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Comment planifier votre succession si vous êtes marié ?

Le Vif

Le régime légal relatif à une succession et les possibilités de régler votre propre planification successorale varient en fonction de votre situation. Voici ce que vous devez savoir si vous êtes marié.e.

Quel régime le droit successoral légal impose-t-il pour l’époux survivant au décès de son partenaire? Trois possibilités se présentent.

  1. Quand l’époux survivant est l’unique héritier, il reçoit la pleine propriété de la succession tout entière.
  2. Si le défunt a des (arrière-/petits-)enfants, le conjoint survivant hérite de l’usufruit de tous les biens de la personne décédée, la nue-propriété revenant aux enfants.
  3. Si le défunt n’a pas d’enfants mais qu’il a d’autres héritiers, le régime matrimonial est déterminant.

En cas de mariage sous le régime légal de communauté, l’époux survivant reçoit la pleine propriété de la part qu’avait le défunt dans le patrimoine commun des époux, et l’usufruit du patrimoine propre du défunt. La nue-propriété des biens propres du défunt revient à ses héritiers légaux.

Si les époux sont mariés sous le régime de séparation des biens, le conjoint survivant hérite de l’usufruit du patrimoine propre du défunt ainsi que de la pleine propriété de la partie du défunt dans le patrimoine qui est exclusivement en indivision entre eux. Ce dernier comprend le patrimoine acquis ensemble (p. ex. l’habitation qu’ils ont achetée ensemble) et les patrimoines propres respectifs qu’ils apportent en indivision (p. ex. l’argent propre qu’ils versent sur un compte financier commun). Il n’existe pas de patrimoine commun.

Comme précisé ci-dessus, le patrimoine doit être en indivision exclusivement entre les époux. En effet, si d’autres héritiers sont concernés et que le patrimoine est donc en indivision entre le testateur, son conjoint et un ou plusieurs membres de sa famille, on ne peut plus supposer que le testateur entendait privilégier les droits du conjoint survivant.

Ainsi, le testateur et ses frères ou sœurs peuvent avoir hérité en indivision d’un bien dans lequel le conjoint survivant a investi. Dans ce cas, les droits des autres parties doivent aussi être garantis. L’époux survivant héritera alors de l’usufruit et les autres héritiers recevront la nue-propriété.

Si l’époux survivant est en concours avec des oncles, tantes, neveux, nièces ou d’autres parents de sang du 4e ordre, il hérite aussi du patrimoine propre du défunt en pleine propriété.

Si les époux sont mariés sous le régime de la communauté des biens, l’héritage tout entier revient au conjoint survivant. Celui-ci a en outre droit à l’usufruit des biens soumis au droit de retour légal, à moins qu’il en ait été décidé autrement dans l’acte de donation ou le testament.

Quelle est l’incidence du régime matrimonial sur la planification successorale?

En Belgique, nous connaissons deux régimes matrimoniaux habituels: le régime de la communauté légale qui s’applique automatiquement si les époux ne contractent pas de contrat de mariage, et le régime de séparation de biens pure et simple. Dans le cas du régime de séparation de biens pure et simple, chaque conjoint conserve son autonomie. Chacun peut poser des actes d’administration de son propre chef, sans l’autorisation de l’autre. Ce n’est pas le cas dans le cadre du régime de communauté. Certains actes juridiques (tels que l’achat d’un bien immobilier ou la contraction d’un crédit hypothécaire) requièrent toujours l’autorisation des deux époux. Dans un régime de séparation pure, les dettes professionnelles ne sont recouvrables que sur le patrimoine propre du conjoint, alors que dans le régime de communauté, elles sont recouvrables aussi bien sur le patrimoine propre du conjoint professionnellement actif que sur le patrimoine commun.

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Qu’ils optent pour l’un ou l’autre, les époux peuvent y ajouter des clauses supplémentaires par le biais d’un contrat de mariage passé devant notaire. Pendant le mariage, les époux peuvent ainsi apporter des ajustements sensibles à leur planification patrimoniale: ils choisiront leur régime matrimonial, décideront de la composition des patrimoines et de la répartition de la communauté conjugale en cas de dissolution du mariage.

Le régime matrimonial peut-il être modifié a posteriori?

Au cours du mariage, vous pouvez toujours adapter votre régime matrimonial ou, si vous êtes mariés sous le régime légal, vous pouvez vous en écarter en établissant un contrat de mariage. De telles modifications requièrent un acte notarié. Si vous souhaitez passer à un régime matrimonial totalement différent (p. ex. du régime légal à un régime de séparation de biens), vous devrez toutefois établir un inventaire. C’est aussi le cas lorsque l’un des époux le demande. Un inventaire n’est pas requis si vous conservez le même régime mais y introduisez une ou plusieurs clauses. Pour une modification simple, il vous en coûtera jusqu’à 500 euros environ. Si la modification s’accompagne d’un transfert de biens immobiliers, le prix peut être sensiblement plus élevé.

Pour quelle raison modifier le contrat de mariage ou régime matrimonial existant?

Pour assurer la protection financière du partenaire survivant. On peut le faire par exemple en ajoutant, dans le cas du régime légal, une clause d’attribution optionnelle ou, dans le cas d’un régime de séparation de biens, une clause de participation aux acquêts ou d’attribution des indivisions pendant le mariage. Si le logement familial appartient à l’un des deux partenaires, vous pouvez le mettre aux deux noms par le biais d’un contrat de mariage.

Pour protéger les enfants d’un mariage antérieur. Les époux qui ont des beaux-enfants peuvent exclure par le biais de leur contrat de mariage l’usufruit légal que détient le conjoint survivant sur la succession. Ils peuvent même le faire pour l’usufruit sur le logement familial et le mobilier. Pour éviter que, dans ce dernier cas, le conjoint survivant doive déménager immédiatement, il reçoit légalement le droit d’occuper le logement familial pendant au moins six mois supplémentaires.

Pour ajuster des choix faits dans le passé. Il arrive que certains anciens contrats contiennent encore une clause “au dernier vivant les biens”, une clause d’attribution de communauté. Cette clause n’est pas intéressante sur le plan fiscal car elle implique un double paiement de droits de succession: lorsque la succession passe au partenaire survivant et ensuite lorsque celui-ci décède et que ce sont les enfants qui héritent. Il peut donc être intéressant de remplacer une clause d’attribution de communauté par une clause d’attribution optionnelle.

La composition des patrimoines: qui possède quoi dans le régime de la communauté légale?

Le régime légal prévoit trois types de patrimoines: le patrimoine commun et les patrimoines propres de chacun des époux.

Le patrimoine commun comprend les revenus professionnels acquis au cours du mariage ainsi que les revenus des biens propres, tels que les revenus locatifs d’une habitation appartenant à l’un des époux. Les biens que les conjoints acquièrent par achat au cours de leur mariage se retrouvent également dans la communauté conjugale. Dans le régime de la communauté légale, tous les biens des époux sont supposés communs.

