Toujours plus de loups en Belgique : le désarroi des éleveurs face aux attaques
De retour en Belgique depuis 2016, le loup est au centre de toutes les attentions. Trois meutes sont installées en Flandres et en Wallonie, et plusieurs portées de louveteaux sont nées pendant l’été. Une augmentation de la population qui attise l’inquiétude des éleveurs face aux attaques envers le bétail de ces animaux protégés. Une situation qui pose la question de la cohabitation entre loup et être humain.
André Calus, agriculteur et président de l’ASBL Vlaamse Schapenhouderij (VSH), ne le cache pas : il est inquiet. Début juin, trois de ses brebis sont mortes, et trois ont été blessées après deux attaques d’un loup solitaire. «C’est peut-être la fin de l’élevage de brebis, se désole l’éleveur de Flandre-Occidentale, [avec le retour du loup] plusieurs producteurs ont vendu leur élevage de brebis, pour ne pas avoir de problème.»
Augmentation des attaques
En Flandre, une meute a posé bagage dans le Limbourg, et un loup seul s’est installé à Anvers. Dans la région, plusieurs centaines d’animaux domestiques ont succombé sous les crocs de ces prédateurs, installés ou de passage, depuis 2018. En 2022, on comptait plus de 140 animaux tués, selon les chiffres de l’Agence pour la Nature et la Forêt du gouvernement flamand.
«Quand on aime les animaux, et que chaque matin on s’inquiète de savoir si le loup est passé, mentalement, c’est très lourd», témoigne André Calus.
En Wallonie, deux meutes vivent respectivement dans les Hautes-Fagnes et à Butgenbach-Bullange. En août dernier, les scientifiques ont constaté la naissance de deux portées de louveteaux. Dans la région aussi, des dizaines d’attaques de loups ont eu lieu. Plus de 90 animaux sont morts en 2022, contre une soixantaine en 2021, selon les recensements du Réseau Loup, un réseau d’experts composé de scientifiques, éleveurs et chasseurs, créé par le Service public de Wallonie.
«En Allemagne et en France, il y a de plus en plus de loups, donc automatiquement, il y en a plus chez nous», indique Violaine Fichefet, biologiste au Service public de Wallonie et membre du Réseau Loup. Les attaques peuvent être causées par les loups installés en Belgique, dans une zone de présence permanente (ZPP), mais aussi par des loups solitaires, venus de France ou d’Allemagne, qui traversent le pays.
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Pour Violaine Fichefet, l’augmentation du nombre de loups présents sur le territoire explique le nombre croissant des attaques. «Si on observe bien les chiffres, dans la zone de présence permanente, il y a assez peu d’attaques, par contre, en dehors, on en a plus.» En 2022, 71 animaux tués étaient hors ZPP, contre 22 au sein de la zone.
On constate aussi que parmi les attaques signalées par les agriculteurs, plusieurs sont causées par des chiens, généralement domestiques. En 2022, ils étaient la cause de la mort de presque une cinquantaine d’animaux d’élevage en Wallonie.
Protéger le bétail
«Je comprends l’inquiétude des éleveurs, on ne peut pas négliger l’impact de ces événements sur leur vie, souligne Sophie Clesse, chargée de mission de la Wolf Fencing Team Belgium en Wallonie. les aider est donc primordial.»
Active depuis 2019 en Flandre, et 2021 en Wallonie, la Wolf Fencing Team Belgium accompagne les éleveurs dans l’installation de clôtures électrifiées pour empêcher les loups de s’attaquer aux animaux. «Actuellement, on offre la main-d’œuvre pour l’amélioration ou la mise en place de clôtures. Mettre en place une clôture efficace, cela demande de l’expertise», explique Sophie Clesse.
En Wallonie, les bénévoles de la Wolf Fencing Team Belgium bénéficient de la collaboration de l’ASBL Natagriwal, qui vient en aide aux agriculteurs. Cette initiative est soutenue par le Plan Loup, qui vise à «favoriser une cohabitation harmonieuse avec le loup.»
«Le loup, c’est un maillon de notre chaîne alimentaire. Le problème c’est que ça fait plus d’un siècle qu’on a vécu sans ce super prédateur, donc c’est normal que cela nous chamboule»
Violaine Fichefet, biologiste au Service public de Wallonie et membre du Réseau Loup
«Sur les clôtures qui ont été mises en place [par la Wolf Fencing Team Belgium] et qui ont reçu l’électricité nécessaire, il n’y a plus jamais eu d’attaques», se réjouit Sophie Clesse.
Les éleveurs de caprins et ovins vivant dans une ZPP du loup peuvent avoir droit à des subsides afin d’acquérir du matériel de clôture. Pour ceux qui n’y ont pas accès, la somme à dépenser est très coûteuse, comme le souligne André Calus. Elle peut atteindre plusieurs milliers d’euros. Un système de prêt de filet électrifié mobile temporaire est toutefois disponible quand un loup est détecté hors de la ZPP. En cas d’attaque mortelle d’un animal par un loup, l’éleveur peut également percevoir un remboursement.
André Calus, évoque la possibilité d’avoir recours à des chiens pour protéger les animaux. Une option envisagée, mais pas privilégiée en Wallonie. «[Le chien] c’est quelque chose qu’il faut apprendre à maîtriser», précise Violaine Fichefet, en ajoutant que les chiens peuvent être utiles dans des grands troupeaux, ce qui reste rare en Belgique.
Un danger pour l’homme?
«La concentration de meutes de loups dans certaines régions d’Europe est devenue un véritable danger pour le bétail et, potentiellement, pour l’homme», a déclaré lundi la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen. Une déclaration qui a fait réagir Violaine Fichefet. «Jusqu’à présent, rien ne nous prouve que le loup est dangereux pour l’homme.», assure-t-elle, en rappelant le rôle négatif qu’a le loup dans l’imaginaire collectif, souvent le grand méchant de contes et autres histoires populaires.
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Certes, des attaques contre l’humain sont possibles. C’était le cas en juillet dernier d’un agriculteur des Pays-Bas, blessé après avoir tenté de chasser, avec une fourche et une pelle, un loup venu dans son troupeau. Mais la biologiste rappelle que ces événements ont lieu dans des cas particuliers.
«Évidemment que le loup attaque lorsqu’il se retrouve piégé, et évidemment qu’il ne faut pas essayer de l’apprivoiser», assure-t-elle, en précisant que si des loups sont nourris par l’homme, ils peuvent être plus propices à s’en approcher.
Si jamais un loup venait à être dangereux pour l’homme, une dérogation peut être possible pour qu’il soit abattu, malgré son statut d’animal protégé.
«Le loup, c’est un maillon de notre chaîne alimentaire. Le problème c’est que ça fait plus d’un siècle qu’on a vécu sans ce super prédateur, donc c’est normal que cela nous chamboule, souligne Violaine Fichefet. Les scientifiques comme les éleveurs doivent apprendre cette cohabitation. On n’a pas la clé du succès, on va devoir la trouver tous ensemble.»
Lila Maitre
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