Le traitement, les indemnités de logement et les frais de représentation des ministres du gouvernement De Wever sont indexés par rapport à ce qui prévalait sous le gouvernement De Croo. © BELGA

Salaire mensuel de 20.787 euros, indemnité de logement de 1.923 euros par mois… Voici combien gagnent vraiment les ministres du gouvernement De Wever

Nicolas De Decker
Nicolas De Decker Journaliste au Vif

Le Vif a mis la main sur la circulaire qui fixe les rémunérations des ministres du gouvernement De Wever. Le traitement, les indemnités de logement et les frais de représentation sont indexés par rapport à ce qui prévalait sous le gouvernement De Croo.

Les ministres du nouveau gouvernement fédéral portaient la promesse d’une transparence nordique, leur embarras faillit nous en faire perdre notre latin. Le 27 février 2025, Le Vif contactait la porte-parole francophone de Bart De Wever, Anne-Laure Mouligneaux, par message puis par mail, pour savoir à combien s’élevaient au total les émoluments des membres de son gouvernement. Elle donnait en réponse une information erronée, «pas de frais de personnel prévus pour le Premier ministre», sans préciser de montants. Un des trois porte-parole néerlandophones de Bart De Wever, Jules Cremers, nous envoyait un message le 7 mars pour corriger «un petit malentendu», et confirmait que le Premier, comme tous ses collègues, recevait bien une indemnité défiscalisée pour frais de logement et de domesticité. Mais sans en donner les montants. Depuis, on les lui a redemandés quatre fois, ainsi que trois fois à la porte-parole francophone, mais ils n’ont plus jamais répondu. On a saisi deux ministres, dont un deux fois, et plusieurs porte-parole de ministres, et tout ce que Le Vif a pu savoir des conditions de vie des ministres fédéraux, c’est que:

1. Tous les ministres fédéraux sont rétribués, en plus de leur traitement brut, avec des frais de représentation ainsi que des frais de logement et de domesticité.

2. Ces frais de logement et de domesticité ne sont pas soumis à l’impôt sur le revenu, et ne doivent pas être justifiés.

3. Puisqu’ils ne doivent pas être justifiés, il est parfaitement légal de recevoir une indemnité de logement tout en pouvant profiter d’un logement de fonction.

4. Dix des quinze ministres du gouvernement De Wever bénéficient de ce généreux cumul. Neuf disposent d’un kot dans les locaux de leur cabinet. La Régie des bâtiments de l’Etat fédéral paie même un appartement loué, sur le marché privé, à David Clarinval (MR).

Cet embarras semblait spécifiquement fédéral puisque les gouvernements plus méridionaux de la Région wallonne et de la Fédération Wallonie-Bruxelles, eux, n’ont eu aucune peine à communiquer instantanément sur les rémunérations des ministres. Peut-être est-ce lié au fait que les indemnités pour frais y sont traditionnellement moins généreuses qu’au fédéral. Ou peut-être est-ce en lien avec le fait que le gouvernement De Croo avait, lui, diminué tous les revenus de ses ministres de 8% tandis que le gouvernement De Wever les a rigoureusement indexés. Car grâce à l’obstination d’une lectrice du Vif, nous savons désormais à combien s’élèvent les trois sources de revenus des quinze éminences de l’Arizona.

Cette lectrice, c’est Sofie Merckx, qui cumule cette louable vocation avec un mandat de députée fédérale et de cheffe de groupe PTB à la Chambre des Représentants.

La parlementaire carolorégienne a pu dénicher la circulaire que l’exécutif De Wever refusait de publier. Emise le 3 février par la Chancellerie du Premier ministre, celle-ci porte «Rétribution et indemnisation des membres du gouvernement» en objet.

Et on trouve dans ces quatre pages tout ce qui fera le statut professionnel de Bart De Wever et de ses collègues. L’allocation de fin d’année, le pécule de vacances, les allocations familiales, la voiture automobile avec chauffeur –et s’il choisit de garder la sienne– l’indemnité kilométrique forfaitaire, les déductions de cotisations pour ceux qui voudraient rentrer leurs frais réels, les pensions –alignées sur l’assemblée où ils ont été élus le 9 juin, ou sur le Sénat s’ils sont extra-parlementaires, comme c’est le cas de Bernard Quintin, ministre de l’Intérieur (MR), l’indemnité de sortie –idem, les assurances –ibidem.

Quant au traitement, aux indemnités et aux frais des ministres fédéraux, ils sont bien, confirme la circulaire, de trois eaux.

Le traitement annuel, d’abord, qui «s’élève à 249.446,67 euros», en brut (soit 20.787 euros par mois), est payé par le SPF dont ils dépendent.

L’indemnité pour frais de représentation, ensuite, est fixée forfaitairement à 384,76 euros mensuels par ministre, mais «son montant est toutefois de 769,53 euros pour le Premier ministre, les vice-Premiers ministres et le ministre qui a les Affaires étrangères dans ses attributions». Elle vise à «couvrir intégralement les dépenses personnelles auxquelles les membres du gouvernement sont tenus en raison de leur rang», précise la circulaire, mais ces frais doivent être justifiés. La Cour des comptes s’oppose à ce que, par exemple, soient portés en compte les «achats de fleurs ou de cadeaux pour des fiançailles, des mariages ou d’autres circonstances privées», avertit ainsi la Chancellerie.

L’indemnité pour frais de logement et domestiques, enfin, est à charge de son cabinet. Elle sera de 1.923,82 euros par mois pour chaque ministre, et ne devra pas être justifiée. Ce qui déçoit particulièrement Sofie Merckx, depuis son siège d’opposition. «Le gouvernement met toute la population au régime avec les mesures sur les pensions, mais les ministres eux-mêmes ne sentiront pas les économies. Non seulement ils gardent leur salaires et leurs pensions très avantageuses, mais aussi des avantages inexplicables et qui font double emploi, comme l’indemnité de logement et le logement de fonction. La culture des privilèges en politique est loin d’être mise à mal», déplore-t-elle.

L’Arizona, pourtant, a fait réaliser des économies au Trésor public en ne désignant aucun secrétaire d’Etat, ce qui réduit à quinze membres le gouvernement De Wever, contre 20 sous De Croo. Mais les ministres eux-mêmes feront moins d’efforts que leurs prédécesseurs. La Vivaldi, lors de la confection de son budget 2023, avait diminué de 8% les trois types de rémunérations ministérielles, qui s’élevèrent en 2023 et 2024 à respectivement 239.759, 89 euros annuels de traitement brut, 369,82 euros de frais de représentation, et 1.849,11 euros mensuels d’indemnité de logement et pour frais domestiques pour chaque ministre. L’Arizona a donc choisi d’indexer les rémunérations des siens avec une fort peu nordique automaticité, si bien qu’elles sont aujourd’hui aussi élevées qu’avant la diète que leur imposa Alexander De Croo.

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