Chacun des époux peut cependant démontrer que des biens déterminés lui appartiennent en propre.

Les biens suivants appartiennent au patrimoine propre de chacun des époux:

• les biens que chacun possédait avant le mariage,

• les biens que chacun a reçus par héritage ou donation au cours du mariage,

• les objets personnels tels que les vêtements et les bijoux,

• le droit sur des biens qu’un époux utilise exclusivement pour l’exercice de sa profession ou l’exploitation de son entreprise (p. ex. une affaire unipersonnelle),

• les biens qui remplacent d’autres biens propres,

• le terrain à bâtir que l’un des époux achète avec l’argent que lui ont offert ses parents.

La modification du droit des régimes matrimoniaux en 2018 a introduit les changements suivants.

Pour les biens professionnels, les actions de société et la clientèle propre à l’un des époux, la distinction est faite d’une part entre le droit de propriété, qui appartient au patrimoine propre, et d’autre part la valeur patrimoniale, réalisée pendant le mariage, et qui fait partie du patrimoine commun. Le conjoint professionnellement actif peut, lors de la dissolution du régime matrimonial (p. ex. consécutivement à un décès, à un divorce, à une modification du régime), conserver ses biens professionnels, mais il est redevable à la communauté d’une indemnisation correspondant à la valeur des biens professionnels au moment de la dissolution.

Pour les intérêts et les indemnités pour accidents du travail, qui, jusqu’alors, relevaient entièrement du patrimoine propre, une distinction est faite désormais entre, d’une part, l’indemnité pour l’incapacité personnelle, qui relève du patrimoine propre, et, de l’autre, l’indemnité pour l’incapacité ménagère ou économique – p. ex. l’incapacité de travail –, qui appartient au patrimoine commun.

Concernant l’assurance-vie, il y a trois cas de figure.

Premièrement: la prestation assurée (p. ex. la couverture décès) n’est pas exigible en cas de dissolution du régime matrimonial. Dans ce cas, l’assurance-vie fait partie du patrimoine propre, mais la communauté doit être indemnisée.

Deuxièmement: la prestation assurée est exigible lors de la dissolution. Le versement constitue un patrimoine propre, mais une indemnisation est due pour les primes payées au moyen de fonds de la communauté. Aucune indemnisation n’est due si le conjoint décédé avait conclu une assurance-décès sur sa propre tête, et désigné le conjoint survivant comme bénéficiaire.

Troisièmement: la prestation assurée est versée pendant le mariage. Le versement fait partie de la communauté, mais si des primes ont été payées avec des fonds issus du patrimoine propre d’un époux, celui-ci doit être indemnisé.

Les assurances-groupe ne relèvent pas des règles régissant le droit des régimes matrimoniaux.

La plupart de ces dispositions sont de droit supplétif, de sorte que les époux peuvent toujours s’en écarter dans le contrat de mariage.

Quelles possibilités de planification le régime de la communauté légale offre-t-il?

Le régime de la communauté légale s’applique automatiquement aux époux qui n’ont pas conclu de contrat de mariage. Mais les époux peuvent aussi, par le biais d’un contrat de mariage, choisir ce régime, ce qui peut revêtir une certaine importance lorsqu’ils souhaitent prévoir des mécanismes de protection mutuelle (voir point 3) ou qu’ils envisagent une donation de biens futurs (institution contractuelle – voir partie consacrée aux donations).

1] Le choix du régime légal offre à lui seul une certaine protection puisque les revenus professionnels tombent alors dans la communauté. Ainsi, si l’un des conjoints a des revenus bien plus élevés que l’autre, ce dernier peut se retrouver avec une fortune considérable en cas de décès (= une dissolution du mariage).

2] Pendant le mariage, les époux peuvent modifier la composition des patrimoines. Ils peuvent apporter certains biens de leur patrimoine propre dans la communauté conjugale ou soustraire certains biens de la communauté conjugale et les verser dans leur patrimoine propre.

3] Les époux peuvent organiser le partage de la communauté conjugale.

Ils peuvent insérer dans leur contrat de mariage une clause de préciput et préléguer ainsi la communauté conjugale. L’époux survivant peut alors déjà prélever certains biens de la communauté conjugale avant le partage de celle-ci, p. ex. le logement familial, la résidence secondaire, le mobilier, des objets d’art, un ou plusieurs véhicules, de l’argent, des devises, des avoirs en comptes bancaires, en comptes d’épargne ou en comptes-titres, des titres, des actions dans des sociétés, certains biens qui présentent une valeur sentimentale ou émotionnelle. Ces biens doivent cependant être décrits dans le contrat de mariage.

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Une autre possibilité est l’attribution en cas de décès. Celle-ci permet aux conjoints de faire attribuer des droits généraux (p. ex. la pleine propriété, l’usufruit, des biens mobiliers ou immobiliers) de la communauté conjugale. Ainsi, les époux peuvent attribuer au dernier vivant la pleine propriété de la communauté conjugale tout entière (au dernier vivant les biens). Au décès de l’un des époux, l’avantage obtenu par attribution sera soumis à des droits de succession.

Les époux doivent intégrer cette attribution explicitement dans le contrat de mariage. Ils peuvent aussi le faire plus tard, pendant le mariage. Cette clause exclut de la succession les enfants communs des époux. Cette attribution échappe même aux règles de réduction, à moins qu’il y ait des enfants d’un lit précédent, ou si les biens avaient été versés dans la communauté conjugale.

Les desiderata peuvent se modifier au fil des ans, comme le montre l’exemple ci-dessus. Il se peut qu’il ne soit plus indiqué que le conjoint survivant obtienne la communauté conjugale en pleine propriété, même si c’est ce qui avait été décidé dans le contrat de mariage. C’est le cas en particulier s’il y a des enfants et que l’entente entre les parents et les enfants est excellente. En effet, ces enfants paieront aussi des droits de succession sur la part que le parent survivant a reçue en son temps de son conjoint et sur laquelle des droits de succession ont déjà été prélevés.

Pour éviter un tel scénario, les époux peuvent insérer dans le contrat de mariage une clause d’attribution optionnelle, ce qui ne constitue pas un abus fiscal. Une telle clause permettra à l’époux survivant de choisir la manière dont le patrimoine commun lui appartiendra:

• soit la communauté tout entière en pleine propriété ;

• soit la moitié en pleine propriété et l’autre en usufruit ;

• soit la pleine propriété de tous les biens mobiliers et, des biens immobiliers, la pleine propriété d’une moitié et l’usufruit de l’autre ;

• soit une autre option fixée par écrit.

Dans ce cas, le contrat de mariage stipulera en outre comment (par l’ajout d’une mention dans la déclaration de succession ou par acte notarié, p. ex.) et dans quel délai (dans les cinq mois suivant le décès, p. ex.) le conjoint survivant devra faire ce choix.

