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En mai, tonte à l’arrêt: les résultats de l’édition 2024

Christophe Leroy
Christophe Leroy Journaliste au Vif

Plus de 1.903 particuliers et organisations ont pris part aux opérations En mai, tonte à l’arrêt ou Maai mei niet, organisées par Le Vif et Knack. Bilan de cette quatrième édition.

Créer des myriades de zones de refuge pour la nature: c’est l’objectif que Le Vif encourage avec son opération En mai, tonte à l’arrêt, tout comme Knack avec Maai mei niet au nord du pays. L’addition de jardins plus naturels peut résolument renforcer le maillage écologique dans un pays où le réseau routier, la grande proportion de sols minéralisés et parfois même l’agriculture intensive constituent des obstacles de taille pour les mammifères, les insectes, les oiseaux et la flore locale. Pour que la biodiversité se maintienne, il est crucial d’éviter que la nature soit uniquement mise sous cloche dans quelques réserves naturelles, dépourvues de toute connexion avec les autres.

S’il est vrai que 82% des Belges souhaitent davantage de restauration de la nature, comme l’affirme un récent sondage réalisé par iVox pour le WWF-Belgique, ceux qui disposent d’un jardin ont le pouvoir d’agir à leur propre échelle. En tondant moins, voire plus du tout, une partie de leur gazon, chacun peut instaurer un équilibre plus favorable à la nature. Il y a urgence: d’après le rapport le plus récent en la matière de l’Agence européenne pour l’environnement, seuls 15% des habitats naturels sont en bon état. Plus d’un tiers d’entre eux continue de se détériorer. Seuls 9% affichent une évolution positive. Et une espèce d’abeille et de papillon sur trois est en déclin. En février dernier, le Parlement européen a adopté un règlement visant à restaurer au moins 30% des habitats en mauvais état d’ici à 2030, 60% d’ici à 2040 et 90% d’ici à 2050. Mais la contribution des citoyens est essentielle.

1.793 particuliers et 110 organisations

Cette année, les opérations En mai, tonte à l’arrêt et Maai mei niet ont convaincu 1.903 participants de délaisser la tondeuse sur une partie de leur gazon, pendant un mois minimum, voire davantage: 1.793 particuliers et 110 organisations (entreprises, écoles, communes…). Ceux qui ont compté les fleurs sur un mètre carré ont directement reçu leur indice nectar, à savoir une estimation de la contribution de leur zone de non-tonte pour les pollinisateurs, en fonction du nectar produit par les espèces observées. Un chiffre symbolique, puisque au-delà de l’apport pour les abeilles, papillons et autres insectes du genre, les espaces moins souvent entretenus remplissent bien d’autres fonctions pour la biodiversité, la vie du sol ou la résilience face aux événements météorologiques extrêmes (inondations ou périodes de sécheresse).

A l’échelle d’En mai, tonte à l’arrêt, l’indice nectar moyen s’élève cette année à 50 milligrammes par mètre carré non tondu. Un chiffre inférieur aux années précédentes (voir le tableau), pour plusieurs raisons potentielles. «D’une année à l’autre, la productivité des espèces peut varier en fonction des températures, de la luminosité et de l’évolution de la météo, décrypte Sylvain Boisson, expert en gestion de la biodiversité à la faculté Gembloux Agro Bio-Tech (ULiège). Cette année, par exemple, la végétation a démarré plus tôt, dès février, mais a connu une pause avec la période plus froide au mois de mars. Les myosotis et les pissenlits, notamment, ont fleuri plus tôt que l’année dernière.» Or, comme la période de comptage des fleurs survient toujours fin mai, certaines espèces sont sous-représentées, voire absentes, du bilan floral.

Le trio de tête des espèces les plus fréquemment observées se compose de l’incontournable pâquerette, puis des renoncules âcre et rampante (deux fleurs qui se ressemblent et plus connues sous le nom de «bouton d’or»), soit des fleurs qu’on retrouve aussi dans un gazon régulièrement tondu. En revanche, dès que l’herbe prend de la hauteur, d’autres espèces peuvent faire leur apparition, comme la porcelle enracinée (30 à 70 centimètres de haut), la centaurée (30 à 80 centimètres ) ou la grande marguerite (jusqu’à 90 centimètres ).

Pour développer un jardin naturel toute l’année, les partenaires associatifs d’En mai, tonte à l’arrêt (Adalia 2.0, les Cercles des naturalistes de Belgique et le Réseau Nature de Natagora) distillent de nombreux conseils ou formations. Les plus investis peuvent aussi intégrer le Réseau Nature, en souscrivant à sa charte et bénéficier ainsi d’une labellisation (plus de 2.300 terrains inscrits).

Et si tout le monde participait?

La surface moyenne des jardins privés en Belgique francophone s’élèverait à 301 m², selon une enquête sur l’horticulture de l’Observatoire de la consommation de l’Apaq-W (2022). Un chiffre proche de l’estimation du Crioc à l’échelle nationale en 2012 (262 m²), mais largement inférieur aux 551 m² de l’enquête «Garden Outdoor Living 2020» de Shopperware pour Comeos, qui indique en outre que le gazon couvrirait 46% de la surface d’un jardin.

Comme il ne s’agit pas de valeurs médianes, ces superficies sont surestimées. Le Vif tient de ce fait compte d’une zone de non-tonte couvrant 10% d’un jardin moyen de 300 m², sachant que 20% seraient réalistes dans les faits. Par ailleurs, 54% à 79% des 5,1 millions de ménages disent posséder un jardin, selon les sources (67% en moyenne). La formule pour estimer la surface potentielle totale de non-tonte est donc la suivante: 300 x 0,46 x 0,1 x 0,67 x 5,1 millions. Soit 47,2 km², l’équivalent de 7.000 terrains de football.

La surface cumulée de zone refuge pour la nature serait beaucoup plus grande encore si l’on y ajoutait ne serait-ce que 5% des parcelles reprises en tant que parcs et jardins (23,5 km²) dans le cadastre belge et des vergers (29,5 km²). Il faut environ 60 milligrammes de nectar pour soutenir le développement d’une larve d’abeille solitaire.

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