Jean Pascal van Ypersele

Jean-Pascal van Ypersele: « La voix du climat doit être forte, très forte »

Noé Spies
Noé Spies Journaliste au Vif

Le Giec a élu son nouveau président. Le climatologue belge Jean-Pascal van Ypersele faisait partie des quatre candidats en lice, mais n’a pas été choisi. En novembre dernier, il détaillait au Vif ses ambitions pour le climat. Extraits.

Jean-Pascal van Ypersele, vous êtes candidat à la présidence du Giec. Si vous êtes élu, quelles seraient vos trois priorités pour le climat ?

Le climat et la nature que l’on détruit, alors que nous en dépendons, n’ont pas de voix. Je voudrais que le GIEC soit la voix du climat, pour reprendre le titre d’un livre récent. Cette voix doit être forte, très forte, vu l’urgence et la gravité de la situation. Pour cela, il faut que le GIEC renforce et élargisse sa base scientifique, en faisant participer une palette plus grande encore de disciplines à ses travaux.

Des chercheuses et des chercheurs de qualité d’un maximum de pays devraient être recrutés pour écrire les rapports du GIEC les plus rigoureux, les plus représentatifs de l’état des connaissances, les plus utiles à la décision politique, et les plus clairs qui soient.

Il faut que le GIEC renforce et élargisse sa base scientifique.

Jean-Pascal van Ypersele

Si je suis élu président, je veillerai à ce que le GIEC fasse encore mieux travailler ensemble ces scientifiques pour accomplir sa mission, et qu’il communique les résultats de ses travaux de la manière la plus transparente et pédagogique. La rigueur et la qualité scientifique, la pertinence et l’utilité pour la décision, le service, l’éthique, la clarté et la pédagogie, l’équilibre des genres, l’inclusivité et le respect à toutes les étapes du travail du GIEC seront au coeur de mon action.

Au rythme actuel, nous sommes loin des Accords de Paris pour le climat. A-t-on encore le temps d’y parvenir, ou s’agit-il d’une utopie? Si oui, quelles sont les priorités absolues ?

Le dernier rapport du GIEC déborde de solutions à mettre en œuvre dans tous les secteurs. Il manque jusqu’à présent une volonté politique suffisante de les concrétiser. La priorité des priorités, dans les pays développés, est de réduire les gaspillages d’énergie, qui sont énormes. Ensuite, il faut décarboner l’économie et sortir des combustibles fossiles en les remplaçant par des énergies non-fossiles et renouvelables (et sans sortir des centrales nucléaires en bon état de marche). Il faut évidemment faire tout cela d’une manière qui soit juste et n’ajoute pas de problèmes sociaux à ceux qui sont déjà là. De nombreux travaux ont montré que c’était parfaitement possible.

Les records de température s’enchaînent. Doit-on craindre une multiplication de ce genre de phénomènes dans le futur ?

Malheureusement, oui ! Le rapport du GIEC de 2021 a été très clair sur ce point : si l’humanité ne fait pas le nécessaire pour arrêter le réchauffement (ce qui requiert la fameuse neutralité carbone), les records de température tomberont les uns après les autres, sans discontinuer.

Sans action rapide et concrète, à quel genre de conséquences doit-on s’attendre ? Un continent moins habitable ? La Belgique est-elle particulièrement vulnérable ?

L’Europe n’est pas le continent le plus vulnérable aux effets des changements climatiques, mais il est loin d’y être insensible : canicules et feux de forêts dans le sud, impacts de plus en plus significatifs sur l’agriculture et les écosystèmes, santé humaine affectée par la chaleur et certaines maladies facilitées par le réchauffement (maladie de Lyme, dengue, …). La prochaine Lettre de la Plateforme wallonne pour le GIEC (que j’ai fondée avec le soutien de la Wallonie) sera d’ailleurs consacrée à ces impacts en Europe.

Les extrêmes climatiques peuvent avoir de graves conséquences chez nous aussi.

Jean-Pascal van Ypersele

Quant à la Belgique, avec mon collègue Philippe Marbaix, j’ai coordonné, il y a près de 20 ans déjà, un rapport publié par l’UCLouvain et Greenpeace sur les impacts des changements climatiques en Belgique. Ce rapport est toujours largement d’actualité, et les deux derniers étés ont montré que les extrêmes climatiques pouvaient avoir de graves conséquences chez nous aussi : 2021 avec ses pluies diluviennes et ses terribles inondations, et 2022 avec ses canicules qui ont causé des centaines de décès et sa sécheresse qui a eu de graves conséquences économiques.

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Jean-Pascal van Ypersele est candidat à la présidence du Giec. © belga

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