La composition des patrimoines: qui possède quoi dans le régime de séparation de biens pure et simple?

1] Dans le régime de la séparation de biens pure et simple, il n’existe que deux patrimoines: le patrimoine propre d’un époux et celui de l’autre.

Il n’existe donc pas de patrimoine commun. Les revenus professionnels restent la propriété de celui qui les perçoit. Ce que l’un des époux achète seul reste sa propriété. Lorsque les époux achètent un bien ensemble, la propriété de ce bien est partagée. Il s’agit d’un partage à parts égales, à moins qu’il en ait été décidé autrement dans l’acte d’achat. La loi considère que tous les biens dont l’un des conjoints n’a pas prouvé qu’ils sont sa propriété appartiennent en indivision aux deux époux.

Au décès d’un des conjoints, le partage des biens se déroule comme suit. Chaque époux reprend ses propres biens. Les biens indivis sont divisés en deux, à moins qu’une autre division ne soit précisée dans l’acte d’achat du bien. Lorsqu’un des conjoints a payé de ses propres deniers un bien qui appartient à l’autre, il peut avoir une créance sur ce dernier.

Dans le régime de la séparation de biens pure et simple, toutes les dettes du conjoint défunt demeurent les siennes. Par conséquent, elles pourront être déduites intégralement de sa succession. Le remboursement des dettes contractées au bénéfice du ménage ou pour l’éducation des enfants se fait par chaque époux proportionnellement à ses revenus, même si ces dettes n’ont été contractées que par l’un d’eux. Toutefois, s’il s’est endetté à l’excès, seul le titulaire des dettes devra les apurer.

2] Outre le régime de la séparation de biens pure et simple, il existe depuis 2018 un régime légal de séparation de biens assorti d’une clause de participation aux acquêts accumulés pendant le mariage.

Les époux peuvent inclure dans leur contrat de mariage une correction judiciaire en équité qui s’appliquera en cas de divorce pour cause de désunion irrémédiable. Si des circonstances imprévues conduisent à un déséquilibre financier inéquitable entre les époux, le juge peut accorder, sur la base de cette clause, une partie des revenus (maximum 1/3) du conjoint disposant des revenus les plus élevés à l’autre conjoint.

Quelles possibilités de planification le régime de séparation de biens pure et simple offre-t-il?

Les époux peuvent, contractuellement, se protéger mutuellement par le biais d’une communauté limitée, une répartition interne ou une attribution de la communauté.

1] Quand une communauté limitée est-elle intéressante? Souvent, l’un des époux est seul propriétaire d’un terrain à bâtir ou d’une habitation, alors que les deux époux ont contracté ensemble un emprunt en vue de construire ou de rénover. Mais l’époux non propriétaire est d’emblée désavantagé: il participe aux frais mais ne jouira pas de la plus-value.

Pour éviter cela, les solutions suivantes s’offrent à eux.

Les époux peuvent établir une reconnaissance de dette mutuelle. Ce n’est pas toujours une solution idéale puisque le non-propriétaire perd certains avantages fiscaux (déduction d’intérêt, remboursement de capital).

Depuis le 1er septembre 2018, le conjoint propriétaire peut vendre, sans procuration judiciaire, la moitié de sa propriété au conjoint non propriétaire. Des droits d’enregistrement seront dus sur la transmission de la moitié indivise (12,5% dans les Régions bruxelloise et wallonne, 12% en Région flamande).

La conversion du régime de la séparation de biens pure et simple en un régime avec apport du bien propre (terrain à bâtir, habitation) dans la communauté conjugale. Cet apport est en principe soumis à un droit d’enregistrement de 50 euros. Cette conversion se fait par le biais d’un acte notarié qui inventorie tous les biens. En adoptant un régime de communauté, les époux perdent cependant leur compétence administrative autonome. Certains actes juridiques (p. ex. l’achat de biens immobiliers) nécessiteront toujours l’accord des deux époux. Par ailleurs, les revenus acquis deviennent communs, ce qui n’entrait pas nécessairement dans leurs intentions.

Une solution consiste pour les époux à instaurer une communauté limitée. Ils maintiennent leur régime de séparation de biens pure et simple mais y ajoutent un patrimoine commun interne. Ensuite, le propriétaire y apporte son bien immobilier, apport qui s’accompagne en principe d’un droit d’enregistrement de 50 euros.

Ce régime spécial peut également être appliqué à d’autres biens (p. ex. le mobilier). En outre, les conjoints peuvent intégrer un système optionnel à cette communauté interne. Au décès de son conjoint, l’époux survivant pourra alors choisir s’il veut acquérir la pleine propriété ou l’usufruit de l’ensemble ou d’une partie de la communauté limitée. Des droits de succession peuvent être dus sur cette attribution au partenaire survivant.

Cette solution ne présente-t-elle pas pour inconvénient que le bien immobilier se trouve dans la communauté, ce qui peut être embarrassant en cas de divorce? C’est un fait, mais il est possible, pour l’éviter, d’intégrer une reprise dans le contrat de mariage. La reprise peut se faire sans frais. Il faudra toutefois préciser dans le contrat de mariage qu’une indemnisation est ajoutée au patrimoine commun interne pour les travaux réalisés avec des fonds communs qui ont produit une plus-value.

2] La répartition interne est intéressante si les époux mariés sous le régime de la séparation de biens pure et simple veulent se transmettre mutuellement et intégralement la fortune qu’ils se sont constituée l’un et l’autre (les acquêts).

S’il y a des enfants, la planification pour les conjoints mariés sous le régime de séparation de biens pure et simple est plutôt délicate. Les enfants peuvent en effet réclamer leur réserve successorale par le biais de la réduction. Une solution possible consiste pour les époux à intégrer dans leur contrat de mariage une clause de participation aux acquêts. Par cette clause, ils définissent les biens concernés par la répartition, p. ex. uniquement les gains acquis pendant le mariage (les acquêts). Ils fixent également la clé de répartition, soit la proportion dans laquelle la clause de répartition est appliquée (50/50, 100/0, etc.), ainsi que le moment de la répartition (en cas de décès et/ou de divorce). Ils peuvent également définir des modalités de répartition, p. ex. qu’elle soit réciproque, facultative, etc. Les conjoints peuvent s’attribuer ainsi mutuellement des avantages matrimoniaux qui ne pourront pas être réduits ultérieurement.

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Le système de la répartition des acquêts est repris dans un cadre légal depuis le 1er septembre 2018. Depuis lors, la clé de répartition est de 50/50 lors de la dissolution du mariage (par décès ou divorce, etc.). Mais les époux peuvent toujours opter pour un régime de séparation des biens sans être concernés de plein droit par un système de participation.

