’est souvent lié à des configurations orageuses, plutôt en été.»
Les ondulations plus fréquentes et amples du jet stream sont dues à un contraste thermique moins élevé qu’auparavant. «En effet, le dynamisme de ce courant d’air dépend de la différence de températures entre l’Equateur et les régions polaires, expose Pascal Mormal. Mais comme l’Arctique se réchauffe plus vite que les autres régions terrestres à cause du changement climatique, cet écart thermique diminue et affaiblit le jet stream. Cela explique que la Belgique notamment est davantage tributaire des situations de blocage. Ces dix dernières années, nous avons été confrontés à des périodes de sécheresse durable qui ont rendu limite le niveau d’eau potable, comme en 2021, l’année des grandes inondations en Wallonie, où on a hésité à vider les barrages préventivement pour cette raison.»
Les choses pourraient s’accélérer avec le réchauffement des océans et la fonte des glaces qui réfléchissent de moins en moins les rayons du soleil. Le nord-est de l’Atlantique nord, proche de l’Europe, est la zone océanique qui inquiète le plus les climatologues. Les températures sous-marines enregistrées battent chaque année des records et dépassent les prévisions les plus alarmistes du Giec. D’après le service européen de surveillance de l’environnement marin Copernicus, 2023 a été l’année océanique la plus chaude jamais enregistrée au niveau de l’Europe. Le retour d’El Nino n’est pas étranger à cette montée du mercure marin, mais le principal facteur d’explication reste les conséquences des émissions de gaz à effet de serre.
Pour un des chercheurs de l’étude sino-britannique, «la variabilité accrue des précipitations observées ajoute des preuves cruciales de changements quotidiens plus importants, ce qui rend plus difficile la prévision et la préparation aux impacts environnementaux». Un autre ajoute que «des mesures d’adaptation immédiates sont essentielles pour relever ces défis car les changements rapides et extrêmes des modèles climatiques posent des risques importants pour la résilience des infrastructures, le développement économique, ainsi que celui des écosystèmes et des puits de carbone». Un message clair adressé aux politiques.
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