Bactrocera dorsalis, renouée, ToBRFV… Ces espèces exotiques qui menacent la biodiversité
Fin août, l’Agence Fédérale pour la Sécurité de la Chaîne Alimentaire (AFSCA) a découvert dans des fruits importés une mouche exotique : la Bactrocera dorsalis. C’est la première fois que des cas adultes sont détectés dans le pays. Une situation qui soulève des questions sur les risques de l’importation des végétaux sur la biodiversité en Belgique.
Elle semblerait presque inoffensive, cette mouche. Un thorax jaune-brun, des ailes transparentes liserées de noir, et un motif en forme de T sur l’abdomen. Pourtant cette espèce exotique pourrait être une menace pour la biodiversité belge, si l’espèce venait à se répandre dans le pays.
«Cet insecte n’est ni dangereux pour l’homme, ni pour les animaux, précise la porte-parole de l’AFSCA, Aline Van Den Broeck. Mais il va rendre des aliments impropres à la consommation, parce qu’il consomme la chair des fruits et des légumes, et il peut ravager des productions.»
Des plantes contaminées
L’origine de la Bactrocera dorsalis provient des régions tropicales de l’Asie orientale. Dans les années 2000, elle s’est répandue en Afrique subsaharienne. Aujourd’hui, elle fait partie des 20 organismes de quarantaine prioritaire de l’Union européenne. Pour faire partie de cette catégorie, il faut que la présence de l’espèce n’ait pas, ou peu, été constatée sur le territoire, et que «leur incidence économique, environnementale ou sociale potentielle [soit] la plus grave pour le territoire», selon les règlements de l’UE, repris par l’AFSCA.
Pour l’instant, seuls trois cas adultes de Bactrocera dorsalis ont été détectés sur le territoire belge, fin août sur un marché d’Anvers, et deux cas en septembre dans des marchés d’Anderlecht et de Courcelles.
Si la Bactrocera dorsalis ne semble pas avoir de foyer de reproduction en Belgique, c’est par contre le cas d’autres espèces étrangères qui menacent la vie végétale. Les espèces de plantes importées de l’étranger peuvent apporter des virus, bactéries ou champignons qui se répandent parfois très rapidement.
En 2022, la Belgique était aux prises avec le Virus du fruit rugueux brun de la tomate (ToBRFV), avec plusieurs foyers signalés au courant de l’année. Détecté pour la première fois en 2014 en Israël et Jordanie, il est aujourd’hui présent dans plusieurs pays du monde. Parmi les symptômes sur les plantes, on retrouve un jaunissement et des nécroses brunes sur les feuilles, ainsi que des fruits tachetés, rugueux et irréguliers. Une maladie qui peut avoir des effets néfastes sur la production de tomate. En 2023, le ToBRFV semble être mieux contrôlé, mais plusieurs foyers ont encore été détectés au courant de l’année par l’AFSCA.
Une bactérie inquiète également les autorités européennes: la Xylella fastidiosa. «[Xylella fastidiosa] a été détectée pour la première fois en Belgique en 2018 sur des oliviers en provenance d’Espagne présentant des symptômes suspects. Les plantes contaminées furent détruites, et (…) les autres plantes sensibles ont été éliminées dans un rayon de 50m», a indiqué Bernhard Url, directeur exécutif de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA), dans un communiqué sur la campagne européenne #PlantHealth4Life, qui vise à sensibiliser le public à la santé des plantes.
Ce dernier ajoute qu’une autre bactérie présente dans les cours d’eau d’Anvers et du Limbourg menace la culture de pomme de terre.
Des plantes qui s’installent…et se répandent
Des plantes en parfaite santé venues de l’étranger peuvent également déséquilibrer la biodiversité.
Sonia Vanderhoeven, biologiste pour la Plateforme belge pour la biodiversité et le Service public de Wallonie, mentionne le problème de la renouée du Japon. Arrivée dans le pays comme plante décorative, elle envahit à présent une partie du territoire, notamment sur les voies de chemin de fer et des cours d’eau.
«Elle va modifier complètement l’environnement qu’elle envahit, indique la biologiste. Une fois installée, elle va entrer en compétition avec celles présentes localement, qui ne vont plus être capables de survivre. Tout à coup, on se retrouve avec des champs entiers de renouées.»
L’espèce est tellement répandue que son éradication n’est aujourd’hui plus possible, une surveillance accrue est toutefois nécessaire pour limiter sa propagation.
L’invasion biologique est liée à la globalisation des activités humaines, qui tend à augmenter, et c’est une problématique qui fonctionne en synergie avec celui du changement climatique. Dans ce contexte-là, si on ne change rien, on s’attend à ce que le problème s’intensifie.
Sonia Vanderhoeven, biologiste pour la Plateforme belge pour la biodiversité et le Service public de Wallonie
Le cas de l’ambroisie à feuille d’armoise, venue d’Amérique du Nord, pose également des problèmes à la fois dans l’agriculture et au niveau de la santé publique. Capable d’envahir des champs de tournesols, elle est aussi très allergisante pour l’homme. «Dans les régions qui sont fortement envahies par cette espèce, il y a de gros impacts au niveau socio-économiques», rapporte Sonia Vanderhoeven.
Selon le dernier rapport de la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES), sorti le 4 septembre dernier, plus de 3500 espèces exotiques introduites par l’homme sont nuisibles et menacent gravement la biodiversité. Ce chiffre comprend notamment les plantes, les animaux et les microbes. Dans l’Union Européenne, 37 espèces sont considérées comme envahissantes et préoccupantes.
Équilibre de la biodiversité: prévenir plutôt que guérir
Lorsqu’une espèce exotique envahissante s’installe dans un nouvel environnement, l’un des moyens de limiter les dégâts est de l’éradiquer. Une option qui n’est pas la seule, comme le souligne Sonia Vanderhoeven, qui a participé à la réalisation du rapport de l’IPBES.
«Il y a beaucoup d’autres choses qui sont possibles, l’approche qui vise à endiguer la voie d’introduction de ces espèces est tout aussi importante, en agissant très vite dès que les espèces sont là, pour éviter de se retrouver avec des nouvelles renouées du Japon dans quelques années.»
Selon elle, tout comme pour Aline Van Den Broeck, il est important de surveiller les importations de plantes et de fruits, pour empêcher et limiter l’arrivée de nouvelles espèces envahissantes, comme pourrait le devenir la Bactrocera dorsalis, si elle n’est pas surveillée.
«L’invasion biologique est liée à la globalisation des activités humaines, qui tend à augmenter, et c’est une problématique qui fonctionne en synergie avec celui du changement climatique. Dans ce contexte-là, si on ne change rien, on s’attend à ce que le problème s’intensifie», note Sonia Vanderhoeven.
Au niveau individuel, la campagne #PlantHealth4Life, lancée par l’UE pendant l’été, qui vise 12 pays dont la Belgique, rappelle l’importance de ne pas rapporter de plantes exotiques lors de voyages à l’étranger.
Lila Maitre
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