Vers une pénurie de pièces de monnaie? «La Belgique est clairement face à un problème structurel»
L’appel du SPF Finances cet été l’a encore démontré, la Belgique reste confrontée à une circulation insuffisante des pièces de monnaie. Si la pénurie est évitée pour l’instant, il faut s’attaquer à ce problème structurel, plaide le secteur du commerce et des services. Une nouvelle campagne sera bientôt lancée.
Elles dorment tranquillement au fond d’une poche, se retrouvent coincées entre deux coussins du canapé ou s’oublient dans un pot. Les pièces de monnaie ne résonnent plus assez dans les tiroirs-caisses des magasins et s’amoncellent trop souvent chez les particuliers. Le constat revient comme une rengaine en Belgique.
Certaines enseignes éprouvent toujours des difficultés pour rendre la monnaie aux clients qui effectuent leurs achats en cash. Les affichettes demandant de payer le montant exact ou, à défaut, d’utiliser le paiement électronique, restent visibles devant certains comptoirs depuis l’été. Le SPF Finances avait profité de la saison estivale pour lancer une campagne incitant les clients à utiliser leur petite monnaie, afin de faire revenir les pièces dans le circuit. Mesure très ponctuelle, à l’efficacité toujours aléatoire, pour éviter une vraie pénurie.
Si la situation exacte reste difficile à évaluer, elle ne semble pas s’aggraver depuis lors. Ce qui n’empêche pas les pouvoirs publics de s’interroger sur ce problème latent et étonnant au vu des grandes quantités de pièces émises: le pays dispose d’un stock de plus de 4,2 milliards de pièces, pour une valeur totale dépassant le milliard et demi d’euros, précise le SPF Finances.
«Actuellement, les commerçants et les banques ne nous signalent pas de pénurie. Il reste toutefois une forte demande de pièces de 2 euros et aussi de 20 cents, 10 cents et 5 cents, détaille l’institution publique. Il s’agit plutôt d’un problème de circulation de la monnaie, car il y a actuellement plus de pièces en circulation qu’il n’en faut pour répondre aux besoins de paiement de la population. Ce problème de non circulation s’était combiné avec les effets de la guerre en Ukraine sur le marché des métaux, qui a retardé les délais de livraison des commandes de nouvelles pièces et a donc contribué à compliquer la réponse à cette forte demande.»
«La pénurie de pièces n’est pas à l’ordre du jour à court terme, précise de son côté Comeos, la fédération du commerce et des services. Mais la Belgique est clairement face à un problème structurel en la matière, avec des stocks parfois bas et peu accessibles pour les commerçants, auquel il faut s’attaquer». Ces dernières années, certaines demandes de pièces par les magasins n’étaient ainsi comblée que partiellement par les banques, elles-mêmes peu fournies.
Coût important pour ajouter de nouvelles pièces
Pour expliquer cette circulation grippée, l’ampleur des paiements électroniques peut être avancée, notamment depuis la crise sanitaire du Covid. De nombreux consommateurs ont délaissé le cash, bloquant ainsi leur monnaie liquide. «Ce boom du paiement par carte ou par smartphone a aussi une incidence sur le portefeuille physique du client. Il transporte parfois juste un petit porte-cartes qui n’accepte que peu ou pas de monnaie, ou bien une pochette autour de son téléphone pour mettre ses cartes principales. Cela ne l’incite pas à transporter des pièces qu’il ne sait où mettre et qu’il finit par oublier chez lui. Si le client ne paie que par carte, cela ne pose aucun problème, mais s’il utilise du cash une fois ou deux dans le mois, il se retrouve avec des pièces qui risquent d’être inutilisées au bout du compte.»
Fin 2022, la pénurie de monnaie avait fait craindre des complications pour les achats de fin d’année. En 2023, certaines pièces de petites valeurs manquaient réellement à l’appel. Au début de l’année, les pièces de deux euros se sont raréfiées. Rien d’aussi tendu pour cette fin d’année, dans la situation actuelle, selon Comeos, qui restera attentif à la question.
Une nouvelle campagne doit néanmoins être lancée par la Trésorerie d’ici quelques semaines, afin de rappeler aux consommateurs d’utiliser leurs pièces dormantes. La frappe de nouvelles pièces de monnaie, solution de facilité lorsqu’une pénurie se ressent, représente en effet une dépense importante pour l’Etat belge. Et elle ne résout rien du problème si ces pièces finissent inutilisées chez les particuliers.
En réactivant seulement 2 % des pièces dormantes, il serait possible de réaliser une économie de plus de 5 millions d’euros de coûts de production par an, abonde le SPF Finances. Outre l’aspect financier, l’impact environnemental de la production des pièces n’est pas à négliger, avec des matières premières provenant de régions éloignées et de grandes quantités de CO2 produites tout au long du processus de fabrication et lors du transport des pièces.
La monnaie a bel et bien un coût, qui l’aurait crû.
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