Vos salaires pourraient augmenter de 8% : pourquoi ce n’est pas qu’une bonne nouvelle
Le Bureau du Plan prévoit une nouvelle augmentation conséquente des salaires en 2024. Une bonne nouvelle pour le maintien du pouvoir d’achat face à l’inflation. Mais le système d’indexation automatique présente aussi de sérieux risques pour la compétitivité de nos entreprises, préviennent les économistes Bertrand Candelon (UCLouvain) et Didier Van Caillie (HEC Liège).
Le Bureau fédéral du Plan a publié ses nouvelles prévisions pour l’économie belge. Parmi tous les indicateurs économiques, un élément ressort nettement: celui de la nouvelle croissance des salaires. L’agence prévoit de fait une hausse des coûts salariaux de 7,9% en 2023, et de 4,3% en 2024. En quatre ans, ils auront augmenté de… 26% !
Pour les salariés, c’est évidemment une bonne nouvelle. « L’indexation automatique des salaires permet de limiter l’impact de l’inflation par rapport au pouvoir d’achat », contextualise l’économiste Bertrand Candelon (UCLouvain).
Ces indexations reflètent avant tout un taux d’inflation élevé, dont la hausse durera plus longtemps qu’estimé. « Le consommateur restera protégé grâce à la hausse des salaires, mais les bas revenus seront confrontés à des problèmes de plus en plus sérieux, car ils consomment directement une grande partie de leur paie en raison de la hausse des prix », fait remarquer Didier Van Caillie, professeur à HEC (ULiège).
La Belgique est l’un des seuls élèves européens à appliquer le mécanisme d’indexation automatique. « Ce dernier protège davantage l’ensemble de la population, alors que dans d’autres pays, la négociation de salaires se réalise davantage sur une base individuelle », indique Didier Van Caillie.
La Belgique « est un cas unique en Europe, voire dans le monde, abonde Betrand Candelon. Seuls Luxembourg et Malte appliquent ce même système d’indexation automatique. Lors de la crise énergétique, la Belgique est d’ailleurs un des pays qui a le moins souffert en termes de perte de pouvoir d’achat. »
Perte de compétitivité
Mais tout a un prix. « Une contrepartie se répercute sur les entreprises et l’Etat, qui doivent payer ces augmentations salariales. Cela entraîne un plus gros déficit public pour le gouvernement, qui doit donc trouver un financement », analyse Bertrand Candelon.
Pour les entreprises, ces augmentations de salaires entraînent une perte de compétitivité par rapport à nos voisins européens. « Soit elles augmentent leurs prix, et donc vendent moins. Soit elles réduisent leur marge, et risquent la faillite », expose l’économiste.
Le travailleur belge a été proportionnellement mieux protégé que les autres. Cependant, le problème fondamental de la hausse des prix reste présent. On peut craindre que les vraies difficultés soient en réalité devant nous.
Didier Van Caillie
« D’un côté, les entreprises peuvent anticiper l’augmentation du coût de la masse salariale, ajoute Didier Van Caillie, mais de l’autre, cela signifie aussi que la marge de manœuvre pour négocier avec leurs clients est réduite. Les sociétés qui risquent de souffrir sont celles déjà en difficultés au niveau de leur position compétitive, et celles où les travailleurs sont les moins qualifiés et les moins recherchés dans le marché du travail », pointe-t-il.
Le professeur rappelle que l’économie belge est une des plus ouverte qui soit en Europe. « C’est-à-dire qu’elle dépend totalement des pays voisins. Dans ce contexte d’inflation et d’augmentation des coûts, la compétitivité de nos entreprises est bel et bien mise à mal. »
Bertrand Candelon estime que l’indexation automatique pourrait devenir un problème structurel, « même si la norme salariale mise en place par le gouvernement Michel permet de garder une marge de compétitivité. »
Vos salaires en hausse de 8% en 1 an et demi?
Selon le Bureau fédéral du Plan, les salaires pourraient augmenter de 8% en 1 an et demi, si quatre dépassements de l’index ont lieu. « C’est clairement énorme », commente l’économiste de l’UCLouvain. « C’est une très bonne nouvelle pour le salarié, même s’il reste à voir ce que donneront les négociations salariales par secteur. C’est un équilibre global à trouver entre déficit public, compétitivité des entreprises et pouvoir d’achat. »
« Dans le contexte d’inflation mondial, le travailleur belge a été proportionnellement mieux protégé que les autres, prolonge Didier Van Caillie. Cependant, le problème fondamental de la hausse des prix reste présent. Depuis la mi-août, on constate une seconde vague d’inflation. Ce phénomène se renforce. Les prix recommencent à monter au niveau des matières premières et de l’énergie. Donc, on peut craindre que les vraies difficultés soient en réalité devant nous », met-il finalement en garde.
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