Bertrand Candelon
Quelles leçons tirer de l’expérience britannique? (chronique)
Depuis plusieurs mois, le Royaume-Uni traverse une zone de fortes turbulences. Même si ses perspectives économiques pour 2023 restent à peu près similaires à celles de ses voisins européens, plusieurs indicateurs sont passés au rouge. Quelles leçons faut-il tirer de l’expérience britannique?
Tout d’abord, la livre sterling s’est fortement dépréciée – jusqu’à atteindre, en septembre, un taux de change jamais vu depuis 1985. Ensuite, le taux de refinancement de l’Etat s’est envolé pour dépasser les 4% et s’installer à un niveau comparable à celui de l’Italie. Enfin, l’inflation dépasse significativement celle observée dans la zone euro. Cette dégradation macroéconomique était concomitante à une crise politique sans précédent, qui a vu se succéder trois Premiers ministres en moins de deux mois. Plusieurs leçons peuvent être tirées de cet épisode.
Les mécanismes de crédibilité et de stabilité mis en place par l’Union européenne ne peuvent être sous-estimés.
La sortie de l’Union européenne, effective depuis le 1er janvier 2021, n’a pas engendré les résultats positifs escomptés, alors même que c’est en période de crise qu’ils auraient dû être les plus importants. En effet, les défenseurs du Brexit avançaient l’idée qu’un Royaume-Uni affranchi des contraintes européennes pourrait faire face plus efficacement aux chocs. Preuve en est que, depuis la crise du Covid, cela n’a pas été le cas. Même si l’Union européenne présente de nombreuses imperfections et lourdeurs, la situation britannique montre qu’il ne faut pas sous-estimer les mécanismes de crédibilité et de stabilité mis en place en son sein.
Au cours du mois de septembre, on a assisté à un défaut de coordination entre les mesures budgétaires décrétées par la Première ministre Liz Truss et les actions de la Banque d’ Angleterre, en charge de la politique monétaire. Alors que cette dernière tentait de juguler l’inflation galopante en réduisant la demande par des hausses successives de taux d’intérêt, le gouvernement, lui, mettait en place un plan de relance par le biais de la baisse des impôts. Ces décisions antagonistes entrant en conflit, elles ne pouvaient aboutir à un impact réel sur l’économie. Par contre, elles ont jeté un doute sur la gouvernance économique du pays et miné sa crédibilité sur les marchés. Car la coordination entre la politique monétaire et budgétaire est cruciale pour un Etat.
Outre le fait d’aller à l’encontre de la politique monétaire, le plan de relance budgétaire préparé par le gouvernement Truss prévoyait 45 milliards de livres de baisses d’impôts non financées, ciblant en grande partie les ménages aisés. Après les avertissements des institutions internationales comme le FMI, la pression des marchés a entraîné l’abandon de ce programme et la démission de la Première ministre. Il apparaît donc que, même si la conduite de la politique budgétaire reste du ressort d’un pays souverain et de sa représentation élue démocratiquement, elle doit respecter les grands équilibres et règles économiques. Faute de quoi les marchés réagiront en demandant une prime de risque plus importante, augmentant ainsi le coût de refinancement de la dette publique jusqu’à la rendre potentiellement insoutenable.
Même s’il fait peu de doute que le Royaume-Uni fera preuve d’un pragmatisme suffisant pour surmonter cet épisode, le coût associé en matière de croissance et de crédibilité risque de ne pas être négligeable. Les pays européens, quant à eux, devront apprendre de cette expérience et ne pas reproduire les mêmes erreurs.
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