L’ammoniac, carburant du futur? «Il permet de stocker et de transporter les énergies vertes»
L’ammoniac vert est l’une des alternatives aux énergies fossiles les plus prometteuses. Il permet notamment de transporter et de stocker l’électricité verte pour la rendre disponible à tout moment.
Principalement utilisé dans l’agriculture comme engrais, l’ammoniac est le second composé chimique le plus fabriqué au monde. Il sert aussi de gaz réfrigérant, à purifier les réserves d’eau et à fabriquer du plastique, des explosifs, des textiles, des colorants et d’autres produits chimiques, dont des produits ménagers domestiques et industriels. Naturellement présent dans le sol, l’ammoniac fait l’objet d’un intérêt croissant de la part du secteur des énergies renouvelables, du transport maritime et des scientifiques. Ces derniers sont en effet confrontés à un double défi: le stockage et le transport des énergies vertes, afin d’atteindre la neutralité carbone. Et l’ammoniac pourrait les aider à atteindre ces objectifs.
Le procédé de fabrication à grande échelle de l’ammoniac, à partir de l’hydrogène présent dans le méthane fossile, contribue au dérèglement climatique puisqu’il produit du CO2. Mais converti en ammoniac vert, il devient l’une des alternatives les plus prometteuses aux énergies fossiles.
Cet ammoniac vert présente deux principaux avantages: il offre un potentiel énergétique largement supérieur à celui d’une batterie au lithium et est plus facile à transporter que l’hydrogène liquide.
«L’ammoniac vert, ou renouvelable, doit être considéré comme un vecteur énergétique qui permet de stocker de l’énergie, développe Francesco Contino, ingénieur en électromécanique et professeur à l’UCLouvain. Son utilisation doit être associée à celle d’hydrogène, dont on parle beaucoup en ce moment, et qui est produit dans des installations spécifiques. L’idéal étant que ces installations fonctionnent avec des énergies renouvelables. L’objectif est le même avec l’ammoniac: utiliser le soleil et le vent pour en produire».
Pour obtenir de l’ammoniac vert, expose le chercheur, «on a juste besoin d’eau pour capter les molécules d’hydrogène grâce à un courant électrique, et d’air pour en extraire l’azote. Puis de combiner les deux pour extraire l’ammoniac».
L’autre grand point fort de cet ammoniac non polluant est qu’il est lui-même plus facile à transporter que l’hydrogène, et qu’il a une densité énergétique plus élevée. Il permet donc de stocker bien plus d’énergie dans un volume donné, et donc de limiter les coûts liés au transport et au stockage. Raison pour laquelle l’utilisation de cette technologie s’avère particulièrement intéressante pour le transport maritime. «Utilisé en tant que carburant, il peut faire partie de l’une des solutions pour décarbonner le transport maritime. Davantage en tout cas que l’hydrogène. Il reste moins dense que les hydrocarbures utilisés actuellement mais suffisamment que pour que cela ne représente pas un trop gros enjeu».
De plus, l’ammoniac, lorsqu’il est brûlé, n’émet pas de CO2. A l’échelle industrielle, toutefois, sa combustion peut entraîner un dégagement d’oxyde d’azote, un gaz toxique, dans l’atmosphère. «L’ammoniac est un gaz qui ne brûle pas facilement. Il peut aussi être reconverti en hydrogène en cassant la molécule d’ammoniac pour en libérer l’hydrogène que l’on va réutiliser. Quant à l’azote, il est directement libéré dans l’air».
La technologie doit permettre de fournir de l’énergie lorsque le soleil et le vent font défaut et que des difficultés sont rencontrées avec d’autres systèmes de stockage dans des centrales classiques.
Francesco Contino
«L’usage de l’ammoniac vert, précise Francesco Contino, reste en principe réservé au secteur industriel et n’est pas destiné à la sphère domestique. La technologie doit permettre de fournir de l’énergie lorsque le soleil et le vent font défaut et que des difficultés sont rencontrées avec d’autres systèmes de stockage dans des centrales classiques. Puisqu’il s’agit de la même molécule -mais obtenue à partir de l’électrolyse de l’eau-, l’ammoniac vert peut aussi être utilisé pour fournir des matières premières qui sont actuellement produites avec de l’ammoniac non renouvelable comme des engrais ou des matières plastiques. Il peut enfin servir à alimenter les industries qui ont besoin de chaleur à haute température, comme celle du verre et de l’acier».
Comme c’est le cas avec d’autres énergies renouvelables, l’ammoniac non polluant ne comporte pas que des avantages. Son coût de production est assez élevé, puisqu’il nécessite de produire au préalable de l’hydrogène et de disposer d’électrolyseurs.
L’autre gros inconvénient, c’est que l’ammoniac, même renouvelable, reste un gaz très toxique. «C’est évidemment un enjeu pour la santé humaine, comme c’est le cas pour les autres produits industriels comme le LPG, par exemple».
Plusieurs projets de prodcution d’ammoniac vert ont débuté au Maroc, à Oman et en Inde. Dans ce dernier pays, c’est d’ailleurs l’entreprise serésienne John Cockerill qui a été choisie pour fournir les machines qui vont le produire.
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