Les négociateurs de l’Arizona s’attaquent actuellement à la question des salaires et aimeraient revoir complètement le système d’indexation. © BELGA

Une indexation le 1er janvier uniquement: comment la réforme de l’Arizona veut modifier le salaire des Belges

Sylvain Anciaux

L’Arizona aimerait voir l’indexation des salaires généralisée pour tous au 1er janvier et en finir avec les régimes spécifiques. Si, à long terme, la mesure est anticipable pour les Belges, ceux-ci pourraient voir leur gestion du budget changer radicalement en cas de choc inflationniste.

L’Arizona l’a répété encore et encore, la différence entre ceux qui travaillent et ceux qui ne travaillent pas doit être d’au moins 500 euros. Pour ce faire, ainsi que pour combler le trou budgétaire, le futur gouvernement prévoit la suppression de l’indexation pour les allocations sociales – on parle ici du Revenu d’Intégration Sociale (RIS) et des allocations de chômage. Mais ce n’est pas pour autant que le mécanisme d’indexation pour les travailleurs restera intact sous le prochain gouvernement, puisque le futur exécutif s’apprêterait à modifier également les mécanismes d’indexation des salaires.

Concrètement, l’indice santé serait lissé de quatre à six mois, et l’indexation serait appliquée le 1er janvier de chaque année. «Dans le système actuel, on fait des pas de 2%, explique l’économiste Philippe Ledent. Si l’indice santé, sur les quatre derniers mois, a augmenté de 2%, on indexe les salaires de la fonction publique, les pensions et les rémunérations d’environ un tiers des travailleurs du privé en fonction de leur convention collective de travail (CCT).» Ce que cherche à faire l’Arizona, c’est de se rapprocher d’un autre modèle, celui de la CCT 200, qui indexe les salaires en janvier, en fonction de l’inflation sur les quatre derniers mois de l’année écoulée par rapport à la même période sur l’année précédente.

Une résistance aux chocs

Tout l’enjeu réside en fait dans les chocs inflationnistes. En lissant les indexations sur six ou douze mois, celles-ci se diluent. Pour illustrer, Philippe Ledent donne l’exemple concret de la crise de l’énergie de 2022. «Depuis janvier 2021, l’indice pivot a été dépassé neuf fois. Si on avait appliqué un lissage de celui-ci sur six mois et appliqué l’indexation en janvier comme le préconiserait l’Arizona, en 2022, l’augmentation des salaires aurait été de 3,3%, contre 4% dans les faits. En janvier 2023, l’éventuel nouveau régime aurait donné une indexation de 10,6% alors qu’elle a été de 10%. En janvier 2024, on aurait eu une indexation 2,2%, on a eu 2%. Et enfin, en janvier 2025, on aurait eu une augmentation de 3,5% pour 2% actuellement, mais avec un dépassement de l’indice pivot qui devrait arriver d’ici quelques mois et qui rectifierait donc.»

L’économiste est formel, ce changement de méthode ne change, in fine, pas grand chose pour le portefeuille. En tout cas en théorie, car dans les faits, ce nouveau régime pourrait bien serrer à la gorge les travailleurs plus modestes si une crise se produisait plus ou moins tôt dans l’année. Une inflation galopante en début d’année ne serait compensée qu’au premier janvier de l’an suivant, et naturellement sans effet rétroactif. «Sur le long terme, il y a une conservation du pouvoir d’achat. Mais sur le vécu, c’est sûr que c’est complètement différent pour le travailleur. (…) L’Arizona essaye en fait de trouver un moyen de diluer les chocs inflationnistes.» En permettant aux patrons de gagner du temps sur l’indexation des salaires, les membres du futur gouvernement espèrent probablement donner un peu d’air aux entreprises.

Les syndicats ne lâcheront pas l’indexation des salaires

Pour indexer tout le monde au 1er janvier sans distinction, il faudra donc harmoniser les CCT. «Ce serait plus logique, les chocs inflationnistes s’appliquent à tous de la même manière. Il me semble plus juste que tout le monde bénéficie donc de la même indexation», commente Philippe Ledent. Mais il n’est pas certain que patronat et syndicats, les parties prenantes à ces négociations de CCT, y parviennent, ni même en aient l’envie. Les Conventions Collectives de Travail sont souvent le fruit d’âpres négociations et d’avantages spécifiques aux secteurs.

Les syndicats s’opposent d’emblée à une telle mesure.  «Les gouvernements précédents ont déjà modifié la composition du panier des ménages qui est à la base du calcul de l’indexation automatique des salaires. En 2017, ils ont également durci la loi de 1996 (qui bloque les salaires), ce qui empêche de réelles négociations collectives autour des salaires – même dans des secteurs ou entreprises dont les marges se maintiennent ou augmentent», déclare Steve Rosseel, président de la CSC Alimentation et Services, qui prévoit une perte annuelle de 505 euros pour les travailleurs de l’industrie alimentaire et jusqu’à 932 euros pour les travailleurs dans le secteur du nettoyage.

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