En Région flamande, la participation aux acquêts est cependant soumise à des droits de succession depuis le 24 décembre 2017. L’auteur du décret flamand a décidé en effet que la créance qui naît dans la succession par l’exercice de la clause de participation n’est plus déductible fiscalement. Par conséquent, la clause de participation aux acquêts n’a plus aucun intérêt fiscal, comme l’illustre l’exemple suivant.

3] Depuis le 1er septembre 2018, les époux mariés sous le régime de la séparation de biens peuvent aussi s’accorder librement, dans leur contrat de mariage, sur le sort de leurs biens indivis et protéger ainsi l’époux survivant. Ils peuvent décider par le biais d’une clause d’attribution que le patrimoine constitué ensemble de manière indivise reviendra au conjoint survivant. Ce faisant, ils excluent leurs enfants communs de la succession, car cette attribution échappe même aux règles de réduction. Ces règles sont cependant d’application lorsqu’il y a des enfants d’un lit précédent, ou pour des biens que l’un des époux a versés dans l’indivision dans le passé. Bien entendu, l’attribution est également possible dans le cas d’époux sans enfants.

Comme pour l’attribution des biens communs, toutes les variantes possibles de la clause d’attribution peuvent être prévues ici aussi. Ainsi, l’indivision intégrale peut être attribuée entièrement à l’époux survivant (clause “au dernier vivant les biens”). D’autres possibilités sont l’attribution de la moitié en pleine propriété et de l’autre moitié en usufruit, ou de l’intégralité en pleine propriété pour les biens mobiliers et de la moitié des biens immobiliers en pleine propriété et de l’autre moitié en usufruit.

Quelles sont les incidences fiscales? Lors de l’attribution de l’indivision par décès, l’époux survivant ne doit pas payer de droits de succession. Il lui devra cependant s’acquitter d’un droit de partage (1% en Régions de Bruxelles-Capitale et wallonne, 2,5% en Région flamande) si l’indivision comprend des biens immobiliers. Dans une décision préalable (n° 19053 du 21 octobre 2019), l’Administration fiscale flamande a décidé qu’il ne s’agissait pas d’un abus fiscal.

De quelles possibilités de planification disposent les époux outre le contrat de mariage?

Les époux disposent encore d’autres possibilités de déterminer le sort à réserver à leur patrimoine: une donation unilatérale ou mutuelle de leur vivant, une donation de la succession et un contrat d’accroissement. Cependant, ces approches sont parfois limitées.

De quoi faut-il tenir compte en cas de donation entre vifs?

De leur vivant, les époux peuvent se donner des biens personnels. Pour protéger le conjoint donateur contre lui-même, le législateur a cependant prévu une restriction. Contrairement aux autres donations, les donations entre époux sont en principe toujours révocables. Même après un divorce ou le décès de sa moitié, le généreux conjoint peut reprendre les biens donnés. La prudence s’impose donc lorsque des époux s’offrent des cadeaux, surtout si le conjoint donataire donne à son tour les biens reçus à d’autres personnes, p. ex. aux enfants. Le premier conjoint donateur peut en effet révoquer sa donation.

Une autre possibilité consiste en une donation réciproque, où chaque partenaire est tantôt donateur, tantôt donataire. Pour les conjoints sans enfant, surtout, une telle approche constitue une manière fiscalement avantageuse de planifier sa succession. La commission de ruling a accepté de telles donations effectuées par virement bancaire.

Ici toutefois, un problème se pose aux époux mariés sous un régime communautaire puisqu’ils ne peuvent se donner mutuellement que les biens appartenant à leur propre patrimoine, et non des biens issus de la communauté conjugale. Pour ces derniers, il leur faudra d’abord réaménager la composition de leurs patrimoines via un acte notarié. Ils devront d’abord apporter chacun les biens de la communauté pour moitié à leur patrimoine propre respectif avant de pouvoir procéder à la donation croisée. Mais… l’Administration fiscale considère une telle sortie de biens suivie d’une donation réciproque entre époux comme un abus fiscal. À tort selon nous ; c’est donc une vision qui ne fait pas l’unanimité…

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De quoi faut-il tenir compte en cas de donation de la succession?

Les époux peuvent (contrairement aux partenaires cohabitants) prendre des dispositions pour régler le sort de leur succession. Ils peuvent ainsi s’avantager l’un l’autre en insérant dans leur contrat de mariage ou dans un acte de donation entre époux une institution contractuelle. Celle-ci n’est pas nécessairement réciproque. Les donations entre époux portant sur des biens de leur succession seront soumises à des droits de succession.

Une institution contractuelle peut porter aussi bien sur des biens qui se trouvent dans le patrimoine propre de l’un des époux que sur les biens qui appartiennent à la communauté conjugale. Elle se distingue en cela de la clause d’attribution de communauté (“au dernier vivant les biens”), laquelle ne peut s’appliquer qu’aux biens qui se trouvent dans le patrimoine commun. Une autre distinction est qu’après le décès de son conjoint, le donataire d’une institution contractuelle pourra renoncer à l’avantage. Cette renonciation n’est pas soumise à des conditions de forme. En Régions bruxelloise et wallonne, cette renonciation ne peut pas être préjudiciable au Trésor. En revanche, depuis le 24 décembre 2017 en Région flamande, la renonciation est aussi possible si elle entraîne une baisse des impôts dus.

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Un acte de donation passé entre époux hors contrat de mariage est toujours révocable. Par contre, une donation de biens futurs dans un contrat de mariage est irrévocable. Un conjoint ne peut donc pas donner à des tiers (p. ex. des enfants) des biens que son époux lui a attribués dans le contrat de mariage. Plus encore: un époux ne peut plus conclure d’assurance qu’en faveur de son conjoint. Bien entendu, les époux peuvent toujours faire annuler l’institution contractuelle que contient leur contrat de mariage. Il suffit pour cela d’apporter une petite modification à ce contrat, une formalité qui nécessite cependant l’accord des deux époux.

Pour toute clarté: l’institution contractuelle n’empêche pas les époux, pendant le mariage, d’aliéner leurs biens à titre onéreux, p. ex. en les vendant ou en les échangeant. La limitation ne vaut que pour les dispositions à titre gratuit prises au bénéfice de tiers (une donation, par exemple).

De quoi faut-il tenir compte en cas de clause d’accroissement?

Les époux peuvent placer des biens immobiliers ou mobiliers dans une clause d’accroissement. Par le biais d’une telle clause, les époux conviennent qu’au décès de l’un d’eux, la part viendra accroître celle du conjoint survivant. Ainsi l’époux survivant pourra-t-il obtenir la pleine propriété ou l’usufruit de biens autres que l’habitation familiale et son mobilier, tels que la résidence secondaire, des titres cotés ou d’autres biens mobiliers. Cette convention va au-delà du droit successoral et du contrat de mariage.

