Paul Watson contre le Japon: que fait le droit international pour les baleines?
Tandis que le militant écologiste et fondateur de Sea Shepherd est détenu au Groenland depuis le 21 juillet dernier, le Japon et d’autres pays continuent de chasser la baleine dans les eaux internationales.
Si le Danemark accède à la demande d’extradition du Japon, Paul Watson risquera jusqu’à quinze ans de prison. Deux torts lui sont officiellement reprochés. En janvier 2010, il aurait volontairement causé une collision entre l’un de ses navires Sea Shepherd et un navire-usine spécialisé dans la chasse baleinière. Un mois plus tard, il aurait assisté son camarade Pete Bethune dans son abordage du même navire japonais.
Ces faits remontent à plus d’une décennie, et s’inscrivent au croisement entre deux histoires: celle de Paul Watson, infatigable défenseur des baleines, et celle de l’industrie baleinière du Japon.
Le droit international peine à protéger les espèces protégées
Malgré les différentes conventions et traités qui visent à protéger les cétacés, plusieurs pays poursuivent inlassablement la chasse du cétacé géant, sans être inquiétés d’aucune façon juridiquement.
La chasse baleinière est pourtant une pratique encadrée depuis la création de la Commission baleinière internationale (CBI) en 1946. S’appuyant sur la Convention internationale pour la réglementation de la chasse à la baleine ratifiée la même année, la CBI a pour but de réguler les activités de chasse à la baleine qui peuvent s’exercer dans l’un des trois contextes suivants: commercial, scientifique, ou aborigène, c’est-à-dire en tant que tradition locale. En 1951, le Japon signe la convention.
Pour Charles-Hubert Born, professeur de droit de l’environnement à l’UCLouvain, «il faut tout de même souligner que cette commission s’appuie sur des textes obsolètes à plusieurs égards: la baleine y est encore considérée essentiellement comme une ressource». En outre, il est seulement question dans cette convention des grands cétacés, laissant de côté d’autres espèces dont la chasse a pu aussi avoir de lourds effets sur les populations.
Bien que d’autres conventions, comme la convention de Bonn de 1979 ou celle sur la diversité biologique de 1992, puissent jouer un rôle pour réguler la chasse à la baleine, c’est effectivement la convention de 1946 qui est le principal point d’appui à l’échelon international pour la protection des baleines.
Seulement, l’effectivité de ses mesures est depuis longtemps remise en question. En 1986, lorsque la CBI restreint fortement la chasse baleinière à des fins commerciales, plusieurs pays, dont le Japon, ont recours à l’article 8 de la convention, qui leur permet de se délivrer eux-mêmes des permis spéciaux de chasse à des fins scientifiques. En 1987, les programmes JARPA et JARPN sont ainsi lancés, permettant aux baleiniers japonais de continuer à chasser dans l’Antarctique et dans le Pacifique Nord.
En 2014, après qu’une plainte a été déposée en 2010 par l’Australie devant la Cour internationale de justice, l’appelant à examiner les permis spéciaux délivrés par le Japon, le programme JARPA est suspendu. Pour autant, la chasse baleinière ne cesse pas: le Japon lance un nouveau programme, avant de finalement se départir de la CBI en 2019. S’étant retiré des pays membres de cette commission, le Japon s’est ainsi soustrait à la compétence du droit international.
La chasse n’est pas le premier danger pour les baleines
Si la chasse a été, jusqu’aux années 1970, un véritable danger pour les cétacés, cela n’est aujourd’hui plus le cas. «Les populations ont bien récupéré depuis les restrictions de 1986, auxquelles la grande majorité des pays s’est pliée, indique Charles-Hubert Born. D’autres menaces sont plus importantes du point de vue de l’espèce: le trafic maritime, source de collisions parfois mortelles, la pollution sonore, les toxines plastiques…»
La protection des baleines peut alors s’appuyer sur d’autres conventions, davantage concentrées sur ces enjeux qui concernent la biodiversité marine dans son ensemble. Mais même dans ce cas, il reste bien difficile de lancer des procédures sérieuses contre les pays qui continuent de chasser la baleine, comme l’explique Pr. Born: «Il faudrait avancer, preuves scientifiques à l’appui, que la chasse baleinière de tel pays contribue largement à telle dégradation de l’environnement, à telle menace sur telle espèce précisément, ce qui est loin d’être facile à faire.»
L’effectivité du droit international étant ainsi toute relative, pour le professeur, «les menaces de sanctions politiques ou économiques seraient sûrement plus efficaces que des menaces de sanctions juridiques» pour ralentir ou mettre fin à la chasse baleinière commerciale.
En attendant, Paul Watson, qui défend les baleines à sa manière, s’attire la sympathie de nombreuses personnalités, politiques ou non, dont le gouvernement français ou une poignée de députés européens, qui ont affiché leur soutien pour l’activiste et appelé le Danemark à refuser la demande du Japon. La réponse du Danemark est attendue pour le 2 octobre prochain.
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