Bertrand Candelon
Pourquoi le retour au contrôle budgétaire s’impose
Un retour sous les niveaux de 3% et 60% reste l’objectif ultime du contrôle budgétaire et ces mesures d’assouplissement doivent être compensées par d’autres, plus contraignantes.
Depuis 1997, les pays de la zone euro se sont engagés à respecter les règles imposées par le pacte de stabilité et de croissance. Dans le sillage du traité de Maastricht, il impose aux Etats membres de limiter leur dette et déficit publics à des niveaux inférieurs à 60% et à 3% du produit intérieur brut. Même si les seuils de ces deux critères peuvent paraître arbitraires, ils présentent plusieurs avantages. Tout d’abord, ils imposent une coordination budgétaire entre les Etats membres, favorisant ainsi la viabilité de l’euro. Ensuite, ils indiquent que la dette publique doit être maîtrisée afin de stimuler la croissance, d’éviter une crise souveraine et de disposer de réserves budgétaires en cas de choc imprévu.
Ces critères simplissimes ont évolué au cours du temps, devenant plus flexibles (en cas de situations exceptionnelles, les pays se voient accorder des exemptions), tout en restant intransigeants sur le retour à un équilibre budgétaire (en incluant dans le même temps des sanctions plus sévères pour les pays ne montrant pas de volonté de stabiliser leurs comptes publics). Mais force est de constater qu’à part la survie de l’euro, le pacte de stabilité et de croissance n’a pas permis d’éviter la crise souveraine européenne et la très faible coordination des réactions budgétaires pendant les deux crises récentes. De fait, son application est suspendue depuis le début de la crise Covid et plus de la moitié des pays de la zone euro (dont la Belgique) ne respectent plus des niveaux soutenables pour ces critères budgétaires.
La Commission européenne a donc entrepris une révision du pacte de stabilité et de croissance. Elle propose de mieux prendre en compte la spécificité des pays en analysant la trajectoire budgétaire à un horizon de quatre ou cinq ans. Il y aura aussi une prise en compte des investissements publics, notamment ceux relatifs à la transition écologique, même s’ils ne seront pas exclus des indicateurs budgétaires comme certains politiques le réclamaient.
Force est de constater qu’à part la survie de l’euro, le pacte de stabilité et de croissance n’a pas permis d’éviter la crise souveraine européenne et la très faible coordination des réactions budgétaires pendant les deux crises récentes.
Mais un retour sous les niveaux de 3% et 60% reste l’objectif ultime et ces mesures d’assouplissement doivent être compensées par d’autres, plus contraignantes. Tout d’abord, la Commission européenne analysera les dépenses de chaque pays et plus simplement le solde primaire. Une augmentation des impôts ne pourra donc plus masquer une dérive des dépenses publiques. De plus, les sanctions, présentes dans les versions précédentes du pacte mais jamais mises en pratique, deviendront plus concrètes et obligeront les gouvernements à montrer davantage d’engagement dans l’ajustement de leurs comptes publics.
Cette proposition de réforme reste à l’heure actuelle un projet, qui pourra évoluer, comme le propose le Fonds monétaire international, avec la création d’un organisme indépendant de contrôle des dépenses. Néanmoins, la dégradation des comptes publics et la faible réaction des gouvernements européens imposent qu’elle soit adoptée au plus vite, sans quoi les marchés financiers et les agences de notation pourraient menacer le financement actuel des dépenses publiques, plongeant certains pays dans une nouvelle crise souveraine.
Bertrand Candelon est professeur de finance à l’UCLouvain et directeur de la recherche – Louvain Finance.
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