les Brics
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Pourquoi les Brics modifient l’ordre économique mondial (chronique)

Bertrand Candelon
Bertrand Candelon Professeur de finance à l'UCLouvain et directeur de la recherche Louvain-Finance.

Du 22 au 24 août, les chefs d’Etat des Brics (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) se sont réunis à Johannesburg pour discuter du développement de leur coopération économique. Cette quinzième rencontre annuelle revêt une importance particulière à l’aune des récentes crises.

Même si l’acronyme Bric remonte à 2001 (le «s» s’ajoutant en 2010 avec l’intégration de l’Afrique du Sud) lorsqu’un économiste de la banque Goldman Sachs, Jim O’Neill, l’a utilisé pour désigner le groupe des pays les plus émergents, une coopération économique n’a été initiée qu’en juin 2009 au sommet de Iekaterinbourg, en Russie. Depuis lors, les Brics ont accru leur position économique et, sous l’impulsion de la Chine, ce groupe de pays, qui concentre environ 40% de la population mondiale, représente désormais 23% du PIB mondial, un quart du commerce mondial, ainsi qu’une quantité de réserve monétaire colossale. De même, sa croissance potentielle est importante, en particulier pour la Chine qui affiche un taux de croissance moyen largement supérieur à celui de tous les pays avancés.

De plus, les Brics ont mis en place des institutions communes, notamment en 2014 avec la création d’un fonds de réserve et d’une banque de développement, organisme multilatéral qui permet de financer les projets de développement économiques et sociaux dans les pays émergents. Le renforcement de cette coordination économique donne le signal de l’émergence d’un nouveau pôle non négligeable, concurrent sérieux pour l’Europe et les Etats-Unis. Il a déjà permis à la Russie de s’affranchir d’une grande partie des sanctions économiques imposées à la suite de l’invasion de l’Ukraine.

Cette puissance économique constitue aussi désormais un pôle d’attractivité pour de nombreux pays comme l’Arabie saoudite, l’Argentine, l’Egypte, l’Ethiopie, l’Iran ou les Emirats arabes unis, qui viennent de rejoindre le groupe. Celle-ci est renforcée par des critères d’adhésion très souples, voire inexistants en matière de gouvernance, contrairement à ceux imposés, par exemple, dans le traité de Copenhague pour toute nouvelle candidature à l’Union européenne.

Lors du sommet d’août, les Brics ont discuté d’une nouvelle étape de leur intégration économique: la création d’une monnaie commune ou, tout au moins, la mise en place de mécanismes afin d’éviter les fluctuations excessives entre les taux de change des pays membres. L’idée est de concurrencer le dollar américain comme devise internationale, notamment pour les transactions de matières premières, afin de pouvoir bénéficier des effets positifs de l’impression monétaire, aussi appelés «seigneuriage». Même si cet objectif est encore loin d’être une réalité – le renminbi, la devise chinoise, n’étant utilisé que dans environ 2% des échanges –, il signale une volonté de vouloir participer plus activement au système monétaire international.

Il apparaît donc évident que les Brics sont en train de modifier durablement l’ordre économique mondial. Même si ce bloc n’est pas encore dominant, l’UE aurait tout intérêt à ne pas l’oublier, en particulier lors des futures tensions qui ne manqueront pas d’apparaître face à des risques de fragmentation grandissants.

Bertrand Candelon est professeur de finance à l’UCLouvain et directeur de la recherche – Louvain Finance.

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