UBS rachète Credit Suisse: la fusion ne rassure pas les bourses asiatiques
Le rachat de Credit Suisse par sa rivale UBS pour 3 milliards de francs suisses (3,03 milliards d’euros), va donner naissance à un géant bancaire sans précédent dans l’histoire de la Suisse et vise à rétablir la « confiance » des marchés.
Le premier groupe bancaire suisse UBS rachète son rival en difficulté Credit Suisse, a annoncé dimanche le président de la Confédération helvétique, Alain Berset, estimant que c’était le meilleur moyen de « rétablir la confiance ».
Cette solution « n’est pas seulement décisive pour la Suisse (…) mais pour la stabilité de l’ensemble du système financier » mondial, a assuré M. Berset.
Selon le quotidien financier Financial Times, UBS a accepté de doubler le montant initialement proposé pour surmonter les réticences de Credit Suisse et de l’un de ses principaux actionnaires.
La transaction se ferait uniquement en actions UBS et valoriserait l’action Credit Suisse à un prix de 50 centimes, au lieu des 25 initialement proposés, qui reste très inférieur au cours du titre vendredi à la clôture (1,86 franc).
La transaction est examinée à Berne par le gouvernement fédéral, déjà réuni d’urgence jeudi et samedi. Selon CH Media, le gouvernement doit informer les parties concernées et ensuite donner une conférence de presse pour dévoiler les détails de l’accord.
Londres salue l’action des autorités suisses, le système bancaire britannique « sûr »
Le gouvernement britannique a salué dimanche soir les actions prises par les autorités suisses, qui ont facilité le rachat du groupe bancaire Credit Suisse par UBS, et assuré que le système bancaire britannique était « sûr », a déclaré le ministre des Finances Jeremy Hunt.
« Le gouvernement britannique salue les mesures prises aujourd’hui par les autorités suisses au sujet du Credit Suisse pour soutenir la stabilité financière », a tweeté le Chancelier de l’Echiquier britannique. « La Banque d’Angleterre a confirmé que le système bancaire du Royaume-Uni reste sûr, sain et bien capitalisé », a-t-il ajouté, citant une déclaration de la BoE.
La fusion entre ces géants, qui font tous deux partie du club très fermé des 30 établissements bancaires trop importants pour faire faillite, devrait donc être bouclée et annoncée à temps pour l’ouverture des marchés asiatiques. L’espoir étant que cela puisse suffire à empêcher une panique généralisée.
Le secteur bancaire est sous tension depuis que les grandes banques centrales ont augmenté fortement leurs taux afin d’essayer de maîtriser l’inflation. Nombre d’établissements ont omis de se préparer après avoir eu accès, pendant des années, à de l’argent pas cher.
La récente faillite de la Silicon Valley Bank aux Etats-Unis et d’autres banques régionales américaines a augmenté l’angoisse des investisseurs et les a poussés à vendre les titres des banques considérées comme les maillons faibles. C’est le cas du Credit Suisse qui depuis 2 ans va de scandales retentissants en revers.
Et malgré les efforts de sa direction pour vanter un plan de restructuration sur trois ans, rien n’y a fait. Les investisseurs ont voté avec leurs pieds et l’établissement zurichois a eu du mal à accéder des liquidités à des prix raisonnables.
Une bouée de sauvetage de 50 milliards de francs suisses lancée mercredi par la banque centrale suisse, après une journée noire en Bourse, n’a donné qu’un bref répit à la banque.
Les autorités de régulation et le gouvernement fédéral ont eu à faire à une pression immense des principaux partenaires économiques de la Suisse pour assainir la situation avant qu’elle ne contamine le monde entier.
Selon le Financial Times et Blick, les clients de la banque ont retiré 10 milliards de francs suisses en une seule journée en fin de semaine dernière.
Selon l’agence Bloomberg, UBS exige que les pouvoirs publics prennent en charge des frais légaux et des pertes potentielles qui peuvent se chiffrer en milliards de francs.
Samedi, les discussions butaient sur l’activité banque d’investissement, selon l’agence financière, un des scénarios à l’étude étant une reprise uniquement de la gestion d’actifs et de fortune avec une cession de cette branche.
USA: la Fed et le Trésor se félicitent du rachat
La ministre de l’Economie américaine Janet Yellen et le président de la banque centrale Jerome Powell se sont félicités dimanche du rachat de Credit Suisse par UBS, tout en assurant que le système bancaire américain était solide.
« Nous sommes satisfaits des annonces faites par les autorités suisses aujourd’hui pour soutenir la stabilité financière », ont-ils déclaré dans un communiqué commun du Trésor et de la Fed. « Le système bancaire américain est solide en termes de capitalisation et de liquidités et le système financier américain est résilient », ont-ils ajouté.
Les deux institutions ont en outre précisé avoir été « en contact étroit » avec leurs homologues internationaux pour « soutenir la mise en place » de l’opération.
En revanche, UBS, qui a passé plusieurs années à se redresser après le choc de la crise financière de 2008 et un sauvetage massif de l’Etat, commence à récolter les fruits de ses efforts et il a fallu énormément d’efforts des autorités pour que la direction de la banque accepte d’endosser l’habit du sauveur.
La Commission de la concurrence pourrait également sourciller selon la configuration du rachat.
Les discussions portent aussi sur le sort à réserver à la branche helvétique de Credit Suisse, un des pans profitables du groupe qui a perdu 7,3 milliards de francs suisses l’année dernière et table encore sur des pertes « substantielles » en 2023.
Cette branche rassemble la banque de détail et les crédits aux PME. Une des pistes envisagées par les analystes est celle d’une introduction en Bourse, qui pourrait limiter les licenciements en Suisse en raison des doublons avec les activités d’UBS.
Dimanche, le syndicat des employés de banques en Suisse a « exigé » la participation des partenaires sociaux aux discussions, compte tenu des enjeux « énormes » pour l’emploi.
Et quand la Bourse ouvrira lundi le Credit Suisse pourrait appartenir au passé », prédisait le tabloïd Blick.
La fusion ne rassure pas les bourses asiatiques
Les bourses asiatiques creusaient lundi leurs pertes, signe que le retour de la « confiance » des investisseurs mondiaux dans le système bancaire était loin d’être gagné, malgré le rachat de Credit Suisse par UBS annoncé la veille dans l’urgence.
L’indice vedette Nikkei de la Bourse de Tokyo perdait 0,98% vers 03H45 GMT, lesté notamment par ses valeurs bancaires. A Hong Kong, les pertes de l’indice Hang Seng étaient pires (-2,51%), tandis que les Bourses de Shanghai et Shenzhen étaient elles en petite hausse.
Matt Simpson, analyste de City Index, relevait toujours une « forte dose de suspicion et de paranoïa » sur les marchés asiatiques dans une note publiée lundi. « Les incertitudes pourraient rester élevées pendant un certain temps » en dépit des diverses mesures de soutien au secteur bancaire, prévenait aussi Stephen Innes de SPI Asset Management.