Les Engagés et le MR, plus que probables futurs partenaires au sein du gouvernement wallon, envisagent une réforme des droits de succession. © Getty Images

Réforme des droits de succession à l’horizon: ce qui pourrait changer (analyse)

Nathan Scheirlinckx
Nathan Scheirlinckx Journaliste au Vif

Les Engagés et le MR, plus que probables futurs partenaires au sein du gouvernement wallon, envisagent une réforme des droits de succession. Pourquoi reviennent-ils au centre de l’attention? Et à quelles évolutions s’attendre?

C’est l’une des premières réformes que les partenaires de négociation, aux quatre coins du plat pays, veulent réaliser. Celle des droits de succession. Le MR et Les Engagés, qui mèneront plus que probablement la barque du gouvernement wallon en duo, veulent les abaisser, voire les supprimer.

Comme expliqué sur le site du SPF Finances, les droits de succession sont les impôts que les héritiers paient sur la succession. Ils sont payés sur la valeur nette des biens immobiliers (maison, terrain…) et biens mobiliers (espèces, meubles, bijoux…) que le défunt laisse après déduction des dettes. «Le principe général est simple: plus on gagne, plus on est taxé», précise Sylvain Bavier, notaire.

En Wallonie, les droits de succession sont progressifs, avec des taux différents selon les montants et le degré de parenté. Le taux le plus bas est de 3%, pour les montants inférieurs à 12.500 euros sur les successions entre conjoints, cohabitants et héritiers en ligne directe (enfant, petit-enfant, parent, grand-parent). Le taux le plus élevé est établi à 80%, pour les montants au-delà de 75.000 euros sur les successions hors conjoints, cohabitants et héritiers en ligne directe.

Supprimer ou abaisser les droits de succession?

Georges-Louis Bouchez et Maxime Prévot
Si Georges-Louis Bouchez et Maxime Prévot sont d’accord de revoir les droits de succession, ils doivent encore accorder leurs violons quant à la manière de le faire

Actuellement, libéraux et centristes travaillent à ce qui sera l’accord du futur gouvernement wallon. Sur le volet fiscal, une réforme des droits de succession est bel et bien à l’ordre du jour. «Aucun compromis ne se dégage pour le moment, souffle Edoardo Traversa (UCLouvain), expert en droit fiscal associé aux négociations. Les deux partis souhaitent avancer sur ce dossier, mais ne sont pas encore d’accord sur la voie à emprunter.»

« La proposition du MR fait plutôt office de discussion budgétaire, celle des Engagés est plus radicale et ambitieuse »

Edoardo Traversa (UCLouvain), expert en droit fiscal

Le MR et Les Engagés envisagent deux philosophies de changement. Les bleus ne veulent pas revoir le système en profondeur, mais proposent de modifier les tranches d’imposition avec un maximum de 50 % contre 70 ou 80 % aujourd’hui. Les turquoises souhaitent supprimer les droit successoraux, pour les remplacer par un taux fixe de 4 à 5%. Ce pourcentage s’appliquerait sur toutes les transmissions de capital, à tout moment de la vie, avec un abattement sur les premiers 100.000 euros transmis.

Edoardo Traversa détaille les propositions des deux partis. «Celle du MR fait plutôt office de discussion budgétaire, avec une baisse des taux élevés qui vise à assainir les finances wallonnes. Celle des Engagés est plus radicale et ambitieuse, puisqu’elle couvrirait l’ensemble des transmissions, pas uniquement celles liées au décès.» Le spécialiste de la fiscalité explique que les centristes veulent aussi soumettre à l’impôt d’autres droits qui jusqu’ici y échappaient (droits de donation et d’enregistrement, par exemple).

Réformer, une bonne idée mais…

immobilier belge
Pour abaisser ou supprimer les droits de succession, il faudrait trouver de l’argent autre part © Getty Images/iStockphoto

Une suppression des droits de succession créerait un trou dans les poches de l’Etat belge: rien qu’au sud du pays, ils rapportent chaque année 800 millions d’euros. Cela représente pas moins de 4% du budget wallon. Pour compenser ce manque à gagner, Les Engagés comptent remettre une réforme fiscale à l’agenda des futures coalitions, afin de davantage taxer les plus-values financières. «Ce ne sera pas simple, avertit Edoardo Traversa, car la compétence fiscale est divisée entre les différents niveaux de pouvoir. Et contrairement à ce que propose le MR, le plan des Engagés ne dépend pas que des décisions qui seront prises par le futur attelage régional au sud du pays.»

Selon Sylvain Bavier, réformer les droits de succession va dans le bon sens. «Ces droits sont quasi confiscatoires pour les personnes qui veulent transmettre leurs biens à des héritiers qui ne sont pas en ligne directe, avec des taux très élevés. Globalement, un abaissement des droits successoraux serait positif, sauf pour les héritiers en ligne directe qui payaient 3% d’impôts, et devront payer 4 à 5% dessus.» Le notaire estime qu’une telle réforme aurait un impact sur la manière avec laquelle les citoyens gèrent leur succession. «Certaines personnes préféreront thésauriser leur argent, qui circulera moins au vu de la diminution des taux.»

«C’est un impôt vieux comme le monde. Les tranches n’ont pas été indexées depuis son instauration il y a deux siècles, alors que le monde a changé»

Edoardo Traversa (UCLouvain), expert en droit fiscal

Les droits de succession, «un impôt vieux comme le monde»

«C’est un impôt vieux comme le monde, rappelle Edoardo Traversa. Les tranches n’ont pas été indexées depuis son instauration il y a deux siècles, alors que le monde a changé». L’un des arguments de la coalition de centre-droit qui se dessine: dans leur forme actuelle, les droits de succession profitent surtout aux plus grosses fortunes, qui, en faisant preuve d’ingénierie fiscale, parviennent d’une manière ou d’une autre à payer moins d’impôts sur leurs transmissions. «Dans les faits, certains anticipent en faisant des donations de leur vivant pour éviter de payer trop sur leurs droits successoraux

La forme que prendra cette réforme des droits de succession a son importance. «Au-delà de l’objectif annoncé, la mise en œuvre sera plus compliquée», prévient l’expert-fiscaliste. Et Edoardo Traversa de rappeler que si la politique en matière de droits successoraux est régionale, c’est le fédéral qui est chargé de les collecter pour la Région Wallonne et de Bruxelles-Capitale. «Si le futur gouvernement wallon veut reprendre en main l’administration de l’impôt concernant les successions, cela prendra deux à trois ans, car c’est une grosse machine. On parle de plusieurs dizaines de milliers de dossiers par année.»

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