Les Jardins ouvriers d’Aubervilliers: sept hectares de verdure à deux pas du périphérique parisien. © BELGA IMAGE

Comment des jardiniers amateurs ont sauvé leurs potagers de l’urbanisation

Gérald Papy
Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

L’autrice Eve Charrin fait le récit du glissement d’une évidence, transformer une friche en nouveau quartier, à l’autre, conserver des jardins ouvriers près de Paris.

C’est l’histoire du pot de terre contre le pot de fer, celle de quidams citoyens contre l’Etat avide d’urbanisation autour d’un site singulier, les jardins ouvriers d’Aubervilliers, sept hectares de terres fertiles au nord de Paris juste au-delà du périphérique. La journaliste Eve Charrin raconte ce combat emblématique entre deux conceptions de la vie en ville dans Glissement de terrain (1).

Un lamier, une clématite, une blette sauvage, du plantain lancéolé, une pousse d’euphorbe… sont autant de plantes «libres» que l’on trouve dans ces jardins seulement accessibles par une porte cadenassée. Ils comptent surtout des potagers exploités par des habitants du coin auxquels ils apportent, moyennant une location annuelle modique (48 euros pour l’un des jardins), une bouffée d’air et un complément d’aliments appréciable. Les travaux et aménagements prévus pour les Jeux olympiques de 2024 viendront bouleverser ce doux équilibre.

«Personne ne me fera dire que les logements sont moins importants que des jardins ouvriers.»

Le Grand Paris Aménagement, institution publique, prévoit de construire sur un parking voisin une piscine olympique qui servira de lieu d’entraînement pour les nageurs des jeux, et sur une partie des jardins ouvriers (10.000 m2 sur les 70.000 existants) un «spa finlandais» et un «solarium minéral». Si la piscine, mise à la disposition des habitants à l’issue de la compétition, peut être considérée comme un bien public utile, est-ce vraiment le cas de ses extensions? Les jardiniers amateurs vont contester le projet d’autant plus vigoureusement que sur le site de l’ancien fort d’Aubervilliers voisin, se profile la construction d’un ensemble de logements, de bureaux et d’hôtels qui, lui aussi, pourrait empiéter sur «leur territoire»…

Deux logiques s’affrontent. D’un côté, la préservation d’un site unique à une époque où la verdurisation des villes est un enjeu du bien vivre. De l’autre, la volonté d’accroître l’offre de logement et d’équipements. Entre les deux, où est l’intérêt général? «Vu le mal-logement en Ile-de-France, vu l’allongement des trajets domicile-travail, personne ne me fera dire que les logements sont moins importants que des jardins ouvriers», lâche le président de Grand Paris Aménagement. Transformez en logements des bureaux inoccupés, lui rétorquent les jardiniers. Ils obtiendront gain cause devant les tribunaux. Et Dolorès, leur leader, jugera qu’un petit groupe de gens déterminés pour faire bouger les choses, et d’autres, plus nombreux, pour les soutenir peuvent suffire à vaincre le pot de fer.

(1) Glissement de terrain, par Eve Charrin, Bayard, 240 p.

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