Voiture de société électrique : comment maximiser ses avantages fiscaux?

Noé Spies
Noé Spies Journaliste au Vif

La voiture de société électrique de société branche de plus en plus les employeurs, bien incités par une batterie d’avantages fiscaux. Pour l’employé, par contre, cette transition électrique s’apparente à un smog fiscal, dans lequel il est parfois difficile d’y voir clair. Entre ATN, borne de recharge, et déductibilité régressive : le point pour ne pas tomber à plat devant sa déclaration d’impôt.

1. Voiture électrique : des avantages fiscaux… surtout pour l’employeur

Toutes les voitures de société électriques acquises avant 2026 bénéficient d’une déduction fiscale de 100%, dans le chef de la société. Ce qui n’est plus le cas pour les voitures thermiques et hybrides. « L’employeur a donc tout intérêt à mettre à disposition de son employé une voiture électrique plutôt que thermique, cadre Guillaume Charlier, avocat fiscaliste chez Tetra Law. L’entreprise bénéficie d’un régime fiscal beaucoup plus avantageux. »

Une incitation claire du gouvernement qui se traduit dans les faits : désormais, la majorité des grandes sociétés ne proposent plus que des voitures électriques à leurs employés. « Dans les prochaines années, les flottes de voitures électriques seront largement dominantes dans les entreprises. Pour l’employeur, en plus d’être avantageuse, la déductibilité de la voiture électrique et des frais qui y sont liés est relativement simple », fait observer Guillaume Charlier.

2. Voiture électrique de société: qu’est-ce que l’ATN, l’avantage en toute nature ?

L’ATN – l’avantage en tout nature – est un montant qui est calculé pour l’application de la législation fiscale belge. Il consiste à déterminer un montant forfaitaire lié à la mise à disposition d’une voiture par un employeur à son employé. Comme il s’agit d’un avantage accordé par l’employeur, il doit être imposable dans le chef de l’employé. « Fondamentalement, évaluer la valeur d’un avantage mis à disposition d’un employé est très compliqué, c’est pour cela que le législateur prévoit des méthodes de calcul forfaitaire. L’ATN, c’est en quelque sorte la valeur finale qui revient à l’employé après la mise à disposition de son véhicule », définit le fiscaliste de Tetra Law.

3. Le CO2, véritable facteur X

La méthode de calcul de l’ATN est beaucoup plus avantageuse pour une voiture électrique que thermique. « Car il n’y a pas de correction pour les émissions de CO2. Or, lorsque l’ATN est calculé pour les voitures diesel ou essence, un coefficient lié aux émissions de CO2 est appliqué », rappelle Guillaume Charlier.

Les paramètres qui rentrent en compte pour le calcul sont : la valeur catalogue, les émissions de CO2, le type de moteur et l’âge de la voiture. « Il va sans dire qu’une voiture avec peu ou pas d’émissions de CO2 entraîne également une baisse des frais de vente, des dépenses administratives et autres frais généraux. Bien que ce ne soit pas le seul paramètre. Par exemple, une voiture électrique extrêmement chère, malgré l’absence de CO2, entraînera toujours un SG&A (les coûts d’exploitation, NDLR) élevé », remarque Noémie Kalantari, Advanced Consultant chez SD Worx.

« Il faut garder à l’esprit que la méthode de calcul comprend une référence des émissions de CO2 qui est calculée sur la base des émissions moyennes de CO2 de la flotte belge, ajoute la spécialiste de SD Worx. Cela diminue considérablement année après année, de sorte que les personnes qui ont une voiture avec des émissions de CO2 voient leurs frais de vente, dépenses administratives et autres frais généraux augmenter chaque année. »

En outre, « une application du taux forfaitaire de 15 centimes par kilomètre parcouru en tant que coût professionnel déductible (réel) dans la déclaration I.P.P. ne sera possible qu’à partir de 2026 pour les voitures sans émissions de CO2 ou les voitures dans le scénario de transition. Voici donc un impact direct pour le groupe de personnes qui l’utilisent », ajoute Noémie Kalantari.

