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Plus d’un tiers des hôpitaux risquent d’être en déficit avec la crise de l’énergie

Face à la flambée des prix de l’énergie, les hôpitaux sont dans l’angoisse. De nombreux établissements sont contraints de prendre des mesures pour rénover leurs installations et réduire leur consommation. Philippe Devos, ancien président de l’Absym, et Pierre Debruyne, du CHR Sambre et Meuse, nous donnent leur point de vue sur la situation.

Les hôpitaux sont, comme tous les secteurs du pays, frappés de plein fouet par la crise de l’énergie. Zorgnet-Icuro, l’organisation flamande des hôpitaux et organisations de soins, estime que les dépenses supplémentaires en énergie pour l’ensemble des hôpitaux belges par rapport à 2019 s’élèvent à un demi-milliard d’euros. « De tels montants risquent de mettre dans le rouge un tiers, voire la moitié des hôpitaux belges« , avertir Philippe Devos, médecin et ancien président de l’Absym, l’Association Belge des Syndicats Médicaux. « Il y a une véritable angoisse budgétaire dans le secteur, surtout lorsque l’on sait que la situation risque de perdurer en 2023. »

Certains établissements ont négocié des contrats avec des fournisseurs par le passé leur permettant d’échapper momentanément à la flambée des prix. « On a une certaine stabilité dans notre clinique, car nous payons un prix fixe établi il y a deux ans, explique Pierre Debruyne, directeur infrastructure du CHR Sambre et Meuse. Ces montants sont d’application jusqu’au 31 décembre. Après cette date, cela va changer : les frais d’électricité ont été multipliés par 3, ceux du gaz par 6. En temps normal, notre budget énergétique s’élève à 1,8 million d’euros. Les finances de l’institution risquent bien d’exploser dans les mois à venir. »

D’autres secteurs en inflation portent aussi un coup à la comptabilité des cliniques. La blanchisserie et l’alimentation ont connu une augmentation des coûts allant de 10 à 15%. Les indexations successives de l’indice des salaires du personnel sont aussi à noter. En un an, les salaires ont augmenté de 10,4 %.

La Wallonie plus durement touchée que la Flandre

Les hôpitaux représentent des gouffres énergétique. Les établissements fonctionnent 24 heures sur 24, tous les jours de la semaine. De par leur taille, les bâtiments nécessitent un éclairage et un chauffage conséquents. Les doses d’énergies que requièrent certaines machineries et salles opératoires sont elles aussi importantes. Les hôpitaux de Wallonie risquent d’être particulièrement vulnérables à la hausse des prix de l’énergie.

« Il y a deux ans, la Région wallonne a été épinglée, car il y avait une vétusté beaucoup plus importante de nos hôpitaux par rapport à la Flandre ou le reste de l’Europe, explique Philippe Devos. C’est une conséquence directe du sous-financement auquel est soumis le secteur depuis plus de 10 ans : les bâtiments sont vieux et mal isolés, qui vont rendre la note énergétique encore plus salée. Les hôpitaux de Wallonie seront donc touchés de façon plus importante par la crise, ce qui va encore creuser l’écart avec la Flandre. »

Les hôpitaux sont financés par le budget des ressources financières (BFM) du gouvernement fédéral. Il n’est pas prévu d’accorder d’enveloppe supplémentaire dans l’immédiat pour subvenir à la hausse des prix. L’argent de l’État, mis à jour par rapport aux prix actuels, ne devrait en effet arriver dans les caisses que d’ici un an ou deux. Les hôpitaux doivent donc actuellement puiser dans leurs fonds propres.

Pour Philippe Devos, il y a de quoi être inquiet vu les ressources limitées dont ils disposent : « On a un budget serré, on fait donc des économies. Mais si celles-ci demeurent insuffisantes, il faudra alors faire des choix. Est-ce qu’on doit songer à limiter les heures d’accès à certains services ? Est-ce qu’on sera toujours en mesure d’acheter du nouveau matériel ? Si aujourd’hui un scanner tombe en panne et qu’il faut le remplacer dans le parc belge, personne ne fera l’investissement. Le risque, c’est qu’on ne puisse plus financer l’achat de nouveaux matériaux médicaux; et qu’on accumule un retard technologique. Il ne faut pas que les patients belges aient moins de chance d’être soignés ici par rapport à l’étranger. »

Réinvestir dans du durable comme nécessité

Pour réduire les factures à l’avenir, les différents hôpitaux sont incités à se tourner vers le renouvelable, en recourant à des panneaux solaires et en investissant dans l’énergie éolienne. Des efforts doivent aussi être fournis pour diminuer la consommation actuelle d’énergie. Certaines mesures ont été adoptées ces dernières années par le plupart des établissements, comme l’utilisation de détecteurs de mouvement et des lumières LED pour l’électricité.

« Nos bâtiments d’origine datent des années 1960, explique Pierre Debruyne. Tous les investissements sont pensés en terme de durabilité. Lorsqu’on rénove des locaux, on isole mieux, on change les types d’éclairage et on règle leur intensité, on installe des batteries de récupération dans les systèmes de ventilation. Ce n’est pas facile, l’hôpital étant constamment occupé, on ne sait pas toujours libérer de grandes surfaces pour rénover. Mais récemment, on a fait 17% d’économie sur le chauffage et la ventilation. »

Il existe cependant des contraintes inhérentes au secteur qui limitent les économies. Certains serveurs informatiques gourmands en énergie doivent ainsi rester allumés constamment, pour le bien de la gestion des services. Toucher aux températures des chambres ou des salles d’opération n’est pas non plus à l’ordre du jour, cela pouvant être nuisible aux patients. « Il reste toutefois des endroits dans où les malades ne passent pas, avance Philippe Devos. C’est notamment le cas de toutes les zones administratives, qui doivent être selon moi soumises aux mêmes règles que le reste de l’administration publique avec une baisse des températures. Il faut peut-être aussi s’attendre à ce que les salles de consultation ou les salles d’attente soient moins chauffées. Il faudra alors dire aux patients de venir avec un plaid !« 

En plus de limiter les coûts énergétiques, investir dans des énergies renouvelables réduit aussi l’empreinte écologique des hôpitaux. Ce qui peut aussi bénéficier la santé de la population, selon Philippe Devos : « Les particules fines issues des émissions de CO2 sont nuisibles pour l’organisme. Au-delà des problèmes financiers, les cliniques ont une responsabilité sur la santé de la population. Il faut dès lors réfléchir intelligemment à la construction des hôpitaux et des extensions de bâtiments, et investir dans le durable : cela ne peut être que bénéfique. »

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