Voici à quoi servent nos impôts
Sur les 287,7 milliards d’euros d’impôts récupérés par l’Etat belge cette année, plus de 55 milliards sont dédiés aux pensions. Les soins de santé (43,3 milliards) et l’Enseignement (31,6 milliards) complètent le podium. Le chômage n’arrive qu’en 7e position, alors que la Défense ferme la marche. Comment interpréter ces statistiques ? A-t-on trop d’idées préconçues sur ce que fait l’Etat de nos impôts? Déchiffrage avec l’économiste Bruno Colmant (ULB).
Plus de 287 milliards d’euros : c’est la somme considérable engrangée par l’Etat belge grâce aux impôts et cotisations sociales sur une année, selon les données du SPF Finances. Un chiffre historiquement élevé qui s’explique facilement, selon l’économiste Bruno Colmant (ULB et Académie royale de Belgique). « L’inflation a joué un rôle très important car tous les impôts indirects augmentent proportionnellement avec les prix. L’augmentation des salaires par l’indexation, quant à elle, ne bénéficie qu’en partie à l’Etat en raison d’une indexation des barèmes fiscaux. Cette hausse nominale est donc surtout due à l’inflation », explique-t-il.
Impôts: « Le changement structurel le plus notable réside dans les dépenses octroyées aux pensions »
Pour l’Etat, que représentent ces 287 milliards d’impôts collectés ? La réponse est : beaucoup. « Cette somme dépasse largement les 50% du budget de la Belgique, assure Bruno Colmant. Aujourd’hui, on est dans une économie où la richesse créée chaque année en Belgique est ‘capturée’ par l’Etat. Même s’il ne s’agit pas d’une capture à proprement parler, puisqu’il y a ensuite une redistribution. »
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Pour Bruno Colmant, le changement structurel le plus notable réside dans les dépenses octroyées aux pensions, premier domaine à profiter des impôts avec 55,9 milliards d’euros (20,1% du total). L’économiste observe deux éléments. « Le baby boom d’après-guerre -qui devient en réalité un papy boom- provoque une forte augmentation des gens qui accèdent à l’âge de la retraite. D’autre part, l’espérance de vie a augmenté. Ce double effet n’est pas fini et pèsera encore sur les pensions dans les prochaines années. C’est pour cela qu’il faut mettre en œuvre la réforme des retraites au plus vite. La situation n’est pas insoutenable, mais elle est en déséquilibre. »
Enseignement et soins de santé « sous-financés »
Parmi les principaux secteurs irrigués avec les impôts, deux sont sous-financés, aux yeux de l’économiste : l’enseignement et le système des soins de santé. « Les salaires y sont extrêmement limités. Tout ce qu’on a appris durant la crise Covid ne s’est pas encore répercuté dans les budgets. Les soins de santé sont structurellement sous-financés, poursuit Bruno Colmant. La plupart des hôpitaux sont en perte. Il y a un véritable problème à ce niveau-là, c’est certain. »
Quant à la part réservée à la Défense (4,4 milliards, soit à peine 1,6% des impôts), elle devrait augmenter dans les années à venir, pressent l’économiste. « Traditionnellement, on dépensait moins des 2% du PIB demandés par l’Otan. Vu le contexte actuel, cela va certainement augmenter. »
« Un mauvais message politique sur le chômage »
Dans ce classement de l’attribution des impôts, le chômage ne se positionne qu’en septième position. Derrière des domaines comme la politique économique ou la gestion des administrations, par exemple. « Il y a un mauvais message politique à ce propos. Ça m’a toujours choqué », lance Bruno Colmant.
Cette impression que le chômage pèse sur les dépenses publiques de façon structurelle est entretenue tant par le MR que par la N-VA. Ça m’a toujours choqué. De manière organique, ce n’est l’élément décisif pour les finances de l’Etat.
Bruno Colmant
« Cette impression que le chômage pèse sur les dépenses publiques de façon structurelle est entretenue tant par le MR que par la N-VA. Quand bien même on enlèverait le chômage, il ne représente que 1% du PIB. C’est négligeable. Ce qui ne veut évidemment pas dire qu’il n’y a pas de profiteurs dans le système. Mais de manière organique, ce n’est l’élément décisif pour les finances de l’Etat », souligne l’économiste, qui dénonce, « une culpabilisation orchestrée par certains politiques sur les dépenses pour le chômage. »
L’idée que le chômage représente une majeure partie des dépenses du pays est un stéréotype encore trop répandu, estime encore Bruno Colmant. « Le chômage ne représente pas grande chose par rapport aux dépenses pour les pensions, par exemple. Ces messages politiques donnent une impression d’avoir une Belgique paresseuse, qui ne travaille pas, alors que c’est tout à fait faux. »
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