Bertrand Candelon
Pourquoi le vieillissement de la population est un défi économique (chronique)
Depuis maintenant plus d’un siècle, on observe un vieillissement démographique dans presque tous les pays du monde, et en particulier les plus avancés.
Cette évolution trouve ces origines dans la transition démographique. En effet, grâce aux progrès de la science et à l’augmentation du niveau de vie, nous sommes passés dans un nouveau régime avec moins de naissances et une espérance de vie plus importante. La proportion de seniors augmente donc et ce processus s’accélérera dans le futur avec des conséquences économiques, en particulier pour les systèmes de protection sociale.
Le vieillissement de la population entraînera mécaniquement une hausse des dépenses sociales ainsi qu’une détérioration du déficit et de la dette publics. En effet, dans les pays qui ont mis en place des systèmes de protection sociale élevés, les postes associés aux pensions et aux soins médicaux sont déjà les plus élevés (respectivement 39,4% et 28,4% en Belgique en 2021, selon le SPF Sécurité sociale) et continueront à augmenter jusqu’en 2040. Il est évident que ces deux postes (pensions et dépenses de santé) sont proportionnels au vieillissement. Par contre, la baisse de la population en âge de travailler devrait influencer positivement la part des dépenses sociales liées au chômage, mais seulement de façon marginale et sans freiner l’augmentation globale défavorable.
La solution pour maintenir le système de protection sociale consiste à accroître la croissance grâce à des gains de productivité. La littérature économique ne parvient pas à trancher pour savoir si le vieillissement de la population constitue un frein ou non à la croissance. Même s’il est évident que l’augmentation du nombre de seniors, généralement inactifs, réduit la production, des effets indirects sur le taux d’épargne, l’éducation ou le marché du travail peuvent compenser voire aboutir à une augmentation de la croissance. En effet, comme les seniors ont accumulé un stock de capital au cours de leur vie professionnelle, le taux d’épargne dans une économie vieillissante sera élevé, permettant le financement d’investissements, espérons productifs, et de couvrir plus aisément la dette publique. Cela explique en partie pourquoi le Japon peut se permettre d’avoir une dette publique de 250% du PIB tout en étant soutenable. De même, l’économiste Yoram Ben-Porat a montré, en 1967, qu’un accroissement de l’espérance de vie conduit à l’augmentation de la durée de scolarisation, dynamisant ainsi l’accumulation de capital humain et la croissance. Enfin, l’augmentation de l’âge n’est pas proportionnelle au vieillissement biologique. Même à un âge avancé, les seniors, qui ont un capital humain élevé, ont maintenant la capacité physique de contribuer à la croissance.
Le rôle des autorités publiques consistera, par conséquent, à limiter la hausse du ratio inactifs/actifs et à mettre en place les conditions pour que les effets positifs soient les plus importants possibles. On peut penser à des soutiens ciblés à l’investissement productif et à une politique de formation plus dynamique. Le vieillissement de la population constitue donc un défi auquel les pays devront s’adapter afin de maintenir leur système de protection sociale.
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