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De 30 à 630 euros: pourquoi déterminer la valeur des oiseaux n’est pas anecdotique

Laurence Van Ruymbeke
Laurence Van Ruymbeke Journaliste au Vif

Combien vaut une bergeronnette? Un chardonneret? Une linotte mélodieuse? La question de la valeur des oiseaux n’est pas anecdotique. Car en disposant d’une méthode de calcul précise pour déterminer leur valeur, la justice pourra, à l’avenir, sanctionner au plus juste ceux qui capturent des oiseaux, causant ainsi un préjudice écologique évident pour tous. Les tendeurs sont dans le viseur.

C’est une affaire qui débute en 2015, dans la région de Verviers. La justice met alors au jour un réseau de tendeurs qui ont illégalement enfermé dans leurs cages des centaines d’oiseaux, de dizaines d’espèces différentes, dont certaines sont rares. Identifiés, ils comparaissent devant le tribunal correctionnel de Liège puis devant la Cour d’appel, en 2021. Outre les peines qui sont infligées aux prévenus – des amendes et des peines d’emprisonnement – la question se pose alors de déterminer le préjudice écologique subi du fait de la subtilisation de ces oiseaux. Pour l’avocat de la Ligue royale belge de protection des oiseaux (LRBPO), qui s’était portée partie civile, ce calcul estimatif se fonde sur l’idée que la valeur marchande d’un oiseau vaut aussi pour la nature. Et que le préjudice écologique subi ne peut évidemment être inférieur au revenu que le braconnage rapporte sur le marché noir.

Comment établir la valeur?

Pour établir cette valeur, un prix subjectif est fixé, pour un pinson, à 30 euros: sur le marché des oiseleurs, un tel oiseau se vend entre 30 et 100 euros. Deux critères sont ensuite retenus pour estimer la valeur des autres espèces, un critère de rareté et un critère de tendance démographique. Le premier varie selon l’abondance d’une espèce par rapport au pinson. Selon la LRBPO, un bouvreuil pivoine est 21 fois plus rare qu’un pinson des arbres. Sa valeur sera donc calculée sur la base de 30 x 21, soit 630 euros par oiseau.

Mais il s’agit aussi de tenir compte de l’évolution de l’espèce: est-elle en croissance ou en diminution ? Si la communauté de tel oiseau est stable, la valeur établie en fonction du critère de rareté sera divisé par deux. Si cette population est en augmentation, le chiffre sera divisé par trois. Mais si le groupe de tel oiseau est en diminution, le chiffre sera multiplié par deux; et s’il est en déclin, par trois.

Enfin, la valeur de l’oiseau sera corrigée en fonction de son statut d’espèce menacée ou non: 100 euros de plus pour les espèces menacées et 200 euros de plus pour les espèces vulnérables.

En vertu de cette méthode de calcul, détaille la LRBPO, la valeur écologique d’un bouvreuil s’établit à 315 euros pour un bouvreuil. La linotte mélodieuse, dont la population se porte moins bien, vaudra, elle, 580 euros.

C’est sur cette base que la Cour d’appel de Liège a considéré que le préjudice écologique subi dans cette affaire de tenderie s’élevait à 15100 euros, sachant que la plupart des oiseaux qui avaient été saisis par la justice avaient pu être relâchés dans la nature.

Une approche similaire a émergé en Flandre, lorsque le tribunal de Gand s’est fendu, le 12 septembre dernier, d’un jugement qualifié d’historique à l’encontre d’un tendeur récidiviste. Ce dernier, responsable de la mise en cage de 94 étourneaux, a été condamné à une amende, à la confiscation de sa voiture et à une peine de prison effective.

Pendant longtemps, on a laissé les juges déterminer la hauteur du préjudice écologique subi.

Free Van Rompaey

(association flamnde Vogelbescherming)

«Dans le passé, détaille Free Van Rompaey, de l’association flamande Vogelbescherming, on laissait les juges déterminer ou non la valeur des oiseaux capturés et la hauteur du préjudice écologique subi. Cette évaluation n’était pas uniforme.» Des recherches récentes, notamment menées par l’Institut de recherche sur la nature et la forêt, la KULeuven et l’UAntwerpen, ont débouché sur un outil de calcul déterminant pour chaque espèce protégée en Flandre – soit 484 espèces dont 294 d’oiseaux – une compensation financière pour les dommages causés à l’environnement lorsqu’on leur porte atteinte. Une référence qui pourra être mobilisée dans tous les dossiers de ce genre.

C’est donc sur cet outil que s’est fondé le tribunal de Gand pour rendre son jugement, estimant la valeur des dommages causés à la nature par la mort d’un étourneau capturé à 200 euros. Cet outil de calcul prend notamment en compte la durée de vie des espèces, leur taille, leur risque d’extinction, leur fonction dans l’écosystème et leur utilité pour le bien-être humain.

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