4. Comment connaitre le degré de déductibilité fiscale de sa voiture électrique ?

Une formule (complexe) s’applique :

120% – (0,5% x coefficient x nombre de grammes de CO2 par kilomètre))

Les voitures avec des émissions de CO2 achetées entre juillet 2023 et décembre 2025 entreront dans un scénario d’extinction, où la déductibilité maximale diminuera année après année (de 75% en 2025 à 0% en 2028). Les voitures achetées à partir de 2026 avec des émissions de CO2 ne seront pas déductibles des impôts.

5. La recharge à domicile : un incitant fiscal trop faible pour l’employé

La question de la recharge de la voiture électrique de société navigue dans un flou fiscal, parfois difficilement déchiffrable pour l’employé. « Les règles sont encore très récentes, on est aux balbutiements », remarque Guillaume Charlier. « Il existe des mécanismes de déduction majorée dans le chef des sociétés et des mécanismes de réductions d’impôts temporaires dans le chef des personnes physiques- les employés. »

Le gouvernement reporte ses obligations sur le contribuable. Mais il incite l’installation d’une borne de recharge à domicile de manière trop faible.

Guillaume Charlier

La loi prévoit une réduction d’impôts pour les personnes physiques qui installent une borne de recharge neuve dans leur habitation. « Ils peuvent bénéficier d’une réduction d’impôts de 15 ou 30% selon le moment où l’installation de la borne aura lieu, sur une base imposable qui correspond au coût supporté par l’employé pour l’installation/le contrôle de cette borne », indique le fiscaliste, pour qui cette mesure compensatoire prise par le législateur est « un peu trop faible. »

6. Pourquoi ?

Car le plafond pour la base de calcul s’élevait à seulement 1.500 euros, non-indexables, dans la loi de novembre 2021.

Si en 2023, un employé installe une borne de recharge neuve, il peut demander la réduction d’impôt pour l’exercice d’imposition 2024, mais s’il subit d’autres coûts (frais de contrôle, etc.) l’année suivante, il ne peut plus postuler pour la réduction d’impôts. Il s’agit d’une postulation unique. « On a une réduction qui est très faible, souligne Guillaume Charlier, d’autant plus qu’elle est plafonnée à 1.500 euros par contribuable au moment où la loi de novembre 2021 a été publiée. Le législateur n’a augmenté ce plafond qu’à 1.750 euros par une loi de novembre 2022, justifiée par l’augmentation du coût des matières premières. Fondamentalement, avec 1.750 euros, on est très loin de ce que coûte l’installation d’une borne de recharge », critique le fiscaliste.

L’intention du législateur était d’inciter les gens à installer les bornes chez eux, pour permettre au gouvernement de moins se préoccuper de l’extension du réseau de bornes. « En quelque sorte, le gouvernement reporte ses obligations sur le contribuable. Mais il incite l’installation à domicile de manière trop faible. »

Une recharge au travail ne comporte pas de risque fiscal et ne coûte pas cher pour l’employeur. Une recharge à domicile est plus pratique car elle permet plus de flexibilité. Elle comporte cependant un risque fiscal et est généralement plus coûteuse pour l’employeur.

Noémie Kalantari

Pour le fiscaliste, il faut donc aborder la question de la recharge d’un point de vue pratique. « Les grandes sociétés ont des bornes de recharge sur leur parking. Mais comme le télétravail est devenu la norme dans beaucoup d’entreprises, les employés ont aussi tout intérêt à avoir cette borne chez eux pour pouvoir continuer à utiliser leur voiture sans trop de contraintes. »

« Une recharge au travail ne comporte pas de risque fiscal et ne coûte pas cher pour l’employeur. Une disponibilité des bornes de recharge et une présence au travail seront cependant requises », note Noémie Kalantari, pour qui « la recharge à domicile est plus pratique car elle permet plus de flexibilité. Elle comporte cependant un risque fiscal et est généralement plus coûteuse pour l’employeur. »