Pour les époux mariés sous le régime de la communauté, une clause d’accroissement n’est possible que pour les biens propres, pas pour les biens communs. Les époux mariés selon le régime de séparation de biens pure et simple ne possèdent que des biens propres, éventuellement en indivision. Ils peuvent souscrire à une clause d’accroissement pour leurs biens communs.

Au décès de l’un des conjoints, aucun droit de succession ne sera dû, mais il se peut que des droits d’enregistrement soient dus. En effet, les éventuels biens immobiliers visés par la clause font, eux, l’objet d’un droit d’enregistrement proportionnel (12,5% dans les Régions de Bruxelles-Capitale et wallonne et 12% en Région flamande). Aucun droit d’enregistrement n’est dû sur les biens mobiliers ainsi transférés.

À première vue, la clause d’accroissement est un contrat aléatoire puisque les partenaires ignorent lequel décédera le premier. Il est conclu à titre onéreux et n’est donc pas une donation. Or, le caractère onéreux implique que les deux partenaires aient la même espérance de vie. Dans le passé, le fisc considérait parfois un accroissement entre époux comme une donation. En réponse à une question parlementaire, le ministre des Finances était lui-même revenu sur sa position: s’il a reconnu qu’“en principe”, un accroissement de biens meubles ne tombe pas dans le champ d’application des droits d’enregistrement ni dans celui des droits de succession, il a fait remarquer que chaque situation (objectifs des parties, liens qui les unissent, etc.) devait néanmoins être analysée, pour en décider. Côté flamand, l’Administration fiscale a confirmé dans sa décision anticipée du 21 mars 2016, de même que dans sa position du 8 janvier 2018, le fait que les époux peuvent aussi conclure des contrats à titre onéreux, tels qu’une clause d’accroissement.

Il apparaît donc qu’il est essentiel de rédiger minutieusement la clause d’accroissement, en prêtant attention au sexe, à l’âge et à l’état de santé des deux conjoints. Nous y reviendrons plus loin.

Que pouvez-vous faire si l’usufruit de l’époux survivant est mis en cause?

L’usufruit successoral s’éteint automatiquement au décès de l’époux survivant. Mais l’attribution préalable de l’usufruit et de la nue-propriété des biens de la succession peut être source de situations conflictuelles. C’est pourquoi la loi offre la possibilité de convertir l’usufruit en une pleine propriété, en capital ou en rente. En planifiant votre succession, vous pouvez toutefois exclure cette conversion.

Qui peut demander la conversion de l’usufruit de l’époux survivant?

Si le conjoint survivant est en concours avec des enfants communs (descendants), chaque partie peut demander la conversion. À défaut d’accord entre eux, un juge pourra être saisi. Il pourra refuser ou imposer la conversion. Il en fixe également les modalités. Il ne peut cependant imposer au conjoint survivant la conversion de l’usufruit du logement familial et de son mobilier.

Notons que si le conjoint survivant est en concours à la fois avec des enfants communs et non communs, seuls ces derniers (les beaux-enfants) peuvent initier la demande de conversion.

Si l’époux survivant est en concours avec des beaux-enfants (les nus-propriétaires), ils ont chacun le droit de demander la conversion, et ce, à tout moment. Ils conviendront des modalités de la conversion.

À défaut d’accord, l’usufruit sera converti en une pleine propriété. Les deux parties recevront alors une part indivise de la succession en pleine propriété. La part de l’époux survivant dans l’indivision est calculée sur la base des tables de conversion utilisées pour valoriser l’usufruit, actualisées chaque année par le ministre de la Justice (voir annexe en fin d’ouvrage). L’âge de l’usufruitier au moment de la demande de conversion est déterminant. Si l’espérance de vie de l’usufruitier, compte tenu de son état de santé, est manifestement inférieure à celle déterminée par les tables de conversion, un juge pourra imposer l’application d’autres conditions de conversion. Toutefois, le conjoint survivant a toujours le droit de s’opposer à la conversion de l’usufruit du logement familial et de son mobilier.

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Si le conjoint survivant est en concours avec d’autres héritiers que ses descendants (un frère ou une sœur du défunt), il pourra exiger la conversion dans les cinq ans à dater de l’ouverture de la succession.

Il est exceptionnel que des personnes autres que les descendants obtiennent une conversion. Le tribunal vérifiera si leur revendication est légitime. Le conjoint survivant peut également exiger dans ce cas que la nue-propriété du logement familial et/ou de son mobilier lui soit cédée contre paiement.

Comment la valeur de l’usufruit conféré à l’époux survivant par le droit successoral est-elle déterminée en cas de conversion?

Depuis le 22 mai 2014, la valorisation de l’usufruit est fondée sur des tables de conversion. Selon le régime légal, l’usufruit est évalué sur la base de la valeur vénale du bien, de l’âge de l’usufruitier et du taux de conversion correspondant dans les tables. Le ministre de la Justice actualise chaque année les tables de conversion (voir l’annexe en fin d’ouvrage). Ces tables prévoient des taux distincts pour les hommes et les femmes. L’âge de l’usufruitier forme la base de la valorisation: plus il est jeune, plus la valeur de l’usufruit sera élevée.

La méthode de valorisation légale n’est pas obligatoire. Les parties peuvent y déroger de commun accord et se baser p. ex. sur les formules d’évaluation fiscales du Code des droits de succession ou du Code flamand de la fiscalité. La valeur de cet usufruit fiscal se calcule en multipliant forfaitairement le coefficient attribué à chaque catégorie d’âge par un taux d’intérêt fixe de 4%.

Outre les tables de conversion légales et fiscales, d’autres formules et modes de calcul sont possibles. Vous pouvez par exemple vous appuyer sur les tables de mortalité de Ledoux, de Levie et Levie, de Taymans et Grégoire, de Jaumain ou sur celles, plus détaillées, de Schryvers (voir https://www.tafelsschryvers.be/?lang=fr).

Si les parties concernées ne s’accordent pas, la conversion sera établie par la voie judiciaire, et l’usufruit sera calculé sur la base des tables de conversion publiées au Moniteur belge, de la valeur vénale des biens et de l’âge de l’usufruitier à la date de l’introduction de la requête de conversion par les parties.

Le Code civil contient en outre une disposition particulière pour le cas où le conjoint survivant est en concours avec les enfants d’un mariage antérieur (beaux-enfants). Dans ce scénario, le conjoint survivant est supposé être âgé, au minimum, de 20 ans de plus que le plus âgé des descendants issus du mariage antérieur.

FAQ # Comment pouvez-vous avantager au maximum votre conjoint?

Normalement, le conjoint survivant reçoit l’usufruit de la succession tandis que les enfants héritent de la nue-propriété. Il est toutefois possible d’en disposer autrement.

Vous pouvez laisser la part disponible (soit la moitié de la succession, s’il y a des enfants) à votre conjoint par le biais d’un testament.

