Prix du gaz en chute: un vrai impact pour votre portefeuille?

Noé Spies
Noé Spies Journaliste au Vif

Sur le marché néerlandais, référence pour le continent européen, le Mwh est descendu à 85 euros, soit une nouvelle baisse de 7,5%. Est-ce parti pour durer ? Et quel impact pour le consommateur ?

Depuis la guerre en Ukraine, le prix du gaz est généralement bien supérieur à 100 euros. En août, il a culminé à 345 euros. Le 8 juin, il s’est très brièvement établi à 78,5 euros. Une baisse stabilisée à 85 euros est donc particulièrement notable, d’autant plus en plein hiver.

Prix du gaz en chute: quelles causes ?

Les températures clémentes sur la majeure partie du continent européen et une industrie qui tourne à moindre régime en fin d’année sont les deux éléments principaux qui expliquent ce tassement sur les marchés.

La période actuelle est également positive pour d’autres sources d’énergie. Les éoliennes bénéficient ainsi d’un vent important, tandis que les importations de gaz naturel liquéfié sont abondantes. Des circonstances qui participent à la baisse du prix du gaz.

La Russie ouvre la porte, malgré l’embargo

La Russie, par l’intermédiaire du vice-Premier ministre Alexander Novak, est à nouveau disposée à envoyer plus de gaz vers l’Europe, alors que celle-ci a pourtant décidé de ne plus importer de gaz russe. Une annonce qui ne s’est pas encore traduite sur les marchés du gaz car ceux-ci ont été fermés le lendemain de Noël.

« Le marché européen reste pertinent car la pénurie de gaz se poursuit et nous avons toutes les chances de reprendre les livraisons. Le pipeline Yamal, par exemple, reste inutilisé », explique Alexander Novak à l’agence de presse russe TASS. « Nous continuons à considérer l’Europe comme un marché potentiel pour la vente de nos produits. »

Le pipeline Yamal part de la Russie et va jusqu’en Allemagne, via la Biélorussie et la Pologne. Cette ligne a été fermée quelques jours après l’invasion russe de l’Ukraine. En mai 2022, la Pologne a déclaré qu’elle ne voulait plus de gaz russe sur son territoire. Il serait donc très peu probable de revoir du gaz russe circuler dans ce pipeline de sitôt. Mais dans la même interview, Alexander Novak a également déclaré qu’il souhaitait envoyer plus de gaz vers l’Europe via des pipelines qui traversent la Turquie, ainsi que via des navires transportant du gaz naturel liquéfié (GNL).

Depuis le début de la guerre, le Kremlin change de version concernant l’approvisionnement de gaz en Europe. Initialement, la Russie justifiait la non-utilisation de Nordstream1 avec des raisons techniques, et non politiques, telle qu’une panne des pompes ou le refus de l’Europe de payer en roubles.

La déclaration de vice-Premier ministre Novak n’est pas anodine : on peut en déduire que la Russie est désormais davantage demandeuse pour envoyer plus de gaz vers l’Europe : un aveu de faiblesse qui en dit long. Il montre que le Kremlin a besoin de l’argent des exportations de gaz vers l’Europe pour son économie. Il y a quelques mois, pourtant, c’est la Russie qui menaçait la première de couper les exportations de gaz. La donne n’est plus la même.

Des répercussions sur le portefeuille ?

Selon Engie, un prix du gaz plus bas entraînera rapidement une baisse des factures de gaz pour les consommateurs. « La facture de gaz pour les titulaires d’un contrat avec un tarif variable mensuel est calculée sur base du prix moyen du gaz en bourse au cours de ce mois. Si le prix moyen du gaz à la bourse est plus bas en décembre, il y a une répercussion pour le consommateur à la fin du mois. »

Outre les importations plus ou moins importantes de gaz russe, trois autres facteurs déterminent le prix du gaz : la météo, les stocks et l’offre de GNL sur le marché mondial. Pour ces trois facteurs, les choses se présentent bien pour l’Europe. Au cours de la semaine à venir, les températures -dans une grande partie du continent- devraient dépasser les 10 degrés. Avec ces températures chaudes pour la saison, les réserves stratégiques de gaz se portent bien. En Allemagne, ce stock est encore rempli à 93 %. En France à 89 % et en Pologne à 97 %.

Autre facteur en faveur de l’Europe, la pandémie de Covid en Chine. Les mesures strictes de confinement signifient également un ralentissement économique local. Conséquence, l’industrie chinoise a besoin de moins de GNL. Ce gaz peut être expédié en Europe à un prix abordable.

 Il n’y a pas que le prix du gaz qui a baissé ces derniers jours. Le prix belge de l’électricité à la bourse Belpex est également en baisse, tout comme le prix du diesel à la pompe.

Plafonnement : quel impact ?

Les Etats membres de l’UE ont approuvé, la semaine dernière, un mécanisme permettant de plafonner les prix de gros du gaz dès qu’ils dépasseront 180 euros/MWh trois jours consécutifs. Ce mécanisme de plafonnement, adopté par les Vingt-Sept après plusieurs semaines d’âpres discussions, ne sera activé qu’à un niveau de prix supérieur d’au moins 35 euros au prix international moyen du gaz naturel liquéfié (GNL).

« L’impact ultime est très incertain », estime Simone Tagliapietra, de l’Institut Bruegel, parce que le mécanisme dépend d’une double contrainte de prix très élevés (180 euros/MWh), qui risque de se produire rarement.

En cas de tensions sur l’offre gazière mondiale -notamment face à une demande accrue de la Chine-, « tout problème d’approvisionnement, une vague de froid et une réduction insuffisante de la demande européenne pourraient contribuer à ce que les conditions soient remplies », relève cependant Katja Yafimava, de l’institut Oxford Energy, à l’AFP.

Mais dans tous les cas, « ce plafonnement vise à empêcher une volatilité extrême, pas à faire baisser dans l’ensemble les prix de l’énergie ». C’est-à-dire à éviter les pics extraordinaires atteints en 2022. « Il n’y a aura aucun impact pour les particuliers et très peu les industriels », confirme Thierry Bros, analyste pétrole et gaz.

« Il n’y a pas forcément de lien direct entre le prix de gros et le prix auquel on paie l’électricité ou le gaz (…) Les gouvernements sont déjà intervenus depuis 18 mois et ont dépensé 700 milliards d’euros pour limiter la hausse des prix et éviter que le prix se répercute » sur le consommateur, note-t-il.

Agir sur le prix de gros n’aura donc de conséquences que pour le petit nombre d’industriels achetant directement sur le marché de gros.

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