La Belgique exporte des tonnes de pesticides nocifs interdits en Europe
La Belgique exporte des tonnes de pesticides nocifs interdits en Europe © Getty

La Belgique exporte des tonnes de pesticides nocifs interdits en Europe (enquête)

Le Vif

L’année dernière, la Belgique a rapporté l’exportation de 234 tonnes de chlorothalonil, une substance active interdite en Europe depuis 2020 vers des pays extérieurs à l’Union européenne, révèlent nos confrères de Knack et du Soir. Ce vendredi, le conseil des ministres se penchera sur une interdiction d’exportation.

Le chlorothalonil est utilisé comme produit phytosanitaire dans, entre autres, la culture des pommes de terre, des tomates et des carottes. Mais depuis 2020, ces pesticides nocifs sont interdits dans l’UE. L’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) a statué en 2019 que le chlorothalonil pouvait contaminer les eaux souterraines. La substance est également cataloguée comme cancérigène, écrit Knack.

Malgré l’interdiction d’utiliser le chlorothalonil dans l’UE, le pesticide peut toujours être exporté hors d’Europe. Conséquence : via les aliments importés – tels que les fruits tropicaux d’Equateur – il peut se retrouver dans nos assiettes en Belgique.

Fin mars, Knack et Le Soir révélaient déjà que la Belgique avait exporté 349 tonnes de chlorpyrifos, un pesticide nocif, hors de l’UE l’année dernière. De nouvelles recherches montrent qu’en 2022, la Belgique a également indiqué son intention d’exporter 234 tonnes supplémentaires de chlorothalonil hors d’Europe. En vertu de la loi sur la publicité de l’administration, l’ONG suisse Public Eye and Unearthed – le projet de journalisme environnemental de l’ONG Greenpeace UK – a sollicité des documents à l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA). Il s’agit de « formulaires de notification d’exportation » où les entreprises doivent indiquer quels produits phytopharmaceutiques elles exportent, en quelle quantité et avec quelle destination.

Ces documents officiels, consultés par Knack et Le Soir, révèlent que l’Allemagne a signalé l’exportation de 302 tonnes de chlorothalonil vers des pays hors UE l’année dernière, suivie de l’Italie (242 tonnes) et de la Belgique (234 tonnes).

Les exportations belges étaient destinées à 14 pays différents, du Cameroun au Kirghizistan en passant par le Kazakhstan. La majeure partie (220 tonnes) est au nom d’Arysta LifeScience Benelux, filiale de la multinationale indienne UPL.

« UPL respecte toutes les lois et réglementations belges, européennes et internationales », déclare la porte-parole d’Arysta, Caroline Marlair à notre confrère de Knack. Elle confirme que le chlorothalonil a été produit sur le site de l’UPL à Ougrée, dans la province de Liège.

Deux poids, deux mesures dans la gestion des pesticides nocifs

En décembre, la ministre de l’Environnement Zakia Khattabi (Ecolo) et le ministre de la Santé Frank Vandenbroucke (Vooruit) ont annoncé un arrêté royal interdisant l’exportation de pesticides nocifs.

« Jusqu’à présent, cet export n’a pas été illégal. Mais c’est choisir entre la santé publique et les profits d’une industrie puissante« , souligne Suzy Serneels, responsable de la politique des systèmes alimentaires auprès de l’ONG Broederlijk Delen. Avec des organisations telles que Broederlijk Delen, ainsi que d’autres organisations telles que Viva Salud, FOS et Humundi, plaide pour une interdiction d’exportation.

« La principale conclusion, c’est qu’on utilise deux poids, deux mesures. Les substances sont dangereuses pour les humains et l’environnement. Par conséquent, nous avons décidé de ne plus autoriser leur utilisation en Europe. Mais manifestement, nous trouvons que le danger pour les personnes et l’environnement en dehors de l’Europe est moins important« , conclut Suzy Serneels.

Position éthique

Knack a également contacté les cabinets du ministre de l’Environnement Zakia Khattabi et du ministre de la Santé Frank Vandenbroucke. Ils confirment que la proposition d’interdiction d’exporter est à l’ordre du jour du Conseil des ministres du vendredi 23 juin.

« L’interdiction est avant tout nécessaire d’un point de vue éthique et pour éviter les doubles standards« , déclare Maurane Colson, porte-parole de Zakia Khattabi, à Knack. « De plus, la situation actuelle crée des conditions de concurrence inégales pour les agriculteurs européens qui ne sont plus autorisés à utiliser ces substances. Et le consommateur européen récupère ces substances dans son assiette, entre autres par le biais de produits alimentaires importés qui ont été traités avec ces pesticides. »

D’après la porte-parole, la Belgique est l’un des plus grands exportateurs européens des produits phytopharmaceutiques en question. « Ces dernières années, 25 entreprises – sur un total de 720 entreprises chimiques actives en Belgique – ont signalé une exportation de ces substances au gouvernement fédéral. Six entreprises représentaient plus de 90 % de ces exportations. Il s’agit de grandes entreprises, pas des PME ».

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