Vous pouvez faire une donation à votre conjoint. Mais vous devez tenir compte de la part réservataire des enfants. L’avantage d’une donation entre époux est qu’elle peut être révoquée a posteriori, p. ex. en cas de divorce, sans qu’il faille s’en justifier. Cette révocation ne se fait pas automatiquement: elle doit être demandée explicitement, p. ex. par le biais d’une lettre recommandée ou d’un acte notarié. Une révocation tacite est possible également mais est déconseillée. Notons que si la donation est établie dans le contrat de mariage, sa révocation n’est possible que par le biais d’une modification de ce contrat.

En cas de donation, vous pouvez insérer une condition résolutoire de prédécès grâce à laquelle les biens donnés retourneront au donateur: à vous donc, si votre partenaire décède avant vous.

Si vous êtes mariés sous le régime légal ou sous celui de la communauté des biens, vous pouvez inclure une clause d’attribution optionnelle dans votre contrat de mariage. Le partenaire survivant peut alors choisir quels biens de la succession il souhaite recevoir. La condition est toutefois que les biens concernés fassent partie de la communauté conjugale. En cas de famille recomposée, vous ne pouvez pas déshériter les beaux-enfants en apportant le logement familial du parent naturel dans la communauté conjugale et en intégrant ensuite dans le contrat de mariage une clause d’attribution optionnelle concernant ce logement au bénéfice du beau-parent.

Si vous êtes mariés sous le régime de la séparation de biens, vous pouvez intégrer une clause de participation dans le contrat de mariage. Grâce à cette clause, les acquêts réalisés pendant le mariage peuvent être répartis suivant une clé déterminée en cas de dissolution du régime matrimonial à la suite d’un décès ou d’un divorce. Le règlement standard implique le calcul de la différence entre les acquêts des deux partenaires. Le partenaire dont l’accroissement est le moins important peut alors réclamer la moitié de cette différence, plafonnée à la moitié des acquêts de l’autre partenaire. Outre cette clause légale standard, des clauses contractuelles sur mesure peuvent être élaborées, et l’attribution des indivisions peut être déterminée.

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Vous pouvez utiliser une clause d’accroissement pour les biens propres des partenaires qui les ont en indivision mais qui ne peuvent pas faire partie de la communauté conjugale. Vous pouvez déterminer ainsi que les possessions d’un partenaire vont accroître, à son décès, les possessions de l’autre. De cette façon, vous pouvez exclure de la succession une collection d’art, un portefeuille d’investissement ou d’autres biens mobiliers ou immobiliers. Il faut toutefois que l’apport des deux partenaires soit équivalent et qu’il n’y ait pas entre eux de grandes différences d’espérance de vie. Reprenez dans la clause d’accroissement la possibilité d’une subrogation réelle. Si vous vendez la collection d’art et réinvestissez le produit de cette vente dans un fonds d’actions, la clause d’accroissement vaut aussi pour ce réinvestissement..

FAQ # Pouvez-vous laisser davantage à l’un de vos enfants?

Si vous avez des enfants d’un ou de plusieurs mariages, ils ont droit à une part d’héritage minimum de votre succession, soit la réserve légale. Celle-ci représente au moins la moitié de votre succession. L’autre moitié peut être attribuée librement à l’un de vos enfants. Comment procéder en pratique?

Une première possibilité consiste à déterminer dans un testament que cette moitié revient à l’enfant concerné. Vous pouvez modifier ce testament quand bon vous semble.

Une autre option consiste à faire à cet enfant une donation hors part. Normalement, les donations que vous avez faites de votre vivant sont prises en compte pour déterminer la masse de calcul de votre succession. Sur la base de celle-ci, il sera déterminé si vous n’avez pas empiété sur la réserve légale. Une donation hors part est dès lors reprise dans la masse de calcul pour vérifier si la réserve successorale est intacte. Attention, il n’est pas possible d’annuler une donation a posteriori.

Une dernière piste consiste à conclure un pacte successoral global. Les parents et les enfants peuvent convenir conjointement dans un tel pacte familial qu’un enfant déterminé (p. ex. un enfant souffrant d’une déficience) recevra davantage que les autres.

FAQ # Pouvez-vous déshériter entièrement un enfant?

Compte tenu de la réserve légale, un enfant ne peut en principe pas être déshérité. Mais ce principe doit être nuancé. Vous pouvez convenir dans un pacte familial que l’un de vos enfants ne recevra rien de votre succession. La condition est toutefois que cet enfant donne son accord.

Une autre possibilité consiste à loger votre patrimoine dans une fondation privée. Vous gardez ainsi ce patrimoine en dehors de votre succession et vous pouvez décider ce qu’il en adviendra, même après votre décès. Un tel apport de biens dans une fondation entre toutefois aussi en ligne de compte pour la composition de la masse de calcul et ne permet donc pas de mettre totalement la réserve successorale hors jeu. Une fondation privée doit aussi répondre à une série de critères et n’est intéressante que dans des situations spécifiques.

Par ailleurs, une attribution de la communauté conjugale en pleine propriété au conjoint survivant (la clause “au dernier vivant les biens”) permet de déshériter entièrement les enfants communs (mais non les enfants d’une relation ou d’un mariage antérieurs).

Un contrat d’accroissement conclu entre les partenaires est plus efficace encore puisque cette technique permet aussi de déshériter les enfants non communs.

Attention aux assurances-vie. Depuis le 21 janvier 2013, la prestation d’assurance est soumise à la réduction en cas de décès du preneur d’assurance. Dans le cas des polices d’assurance-vie conclues à partir du 1er septembre 2018 ou pour les assurances où un autre bénéficiaire a été désigné depuis cette date, la prestation d’assurance est également soumise au rapport. Un héritier désavantagé peut donc invoquer sa réserve successorale et réclamer la réduction. Celle-ci peut porter non seulement sur la prime payée mais aussi sur la totalité du capital versé.

FAQ # Comment veiller à ce que votre petit-enfant hérite directement de vous?

Plusieurs pistes s’offrent à vous: la donation, le testament, la substitution ou une donation en cascade.

Vous pouvez toujours faire une donation à votre petit-enfant, ou reprendre celui-ci dans votre testament. Dans les deux cas, vous devez cependant tenir compte de la réserve légale.

Des parents peuvent renoncer à leur héritage au bénéfice de leurs enfants (les petits-enfants). Dans ce cas, il est question de substitution et l’on parlera de saut de génération. Les petits-enfants hériteront directement du grand-parent et paieront des droits de succession sur leur part d’héritage effective. L’inconvénient est que les parents doivent renoncer entièrement à la succession.

Une variante fiscale à cette approche est la donation en cascade, introduite en Flandre en septembre 2018, et qui offre une plus grande flexibilité. Un parent peut choisir d’accepter sa succession et de transmettre à la génération suivante – enfants, petits-enfants ou arrière-petits-enfants, beaux-enfants ou enfants d’accueil – une partie de cet héritage, généralement sans impôt, par le biais d’une donation. À condition que le défunt ait vécu principalement en Région flamande au cours des cinq dernières années de sa vie. L’héritage d’un parent décédé qui vivait en Régions de Bruxelles-Capitale ou wallonne ne peut pas être transmis libre d’impôts.

