Taxer les plus-value sur actions: pourquoi la proposition De Wever est de la poudre aux yeux
La taxe sur les plus-values sur action est devenue une vieille rengaine en Belgique. Le formateur Bart De Wever propose de les taxer à 10%, mais avec plein d’échappatoires.
On se souvient de la sortie de Georges-Louis Bouchez en janvier dernier, lors de ses vœux à la presse. «La Belgique est non seulement la championne de la taxation du travail, mais elle aussi le deuxième pays qui taxe le plus le patrimoine», avait lancé le président du MR. Bart De Wever veut-il faire du plat pays un enfer fiscal pour les contribuables fortunés en avançant, dans sa note de formateur, l’idée d’une taxe sur les plus-values de 10%? Il est clair que si la mesure était avalisée par les futurs partenaires de l’équipe fédérale, cela ressemblerait à une petite révolution. La Belgique est le seul pays européen à ne pas prélever un tel impôt.
Ce qui en fait de facto un paradis fiscal ou plutôt un paradis d’exil notamment pour les grandes fortunes françaises comme Bernard Arnault (4e fortune mondiale derrière Elon Musk, Mark Zuckerberg et Jef Bezos) dont le pays d’origine, la France, taxe les plus-values à 30%. En outre, le secteur financier imagine, depuis plus de trente ans maintenant, des produits de placement pour transformer des revenus en plus-values qui échappent à l’impôt. Il y a là une inévitable question de justice fiscale qui se pose entre les 10% des Belges les plus riches, qui détiennent environ huit actions cotées sur dix, et le reste des contribuables qui paient un impôt sur les revenus élevé.
Le président de la N-VA va-t-il parvenir à clore ce vieux débat belgo-belge sur les plus-values, là où le ministre des Finances Vincent Van Peteghem (CD&V) s’est cassé les dents en proposant, l’été dernier, une taxe à 15%? «Pas certain, tranche Denis-Emmanuel Philippe, avocat fiscaliste (Bloom Law) et professeur à l’ULiège. Le problème de la proposition de Bart De Wever est qu’elle prévoit tellement d’échappatoires qu’elle vide la taxe d’une grande partie de sa substance. Le taux proposé est, en outre, assez faible». En effet, en moyenne, les Etats membres de l’UE taxent les plus-values sur actions cotées en Bourse à 18,6%, le Danemark arrivant en tête du classement avec un impôt fixé à 42%. En ce qui concerne les échappatoires prévues par De Wever, il est vrai qu’elles sont multiples.
Première d’entre elles: pas de rétroactivité. «Les plus-values ’’historiques’’, c’est-à-dire celles qui ont été constituées avant l’entrée en vigueur de la mesure, seraient épargnées, explique le Pr Philippe. Prenons l’exemple d’un Belge qui a acheté pour 10.000 euros d’actions cotées en 2020. Elles valent lors de l’entrée en vigueur de la mesure, par hypothèse en 2025, 20.000 euros. La plus-value ’’historique’’ de 10.000 euros échappera à l’impôt. Ainsi, s’il revend son paquet d’actions en 2026 pour 21.000 euros, le montant de la plus-value imposable sera uniquement de 1.000 euros. L’impôt à payer ne sera donc que de 100 euros, soit 10% de 1.000 euros. Du coup, une bonne partie des plus-values réalisées, du moins au cours des premières années après l’entrée en vigueur de la mesure, devraient pouvoir échapper à la taxe.»
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Autre exemption: les plus-values réalisées par des actionnaires «historiques» et «actifs», lors de la vente de participations dites «substantielles» (participations de plus de 5% dans des sociétés), seront exonérées jusqu’à un montant de 2,5 millions d’euros. «Il s’agit ici surtout d’épargner les entrepreneurs qui cèderaient les actions de leur PME belge, observe l’avocat fiscaliste. Mais 2,5 millions, c’est déjà un fameux montant exonéré! Même le Luxembourg, qui taxe au taux de 23% les plus-values sur participations substantielles, de plus de 10%, ne fait pas un tel cadeau.» Par ailleurs, une exonération de base de 6.000 euros est proposée par le formateur dans sa note pour que la nouvelle taxe ne frappe pas les petits investisseurs. Un mécanisme correcteur tenant compte de l’inflation accompagnerait également la taxe sur les plus-values.
«2,5 millions, c’est déjà un fameux montant exonéré!»
Bref, lorsqu’on additionne toutes ces échappatoires, cela fait beaucoup. «Cela ressemble davantage à une mesure symbolique. Il faut également relever que les familles fortunées, qui détiennent leurs actifs financiers au sein d’une holding patrimoniale, ne tombent pas sous le coup de cette mesure qui concerne uniquement l’impôt des personnes physiques, souligne Denis-Emmanuel Philippe. Lorsqu’une holding réalise des plus-values sur actions, celles-ci sont exonérées à 100% à l’impôt des sociétés, à condition que la holding détienne une participation de plus de 10% ou une participation d’une valeur de 2,5 millions d’euros. Ce régime d’exonération n’est donc pas à la portée de toutes les bourses».
La proposition de De Wever ne devrait pas séduire les partis les plus à gauche participant à la négociation fédérale. Pour le bourgmestre d’Anvers, l’exercice est délicat, car il doit aussi satisfaire son partenaire MR très peu favorable à cette taxe, ainsi que le Voka (patrons flamands) dont son parti est proche. Il semble néanmoins, à ce stade, que le texte n’aurait pas changé dans la nouvelle note Arizona qu’il va proposer.
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