7. A ne pas oublier pour sa déclaration d’impôt

Guillaume Charlier rappelle quelques éléments à ne pas omettre pour le contribuable qui souhaite postuler à la réduction d’impôts pour l’installation de la borne de recharge. « La personne qui décide d’installer une borne de recharge dans son habitation doit s’assurer qu’elle répond aux conditions prévues par la loi : il doit s’agir d’une borne intelligente, neuve, et fixe. Elle doit également obtenir l’attestation délivrée par un organisme de contrôle agréé, qui assure que l’installation électrique est conforme. Il faut joindre la facture d’installation de la borne et l’attestation à sa déclaration. »

Un autre élément réside dans l’obligation de la déclaration de l’ATN dans la déclaration d’impôt des personnes physiques, pour les employés. « Le montant de l’ATN doit être repris dans la déclaration au code 250 ».

8. Projet de verdissement du parc automobile : de la cohérence, mais peu de nouveaux avantages fiscaux pour l’employé

« Le fait de toucher à la fiscalité automobile était la seule méthode qui pouvait être utilisée pour remplir les objectifs poursuivis par cette loi verdissement, qui vise un parc automobile vert en 2030», juge le fiscaliste de Tetra Law.

Il rappelle le lien étroit entre la nature des voitures de société et celle du parc automobile belge en général. « Il y a près de 700.000 voitures de société en Belgique, ces dernières se retrouvent souvent sur le marché de l’occasion après 3 ou 4 ans d’utilisation. La réflexion est donc simple : si on impacte la fiscalité liée aux voitures de société, cela poussera les employeurs à mettre en place des choses qui restent fiscalement intéressantes pour eux. Comme la majorité de la flotte des voitures de société va devenir électrique d’ici trois ou quatre ans, on aura un effet cascade sur le reste du parc automobile belge. Les mesures mises en place sont bonnes compte-tenu de l’objectif poursuivi. »

En revanche, pour l’employé, « hormis cette possibilité de bénéficier d’une réduction d’impôt, la loi verdissement n’a pas énormément d’impact fiscal. »

Pour Noémie Kalantari, ce projet de verdissement « ressemble à une transition forcée qui a été retardée pendant trop longtemps. Reste à savoir si elle pourra être mise en œuvre. Par-dessus tout, il est important que les employeurs et les employés réfléchissent à leurs déplacements, à leur nécessité et aux moyens par lesquels ils le font. Parce que le mouvement le plus écologique reste celui que vous ne faites pas ».

9. Commander sa voiture avant 2027

Un autre aspect important à prendre en compte est la dégressivité de la déductibilité dans le temps. « Dans cette loi verdissement, l’objectif affiché du législateur était aussi de limiter la subvention publique aux voitures de société. Dans un premier temps, et dans l’optique de verdir le parc automobile, la déductibilité à 100% est maintenue pour toute voiture électrique de société acquise avant le 31 décembre 2026 », précise Guillaume Charlier.

Contrairement aux voitures thermiques, qui ne sont seront plus déductibles à cette date. « De ce fait, le gouvernement pousse les sociétés à commander uniquement des voitures électriques. Mais comme l’objectif n’est pas non plus de subventionner la voiture de société ad vitam aeternam, à partir du 1er janvier 2027, une dégressivité de la déductibilité est prévue pour les voitures électriques. »

Faites attention aux risques fiscaux liés à la recharge à domicile et au taux de capacité.

Noémie Kalantari

Concrètement, le plafond actuel de 100% passera à 95% en 2027, 90% en 2028, 82,5 % en 2029, 75% en 2030, et 67,5% et 2031. En d’autres termes, tout le monde à y gagner en commandant sa voiture avant 2027.

« Il est important de mentionner ici que la déductibilité maximale s’applique pendant toute la durée du contrat et ne diminue pas d’année en année, comme c’est le cas dans le scénario de transition pour les voitures à moteur à combustion », ajoute l’experte de SD Worx.

La voiture électrique de société reste un choix intéressant sur le plan financier. « Mais faites attention aux risques fiscaux liés à la recharge à domicile et au taux de capacité », conseille enfin Noémie Kalantari.

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