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Comment ça marche? Les droits de succession que le parent a payés sur l’héritage sont déduits des droits de donation dus par le bénéficiaire final, ce qui permet généralement de neutraliser lesdits droits. Cette donation en cascade doit cependant s’effectuer dans l’année suivant l’ouverture de la succession. De plus, il doit y avoir un rapport clair entre l’héritage et la donation. Ainsi, il n’est pas possible de donner de cette façon fiscalement avantageuse des biens immobiliers. Le règlement doit aussi être fixé dans un acte notarié. En 2019, la donation avec saut de génération a également été approuvée en Région wallonne. La donation doit y avoir lieu dans les sept mois suivant le décès.

Notons que la technique de la donation en cascade n’est pas toujours la solution la plus avantageuse fiscalement.

FAQ # Les enfants paient-ils deux fois des droits de succession sur le compte bancaire commun de leurs parents?

C’est possible en effet, lorsque les parents sont mariés sous le régime de la communauté légale. Au décès du premier époux, le compte bancaire commun doit en principe être scindé en deux parties égales. L’une revient en pleine propriété au partenaire survivant tandis que l’autre fait partie de la succession et est soumis aux droits de succession. Si aucun accord n’a été pris (via un testament ou un contrat de mariage, p. ex.), le survivant aura l’usufruit sur cette seconde moitié, et les enfants la nue-propriété.

En pratique, l’argent restera généralement sur le compte commun, au nom du survivant. Au décès de celui-ci, le compte réintégrera la succession et les enfants paieront une seconde fois des droits de succession sur le même montant. Celui-ci aura dès lors été taxé à 150%.

Entre-temps, l’administration fiscale flamande a rectifié le tir et ne réclame pas ces doubles droits de succession à deux conditions. Lorsque les deux conditions sont réunies, les héritiers possèdent une action réelle sur la succession du parent survivant, et les enfants peuvent, au décès du premier parent, déduire la moitié des avoirs bancaires de l’actif de la succession dans la déclaration.

Quelles sont ces deux conditions?

Les héritiers doivent prouver, p. ex. au moyen des extraits de compte, qu’au décès de parent survivant, les avoirs bancaires n’avaient pas encore été partagés.

Les avoirs bancaires qui n’avaient pas été partagés doivent être traçables. En cas de réinvestissement ; p. ex., il doit y avoir un lien démontrable avec le compte d’origine.

Et si les avoirs bancaires ne sont plus traçables? S’il reste suffisamment d’avoirs bancaires, c’est le règlement ci-dessus qui s’applique. S’ils sont insuffisants, les enfants disposent d’une action personnelle et la moitié du compte bancaire d’origine doit être repris au passif dans la déclaration de succession.

Dans les Régions de Bruxelles-Capitale et wallonne, il n’est pas possible actuellement d’échapper à une double taxation éventuelle.

Bon à savoir: par l’application du droit des biens modifié, l’époux survivant est en principe obligé de mettre sur un compte distinct l’argent dont il a l’usufruit.

FAQ # Comment éviter que votre ex-conjoint s’empare de votre succession?

Si vous êtes divorcé·e et avez un enfant mineur, votre ex-conjoint et coparent exercera l’autorité parentale sur cet enfant après votre décès. Cet ex-partenaire peut alors revendiquer l’usufruit (c.-à-d. les revenus produits par les biens hérités) des biens que votre enfant hérite de vous, et il peut gérer les biens hérités. Les actes de disposition (p. ex. la vente d’actions) requièrent cependant l’autorisation du juge de paix. Mais quid si vous ne voulez pas d’un tel scénario?

Vous pouvez priver votre ex-partenaire de l’usufruit parental par le biais d’un testament. Tous les fruits (intérêts, dividendes, revenus locatifs…) reviennent alors à votre enfant lui-même.

Il est plus difficile de priver votre ex-partenaire de la gestion des biens hérités par l’enfant. Certains estiment que vous pouvez confier la gestion de vos biens à un tiers en intégrant dans votre testament une clause d’administration. Mais il n’est pas sûr qu’une telle disposition soit admise en justice. La Cour d’appel d’Anvers (22 mars 2022) a refusé cette technique.

Une autre possibilité est d’attribuer temporairement (p. ex. jusqu’à la majorité de votre enfant) l’usufruit des biens à une autre personne (p. ex. votre père et/ou mère). Votre ex-partenaire aura alors les coudées moins franches et devra alors respecter certaines conditions en ce qui concerne la gestion des biens. Dans ce cas, toutefois, des droits de succession seront dus sur l’usufruit.

Une troisième option consiste à constituer une société simple, d’y apporter (partiellement) vos biens et de désigner comme gérant une personne de confiance qui assurera la gestion des biens apportés.

Exemple

Mehmet et Isabelle sont mariés. Le couple a deux enfants ensemble. Au décès de Mehmet, son héritage comprend la moitié de la communauté conjugale et l’entièreté de son patrimoine propre. Isabelle hérite de l’usufruit et les deux enfants, de la nue-propriété.

Exemple

Ilias et Céline sont mariés. Ils n’ont pas d’enfants, ni ensemble ni séparément. Lorsqu’Ilias décède, il laisse un frère, Stéphane. Céline reçoit le patrimoine commun en pleine propriété et l’usufruit du patrimoine propre d’Ilias. Stéphane hérite de la nue-propriété du patrimoine propre de son frère.

Exemple

Ilias et Céline sont mariés sous le régime de la séparation de biens pure et simple. Le couple n’a pas d’enfants ensemble. Stéphane, le frère d’Ilias, vit toujours. Ilias et Céline ont un compte financier commun sur lequel ils ont versé leur épargne (= patrimoine en indivision). Si Ilias décède sans avoir établi de testament, Céline obtient l’usufruit et son beau-frère Stéphane, la nue-propriété du patrimoine propre d’Ilias. Céline hérite par ailleurs de la pleine propriété de la part indivise d’Ilias dans le compte financier commun.

Exemple

Jean-Jacques est marié avec Michelle. Ils n’ont pas d’enfants. Outre son épouse, la seule héritière en vie de Jean-Jacques est sa tante Anne. Dans ce cas, Michelle hérite de tout l’héritage en pleine propriété.

Exemple

Marc et Christine sont mariés. Ils habitent en Région flamande et n’ont pas d’enfants. Le revenu net annuel de Marc s’élève, après déduction des impôts et frais, à 50 000 euros. Durant vingt ans, il l’investit en actions et en biens immobiliers à son nom. Si Marc décède, il laisse Christine comme héritière. Marc a par ailleurs un frère en vie, Jean. Le patrimoine commun des époux se monte à 1 million d’euros.

