Le Grand Prix de Spa Francorchamps, tare pour l’environnement? «Les efforts sont bien réels»
Le Grand Prix de Formule 1 de Spa Francorchamps est décrit par le gouvernement comme une « vitrine mondiale de la Wallonie ». Mais à quel point pollue-t-il?
Ce dimanche 28 juillet, une nouvelle édition du Grand Prix de Formule 1 de Spa Francorchamps s’est refermée. Parmi les dizaines de milliers de spectateurs présents pour l’événement, des personnalités (très) connues ont pu arpenter les paddocks, au plus près des pilotes de course. Le Diable retraité Eden Hazard était de la partie, tout comme le célébrissime acteur américain Brad Pitt. Le président du MR Georges-Louis Bouchez et la députée fédérale Julie Taton en ont profité pour immortaliser l’instant, le temps d’un selfie.
Si le Montois – fan de sport automobile – est un habitué des circuits, d’autres découvraient le Grand Prix de Spa Francorchamps. C’est le cas d’Yves Coppieters (Les Engagés), le nouveau ministre de l’Environnement, qui a partagé son enthousiasme sur les réseaux sociaux. «Belle découverte du grand prix de Francorchamps avec des questions environnementales, de développement social et économique et de durabilité à continuer à réfléchir et développer». Un enthousiasme loin d’être unanime, alors que les internautes soulignent l’incompatibilité entre effort environnemental et un événement international de cette envergure.
«Je voulais voir ce qu’ils font en termes de réduction du bruit, d’intégration locale, et des énergies propres comme le photovoltaïque.»
Yves Coppieters, ministre de l’Environnement
Dans un second post Facebook, l’épidémiologiste répond aux critiques: «Aller à Francorchamps pour un ministre de l’Environnement, c’est rencontrer les responsables, voir le site et parler des 220 événements par an. C’est aussi comprendre leur permis d’environnement et ce qui pourra être rediscuté avec l’administration et mon équipe qui le supervisent. C’est se projetter (sic) sur le suivant et les évolutions à envisager. C’est avant tout comprendre et connaître cet événement sportif, même si cela ne fait pas partie de mon ADN a priori. Et c’est aussi se rendre compte des critiques et caricatures qui s’en suivent.»
Contacté après ce weekend de compétition automobile, le ministre wallon continue de justifier sa présence à l’événement. «Comme je suis chargé des matières environnementales, je voulais voir ce qu’ils font en termes de réduction du bruit, d’intégration locale, et des énergies propres comme le photovoltaïque. Et je peux vous dire que les efforts sont bien réels.»
L’empreinte carbone du Grand Prix de Spa Francorchamps
Les critiques liées à l’empreinte carbone du Grand Prix de Spa Francorchamps ne sont pas neuves. L’été dernier, le magazine Imagine avait demandé à un bureau d’étude de chiffrer l’impact écologique de la course de Formule 1. Résultat: une émission de 28.000 tonnes de CO2 par an, majoritairement causée par le déplacement de ces milliers de personnes venues des quatre coins du monde pour les événements se déroulant toute l’année sur le circuit.
Canopea, qui se base sur le rapport d’impact de la Formule 1 en 2023, évoque une moyenne de 10.000 tonnes de CO2 par Grand Prix. «Ce qui représente en un week-end l’empreinte carbone annuelle de plus de 1.000 Belges», écrit la fédération des associations environnementales. Tout en reconnaissant que «sur ce total, seul 1% est lié au carburant des voitures, la grande majorité des émissions étant liée à la logistique et au transport».
«On a tendance à dire que Formule 1 et environnement ne font pas bon ménage»
Vanessa Maes, directrice générale de Spa Grand Prix
Quels efforts pour l’environnement?
Le Grand Prix de Spa Francorchamps se trouve entre les mains de deux acteurs. La Région wallonne est l’actionnaire principal du circuit, alors que c’est l’entreprise Spa Grand Prix qui s’occupe de l’organisation de la course. Tous deux définissent des objectifs clairs pour rendre la compétition automobile plus verte: construire un parc de panneaux photovoltaïques dont la production dépassera sa consommation électrique actuelle, améliorer la biodiversité, respecter les normes sonores, réduire la quantité de déchets produits…
«On a tendance à dire que Formule 1 et environnement ne font pas bon ménage, commence Vanessa Maes, directrice générale de Spa Grand Prix. Mais l’ambition est d’être neutre en carbone d’ici 2030. Et nous sommes dans le top 3 des grands prix en terme d’efforts climatiques, annonce-t-elle. Avec nos actions, nous dépassons largement les normes fixées au niveau international.»
Concrètement, le Grand Prix de Spa Francorchamps s’est vu décerner la certification ISO 20121 – qui ancre sa politique de de développement durable – et la certification 3 étoiles de la part de la Fédération Internationale de l’Automobile (FIA). Des normes qui s’accompagnent d’audits réguliers, afin de vérifier que les actes suivent bien les paroles.
«Concrètement, les boissons sont servies dans des gobelets réutilisables et la majorité des déchets sont recyclés, déroule Vanessa Maes. C’est concernant la mobilité que nous pouvons encore nous améliorer, car beaucoup de spectateurs sont étrangers. Mais nous mettons déjà notre pierre à l’édifice.»
Ceux qui voyagent avec la SNCB depuis une gare belge bénéficient de 50% de réduction sur leur ticket. Des bus TEC depuis Verviers sont aussi dépêchés spécialement pour l’événement – près de 100 véhicules ont effectué les trajets aller-retour pour rejoindre le circuit. Plus largement, quelque 110 shuttles (navettes électriques) rechargées à l’hydrogène ont permis d’amener les personnes sur la piste depuis les grandes villes, belges comme des pays limitrophes.
“Les efforts à la marge changent peu l’impact environnemental important de cet événement”
Andrea Catellani (UCLouvain), spécialiste du greenwashing et de la communication environnementale
Le Grand Prix de Spa Francorchamps, ce fleuron économique
Des efforts suffisants pour limiter l’empreinte carbone du Grand Prix de Spa Francorchamps? «Nous avons réalisé des progrès énormes, mais des voitures qui tournent sur un circuit, ça pollue», reconnait Melchior Wathelet, le CEO de Spa Grand Prix. «Les efforts à la marge changent peu l’impact environnemental important de cet événement, confirme Andrea Catellani (UCLouvain), spécialiste du greenwashing et de la communication environnementale. Il y a une pression sociétale pour faire mieux sur le plan de l’écologie, mais l’image de la pollution continue de coller à de telles courses automobiles, peu importe les efforts consentis.»
Organisateurs comme politiques justifient le maintien du Grand Prix de Spa Francorchamps par ses retombées économiques: d’après une étude de Deloitte, un euro investi par les pouvoirs publics rapporterait 9,67 euros de valeur ajoutée à la Belgique, dont 7,33 euros pour la Wallonie.
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