Pollution de l’air: les régions les plus touchées de Belgique cartographiées
Mauvaise nouvelle: aucune région ne bénéficie d’une qualité de l’air optimale, certains polluants se trouvant davantage dans certaines parties de Belgique alors que d’autres se concentrent ailleurs. Se déplacer de quelques kilomètres suffit parfois pour constater d’importantes variations dans la pollution atmosphérique.
8,1 millions de morts. C’est le bilan humain de la pollution atmosphérique en 2021 dans le monde, rapporte la 5e édition du rapport State of Global Air (SoGA), publiée par le centre de recherche indépendant Health Effects Institute (HEI) et l’Unicef. Sur ce total, 7,8 millions de décès (96%) sont dus à un seul polluant: une classe précise de particules fines, les PM2.5. Elles sont si petites qu’elles pénètrent profondément dans les tissus pulmonaires, d’où leur impact destructeur (aggravation des infections des voies respiratoires et de l’asthme même après une courte exposition, mais aussi affections cardio-vasculaires, maladies pulmonaires et cancers du poumon lors d’une exposition chronique).
La Belgique n’est pas épargnée par ces PM2.5. Toujours en 2021, selon l’Agence européenne de l’Environnement (AEE), elles auraient provoqué la mort de 5.110 Belges (sur un total de 253.000 personnes dans l’Union européenne). C’est moins que les 9.300 de 2012, et c’est bien mieux que certains pays dans le monde (la Chine détenant le triste record de 1.860.000 victimes en 2021), mais cela reste non négligeable.
La nocivité des PM2.5 ne doit cependant pas faire oublier qu’il existe d’autres polluants mortels. La Cellule Interrégionale de l’Environnement (CELINE) a publié des cartes annuelles recensant leur présence à travers le pays. Des images qui révèlent l’origine de cette pollution.
La Flandre malmenée par les PM2.5
Concernant les concentrations en PM2.5, la CELINE arrive à la même conclusion chaque année: la Flandre est plus touchée. Pour être plus précis, en 2022, la province la plus concernée était la Flandre occidentale, avec un maximum atteint dans les communes proches de Bruges. Les deux autres grandes villes de la région, Gand et Anvers, ne sont pas épargnées. Comme le rappelle Philippe Maetz, collaborateur scientifique à la CELINE, cette surreprésentation du nord du pays est le reflet du trafic routier intense en Flandre, mais pas seulement: «il s’agit de zones densément peuplées, avec plus d’activité et donc de sources d’émissions, sans oublier les épandages agricoles et la présence d’entreprises, comme du côté du port de Zeebruges en Flandre occidentale».
Côté francophone, sans surprise, Bruxelles est la plus touchée. Mais tous les habitants de la capitale ne sont pas sur le même pied d’égalité. Les zones avec le plus de PM2.5 sont situées dans le centre et autour du canal de Willebroeck, au nord de la région, là où sont installées de nombreuses industries. À l’inverse, ceux qui habitent à l’orée de la forêt de Soignes respirent mieux. «Mais ici, le premier contributeur d’émission, devant le trafic, c’est plutôt l’activité domestique et le chauffage, précise Philippe Maetz. Le plan Good Move a eu un effet positif mais assez local. Ce qui a été plus déterminant dans la baisse de la pollution à Bruxelles, c’est la création de la Zone de Basses Emissions (LEZ), qui a écarté les voitures dénues de filtres à particules.»
En Wallonie, logiquement ce sont les grandes villes qui sont à nouveau les plus concernées, mais avec des niveaux bien moins élevés qu’en Flandre. Plus globalement, tout ce qui se situe au sud du sillon Sambre-et-Meuse est plus préservé.
Les autres particules fines: les PM10 et le Black Carbon
À cause de leur plus grande taille, les PM10 sont retenues par les voies aériennes supérieures et sont donc réputées moins nocives. Dans ses tableaux de synthèse, l’AEE ne leur impute d’ailleurs pas directement des décès prématurés. Il n’empêche qu’elles peuvent provoquer des inflammations et aggraver l’état de santé des personnes fragiles. D’où les normes européennes en vigueur les concernant. C’est d’ailleurs pour cela que la CELINE a cartographié sa présence en Belgique.
Globalement, les résultats sont assez similaires à ceux du PM2.5. Les grandes villes flamandes gardent leur bonnet d’âne, tandis que la palme de l’air le moins chargé en PM10 se situe du côté de Saint-Hubert, dans les Ardennes.
Parfois, certaines stations de mesure détectent des pics de PM10 très localisés. Un bon exemple est celle de Marchienne-au-Pont. En 2022, elle a recensé 40 jours avec une concentration de PM10 supérieure à 50µg/m³, ce qui est très élevé. Pourtant, à quelques kilomètres de là, les sept autres stations de Charleroi n’ont fait part que de 4 à 10 jours de dépassement du seuil. Plus intriguant encore: un an plus tôt, ce nombre est tombé à 25 jours à Marchienne-au-Pont, et à un petit jour dans le centre de Charleroi.
D’après Philippe Maetz, il n’est pas toujours facile de comprendre l’origine de ce phénomène. Cela pourrait être le reflet du rejet de PM10 produit par une entreprise et qui, à cause des vents, atteindrait parfois la station de Marchienne-au-Pont, parfois pas. Si c’est le cas, cette exposition à des taux extrêmement élevés de PM10 serait très localisée. Il est toutefois possible que les personnes habitant à proximité immédiate soit plus ou moins régulièrement exposées.
Moins connu, le «Black Carbon» (BC, «carbone noir») représente une autre catégorie de particules fines, son nom étant lié au fait qu’il absorbe toutes les radiations de la lumière visible. Comme les PM10, il peut provoquer des inflammations. Mais surtout, sa particularité, «c’est qu’il peut servir de vecteurs à des composés organiques volatiles (COV) jusqu’à l’intérieur des voies respiratoires», ajoute Philippe Maetz.