– Si Marc et Christine étaient mariés sous le régime légal, Christine hérite de toute la communauté conjugale (1 million d’euros). Puisque la moitié de ce patrimoine lui appartient déjà, elle ne paiera de droits de succession que sur l’autre moitié. Soit 85 500 euros en droits de succession, compte tenu de l’exonération.

– Si Marc et Christine sont mariés sous le régime de la séparation de biens pure et simple, Christine n’obtient légalement, au décès de Marc, que l’usufruit de sa succession. La nue-propriété de cette dernière revient à Jean, le frère de Marc. Pour éviter cette issue, Marc aurait pu attribuer par testament l’intégralité de sa succession de 1 million d’euros à Christine. Compte tenu de l’exonération, Christine aurait alors eu à payer 220 500 euros de droits de succession.

Exemple

Marc et Christine sont mariés et n’ont pas d’enfants. Marc a encore un frère en vie, Jean. Marc reçoit de ses parents, par donation, un terrain à bâtir. Avec Christine, il y construit une maison pour laquelle ils concluent ensemble un crédit hypothécaire d’un montant considérable. Peu après le remboursement intégral de cet emprunt, Marc meurt dans un accident. Le bien immobilier vaut alors 500 000 euros. Selon le principe de l’accession, ce n’est pas seulement le terrain à bâtir qui appartenait au patrimoine propre de Marc, mais également la maison. Pour la succession de Marc, Christine est en concours avec son beau-frère, Jean.

– En tant que conjoint survivant, elle ne percevra légalement que l’usufruit de la maison familiale. Pour en hériter, elle ne devra s’acquitter de droits de succession dans aucune des trois Régions. Jean héritera de la nue-propriété et paiera des droits de succession. Comme le patrimoine propre de Marc s’est enrichi grâce aux apports financiers du patrimoine commun (le remboursement de l’emprunt), Christine va toutefois avoir droit à une compensation qui se chiffrera à la moitié de la valeur de la maison. Mais pour vendre le bien, Christine devra demander l’autorisation de son beau-frère. C’est gênant s’ils ne s’entendent pas trop bien.

– Les conjoints auraient pu éviter cette issue s’ils s’étaient protégés mutuellement par un testament, une institution contractuelle d’héritier ou une donation de la moitié indivise du terrain à Christine.

– Marc aurait également pu apporter le terrain dans la communauté conjugale moyennant un droit d’enregistrement de 50 euros. Le terrain et la maison reviendraient alors à Christine en pleine propriété à l’ouverture de la succession de Marc. En outre, dans les trois Régions, Christine bénéficierait d’une exonération sur le logement familial – exonération soumise parfois à conditions. Marc aurait même pu assortir l’apport de conditions, telles qu’une indemnité en cas de divorce. L’apport dans la communauté conjugale requiert toutefois une modification du contrat de mariage et donc l’intervention d’un notaire.

Exemple

Dominique et Laure sont mariés et ont trois enfants. Lorsqu’ils se sont mariés, ils voulaient s’assurer mutuellement la meilleure protection possible. C’est pourquoi ils ont conclu alors un contrat de mariage comportant une clause “au dernier vivant les biens”. Lorsque Dominique décède un an après son départ à la pension, l’entièreté de la communauté conjugale revient à Laure en vertu du contrat de mariage. Elle ne peut pas y renoncer. Elle doit payer des droits de succession sur la moitié qui lui revient en pleine propriété. Lorsqu’elle viendra à mourir à son tour, les enfants devront payer des droits de succession sur la communauté conjugale tout entière.

Exemple

Revenons à notre exemple précédent. Si Dominique et Laure font adapter leur contrat de mariage en temps utile, Laure pourra, au décès de Dominique, faire son choix en fonction de ses besoins financiers, de son âge et de son état de santé.

– Elle pourra, par exemple, choisir de se réserver en pleine propriété tous les biens mobiliers (comptes financiers), et une moitié des biens immobiliers en pleine propriété plus l’autre moitié en usufruit.

– Si elle ne s’entend pas avec ses enfants, elle peut opter pour l’attribution de toute la communauté en pleine propriété. Autant savoir que dans ce cas, la facture fiscale sera salée.

– Si Laure s’entend bien avec ses enfants, elle peut choisir de recevoir la moitié de la communauté conjugale en pleine propriété et l’autre moitié en usufruit. De cette manière, les droits de succession seront moins élevés.

Exemple

Johan et Jolien vivent à Hasselt et sont mariés sous le régime de la séparation de biens pure et simple. Pendant leur mariage, ils se sont constitué un patrimoine indivis qui comprend le logement familial d’une valeur de 600 000 euros et un portefeuille-titres de 900 000 euros. Par ailleurs, Johan est propriétaire d’une résidence secondaire d’une valeur de 250 000 euros. Pendant leur mariage, ils ont intégré dans leur contrat de mariage une clause d’attribution en pleine propriété de leur patrimoine indivis. En ce qui concerne sa résidence secondaire, Johan a fait établir un testament à l’avantage de Jolien. Au décès de Johan, Jolien recevra tous les biens. Pour l’attribution du portefeuille-titres et du logement familial, elle ne paiera pas de droits de succession, mais elle devra s’acquitter d’un droit de partage de 15 000 euros (2,5% de 600 000 euros) pour le logement familial. Pour la maison de vacances que son époux lui a léguée, elle devra payer 19 500 euros de droits de succession.

Exemple

Sabine (62 ans) et sa fille Charline héritent ensemble de leur époux/père d’un appartement de 200 000 euros qui produit un rendement locatif annuel de 2,5%. Sur la base des tables légales précitées, la valeur de l’usufruit “légal” dans le chef de la veuve est égale à 45 340 euros, au taux de conversion de 1% figurant dans la table. Mais il y a une discrimination puisque l’appartement offre un rendement réel de 2,5%.

Exemple

Calculé selon un rendement forfaitaire de 4%, l’usufruit fiscal dans le chef de Sabine, pour reprendre notre exemple ci-dessus, égale 76 000 euros. On peut ainsi valoriser non seulement l’usufruit fiscal, qui sert de base au calcul des droits de succession dus, mais également l’usufruit si Sabine et sa fille Charline souhaitent vendre l’appartement.

Exemple

Sur la base des tables de Schryvers, l’usufruit dans le chef de Sabine, toujours, équivaut à 115 330 euros, soit sensiblement plus que l’usufruit légal ou fiscal. Tenant compte du rendement réel de l’appartement (2,5%), cette conversion est réaliste.

Exemple

Tom décède et laisse une épouse, Martine (39 ans), et deux enfants d’un mariage antérieur, Olivier (27 ans) et Anouk (23 ans). L’usufruit de Martine est calculé comme si elle avait 47 ans (l’âge d’Olivier + 20 ans) et non pas 39 ans.

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