COP de Bakou: la COP de trop? Un modèle diplomatique à bout de souffle
La 29e conférence internationale sur le climat (COP), qui se tient en Azerbaïdjan, ne semble pas engagée sur de bons rails. Au point de s’interroger sur l’avenir de ce genre d’événements.
C’est la fête de trop, chanterait Eddy de Pretto. Depuis le début, la COP de Bakou s’est engagée sous de mauvais auspices. D’abord parce que c’est la troisième année qu’un pays pétrolier accueille ce grand rassemblement autour du dérèglement climatique et des solutions collectives à y apporter. Avant l’Azerbaïdjan, dont le pétrole et le gaz représentent 90% des exportations, les Émirats arabes unis, cinquième producteur pétrolier au monde, et l’Égypte, 32e producteur de pétrole et 14e producteur de gaz, ont présidé la grande conférence diplomatique, sans engranger d’énormes avancées. Bien sûr, la réduction des énergies fossiles a enfin été mentionnée dans le texte final de Dubaï, l’an dernier, mais sans engagement précis. Vu l’urgence climatique, difficile de parler de grands succès.
Les lobbys du pétrole se sont montrés très actifs à la COP28, tout comme ils le sont encore dans les couloirs de la conférence de Bakou. La plateforme d’ONG KBPO en a compté 1.773, cette année, contre 2.456 à Dubaï. Un nombre réduit par rapport à 2023, qui s’explique peut-être par les enjeux de cette COP-ci. On y parle moins des énergies fossiles et davantage du financement de la transition climatique. Mais, surtout, le climat d’incertitude engendré par la récente élection présidentielle américaine rend les négociations plus improbables et les négociateurs plus prudents. Rien de très consistant ne devrait sortir de cette conférence, sachant que les États-Unis sont actuellement assis entre deux chaises.
On sait que le futur locataire de la Maison Blanche prêche pour le maintien et même le développement des énergies fossiles dans son pays. Comme il l’avait fait lors de son premier mandat, Donald Trump se retirera à nouveau des accords de Paris. Suite à une conversation téléphonique avec lui, son ami argentin, le président climatosceptique Javier Milei, a d’ailleurs demandé aux négociateurs de son pays de quitter manu militari la COP29… Un signe plutôt inquiétant pour l’avenir des négociations internationales sur le climat qui, depuis les célèbres accords de Paris signés lors de la COP21 en 2015, n’ont pas vraiment connu de souffles nouveaux. Au contraire.
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Au fil des COP, la consommation mondiale d’énergies fossiles continue d’augmenter, malgré l’essor phénoménal des énergies renouvelables. En 2023, les nouvelles installations solaires, par exemple, ont bondi de 80% dans le monde, une explosion qui s’explique par la diminution du prix des batteries qui permettent de stocker cette énergie propre. Mais la part de fossiles dans le mix énergétique totale reste toujours accrochée à 80%. On sait déjà que la limite d’1,5°C fixée dans les accords de Paris seront dépassés et que la transition énergétique la plus probable entraînera un réchauffement de 2,2°C à la fin du siècle. La COP29, organisée dans un pays dont le président-autocrate a déclaré juste avant la conférence que les fossiles étaient un don de dieux, ne devrait pas y changer grand-chose.
Bien sûr, il faudra attendre l’issue des pourparlers à la fin de cette semaine, en particulier sur l’aide nécessaire aux pays les plus vulnérables pour financer leurs plans de décarbonation et d’adaptation aux impacts du réchauffement. Aux fameux 100 milliards promis par les pays développés entre 2020 et 2025 devrait succéder un autre financement bien plus important, chiffré par l’ONU entre 1.000 et 1.300 milliards par an jusqu’en 2030. Mais, à nouveau, les engagements des États-Unis (qui, pour l’instant, ne contribuent qu’à hauteur de 14 milliards) risquent d’être très incertains. Cela ne devrait pas encourager d’autres puissances comme la Chine, qui ne se voit toujours pas intégrer l’équipe des pays développés contributeurs, à faire de grandes concessions. La politique des chiens de faïence devrait, une nouvelle fois, prendre le dessus.
Bref, les négociations finales à Bakou s’annoncent très compliquées. Même l’Europe, habituée à prendre les devants, ne montrera sans doute pas de grandes ambitions, d’autant que les élections de juin ont marqué un recul des partis écologistes et une percée des partis extrémistes nationalistes en particulier dans les six pays du Traité de Rome fondateur. Seules Malte et la Slovénie n’ont aucun représentant d’extrême droite dans l’hémicycle communautaire, aujourd’hui. Hyper-dépendants des importations d’énergies fossiles, les Européens sont pourtant dos au mur. Reculer en matière de transition n’est pas une option. Réaliser celle-ci sans les pays du Sud global non plus.
Si cette COP s’avère un échec (de plus), il faudra s’interroger sur son avenir, car il est clair qu’elle n’est plus adaptée à son objectif initial. Peut-on encore envisager d’organiser cette grand-messe du climat dans un pays pétrolier? Doit-on continuer à y accueillir des lobbyistes des énergies fossiles, un peu comme si on permettait aux lobbyistes du tabac de fréquenter une conférence mondiale sur le cancer? Pour une meilleure lisibilité des enjeux environnementaux, ne devrait-on pas coupler la COP sur le climat et celle sur la biodiversité, pour n’en faire qu’une, les deux questions n’étant pas dissociables? Ne serait-il pas judicieux d’organiser enfin une prochaine COP en Chine, le pays le plus pollueur de la planète, qui est aussi celui-ci qui investit le plus dans l’éolien et le solaire, et qui pourrait y voir une opportunité de prendre le leadership face aux États-Unis?
Face à l’Amérique de Trump, l’Union européenne pourrait d’ailleurs vouloir jouer la carte chinoise, même si la concurrence industrielle avec le pays de Xi Jinping reste un défi important. En attendant, les regards vont se tourner vers le Brésil qui accueillera la COP30, l’an prochain, en pleine Amazonie. Tout un symbole. Le président Luiz Inácio Lula promet de faire de ce rendez-vous un événement majeur, comme à Paris en 2021, et de décoincer une fois pour toutes le dossier du financement des pays vulnérables. Il faut dire qu’il est bien placé et entretient de bonnes relations aussi bien avec l’Occident, que la Chine et la Russie. C’est lui qui préside actuellement le G20 dont le sommet des chefs d’État des principales puissances économiques mondiales, se tient ces lundi et mardi, à Rio, avec, au menu, un plat de consistance sur la transition énergétique et les renouvelables.
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