Bertrand Candelon
Pourquoi les réformes structurelles sont des exercices périlleux
Chaque fois qu’elles sont évoquées, les réformes dites «structurelles» se retrouvent sous les feux de l’actualité. Immanquablement, elles cristallisent les peurs originelles de changement dans l’opinion publique, savamment attisées par les oppositions qui y trouvent un moyen d’expression privilégié.
Les réformes structurelles regroupent l’ensemble des mesures qui permettent d’accroître la croissance potentielle d’un pays. Elles concernent donc le côté «offre» d’une économie, comme la déréglementation du secteur financier, la simplification administrative ou la stimulation de l’entrepreneuriat. Les mesures les plus controversées restent cependant celles qui concernent la fiscalité et le marché du travail, comme le prouvent les tensions actuelles autour de la réforme fiscale et des pensions. Les réformes structurelles ont pour objectif d’augmenter la flexibilité du marché du travail, d’accroître ainsi le taux d’activité et permettre, à terme, à des pays comme la Belgique d’être plus compétitifs.
Leurs répercussions positives prennent souvent plusieurs années avant de se matérialiser.
Les réformes structurelles ne s’inscrivent pas non plus dans le court terme, mais visent à stimuler la croissance de long terme, ainsi que ses effets positifs indirects comme l’amélioration des déficits budgétaire ou extérieur. Cet horizon constitue le principal handicap pour leur mise en place. En effet, comme les répercussions positives, même si elles ont été démontrées (Structural Reforms and Economic Growth: A Machine Learning Approach, par Anil Ari, Pula et Sun, 2022), elles prennent souvent plusieurs années avant de se matérialiser, il est donc aisé de repousser ces réformes, de mettre en doute leurs effets et d’attendre les périodes de crise pour les appliquer. On observe même régulièrement que leurs bénéfices profitent aux gouvernements qui étaient dans l’opposition au moment des décisions auxquelles, à l’époque, ils s’étaient opposés.
Compte tenu de cette difficulté, il est illusoire de vouloir mener plusieurs réformes structurelles simultanément. Haussman, Rodrick et Velasco (2005) proposent de les prioriser en appliquant en premier lieu celles qui contraignent la croissance d’une économie et qui auront donc les effets directs les plus importants et les plus rapides. A cette fin, ils diagnostiquent ces facteurs bloquants à partir d’un arbre de décision. Le premier choix consiste à analyser si la croissance est contrainte par l’environnement entrepreneurial et/ou par une adéquation sur le marché de l’emploi. Même si, à l’origine, cette approche était destinée aux pays émergents, elle est à présent utilisée par les organisations internationales pour les économies avancées. Dans le cas de la Belgique, il est évident, depuis plusieurs années, que l’efficience du marché de l’emploi et ses pièges (surtout en Wallonie) ainsi que la fiscalité constituent les principales contraintes à la croissance.
Enfin, la mise en place de réformes requiert une pédagogie spécifique afin de susciter l’adhésion de la plus grande partie de la population. Cette communication doit bien sûr avoir lieu avant, pendant mais aussi après l’implémentation de la réforme structurelle. Ce suivi est souvent négligé mais est essentiel pour la crédibilité des décisions futures.
On comprend donc facilement pourquoi les réformes structurelles constituent des exercices périlleux, en particulier pour des gouvernements en fin de législature. Elles n’en restent pas moins absolument nécessaires pour, à l’avenir, atteindre un niveau et une qualité de croissance suffisants.
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