Encore une fois, le taux de BC atteint son maximum au nord et son minimum au sud. Le reflet de ses sources d’émissions, intimement liées à la combustion incomplète de combustibles dans le transport et le chauffage. Les plus fortes concentrations ont été repérées du côté d’Anvers, notamment dans le port industriel ainsi que sur le petit ring de la ville du diamant.
Le dioxyde d’azote (NO₂)
Un polluant qui est encore plus lié au trafic routier, c’est le NO₂. Les cartes horaires de la CELINE le montrent souvent très bien, car les grands axes routiers brillent de mille feux. À un niveau très local, des entreprises émettent également des niveaux très importants de NO₂. Parmi elles en Wallonie: les glaceries de Moustier-sur-Sambre, l’usine ArcelorMittal de Flémalle, les fours à chaux d’Engis, la Cimenterie d’Obourg à Mons, la Cimenterie Gaurain près de Tournai.
Lorsque les résultats sont lissés sur une année, ces nuances se fondent plus facilement dans la masse. Il apparaît toutefois clairement que les Ardennes s’en sortent bien. C’est d’ailleurs dans le Luxembourg et les Hautes Fagnes que le taux de NO₂ a le plus baissé entre 1990 et 2022. Anvers décroche pour sa part à nouveau les pires scores de Belgique, avec le centre de Bruxelles.
L’impact de ce polluant sur la santé est loin d’être négligeable. Il peut réduire la fonction pulmonaire et aggraver les symptômes de l’asthme. Les cas les plus graves aboutissent à la mort. En Belgique, 1.360 décès prématurés ont été attribués au NO₂ par l’AEE pour 2021.
L’ozone surtout présent dans les Ardennes
Après un certain temps, le NO₂ monte dans l’atmosphère jusqu’à atteindre la troposphère, où il subit une transformation chimique similaire sous l’effet des rayons ultraviolets. Tout comme les COV, il prend alors une autre forme, celle de l’ozone (O3). Ce dernier représente donc un «sous-produit» de la pollution humaine, par croisement avec les conditions météorologiques. «Plus il fait ensoleillé et chaud, plus la concentration d’ozone est forte, et inversément en cas de forte couverture nuageuse», relève Philippe Maetz. C’est ce qui fait que les niveaux d’O3 peuvent drastiquement chuter ou augmenter au fil des heures.
De façon assez surprenante, sur sa carte annuelle de l’ozone, la CELINE arrive à un constat diamétralement opposé à celui des particules fines et du NO₂. Cette fois-ci, ce sont les grandes villes qui sont moins touchées par des pics d’ozone, Anvers la première. À l’autre bout du classement, la Hesbaye et les Ardennes sont les plus touchées. Pourtant, il ne s’agit pas du tout des régions les plus ensoleillées du pays.
Paradoxalement, le faible taux d’O3 en ville est lié à la pollution. «Le monoxyde d’azote produit par le trafic automobile détruit une partie de l’ozone formé. Puisque sa durée de vie est très courte, il agit rapidement à un niveau local. Au contraire, le dioxyde d’azote perdure pendant plusieurs jours voire plusieurs semaines, ce qui lui permet de passer des villes vers les campagnes, où il devient de l’ozone», fait savoir le collaborateur scientifique de la CELINE.
Pour ce qui est de l’impact sur la santé humaine, l’O3 a pour principal effet d’irriter les muqueuses respiratoires et oculaires. Dans des cas extrêmes, il peut lui aussi provoquer la mort. L’AEE recense 310 Belges décédés à cause de l’O3 en 2021.
Les autres polluants
Il existe bien sûr d’autres polluants que les particules fines, le NO₂ et l’O3. Mais puisqu’il n’existe pas à leur égard de législation européenne bien établie, la CELINE ne produit pas de cartes pour ceux-ci. La Cellule environnementale pourrait éventuellement le faire dans le cadre des particules ultrafines, mais celles-ci sont particulièrement difficiles à recenser pour la poignée de stations de mesure existant en Belgique. «On sait néanmoins qu’on peut notamment en trouver à proximité des aéroports et dans le sillage du trafic aérien», ajoute Philippe Maetz.
Concernant le dioxyde de soufre, la fin de l’industrie du charbon et la régression de celle de la sidérurgie a permis de faire drastiquement baisser les niveaux de pollution en Belgique. «Pour les métaux lourds, il peut y avoir des dépassements mais cela reste très localisé et cela ne constitue pas une problématique aussi forte que pour les particules fines», rassure le représentant de la CELINE.
Un futur plus respirable?
À l’avenir, les efforts vont donc être centrés sur la réduction de les principaux polluants cartographiés par la Cellule environnementale. La généralisation des voitures électriques pourraient grandement aider, même si le trafic routier continuera de polluer (à cause du freinage, de l’abrasion des pneus, etc.). Des directives européennes fixant des valeurs limites plus strictes pour les particules fines devraient également entrer en vigueur dès 2030, sauf en cas de rétropédalage du Parlement européen.
«Les indicateurs sont donc bien au vert, se réjouit Philippe Maetz. L’objectif de l’Europe est même d’atteindre les normes de l’OMS, qui sont plus strictes, pour 2050. Nous conseillons en tout cas au public de rester attentifs aux alertes et de ne pas faire d’activité physiques en extérieur lors de ces épisodes. Le fait de rester à l’intérieur permet par exemple de baisser de moitié la concentration d’ozone en moyenne. Les détenteurs d’un smartphone peuvent également demander via son téléphone d’être informé grâce à sa géolocalisation si tel ou tel indice est atteint, afin d’agir en conséquence.»
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