Pourquoi la chute de l’inflation en Belgique « ne fait ni chaud ni froid » à la banque centrale
L’inflation n’avait plus été aussi faible depuis 2021. Cause principale : la chute des prix de l’énergie. De quoi entrevoir une baisse des prix généralisée ? Le point sur la situation avec l’économiste Philippe Ledent (ING).
Ce niveau n’avait plus été atteint depuis 2021. L’inflation, estimée à 0,36% en octobre, connaît en effet une baisse significative. Sa cause ? Le gaz et l’électricité, dont les prix sont en chute, tirent la tendance inflationniste vers le bas. « La composante énergie est clairement le principal responsable de cette baisse, confirme l’économiste Philippe Ledent (ING). L’influence des prix de l’énergie a été encore plus importante en octobre qu’en septembre. »
Pourtant, cette baisse de l’inflation peine à se faire ressentir auprès du consommateur. Et pour cause, en Belgique plus qu’ailleurs, l’énergie pèse proportionnellement plus lourd dans le panier de l’index. « Son poids est plus important que dans d’autres pays parce qu’on observe que les Belges consomment plus d’énergie. C’est le juste reflet d’une réalité », avance Philippe Ledent.
Les dépenses d’énergie de chaque Belge sont-elles pour autant proportionnelles au poids qu’on leur attribue dans cet indice général ? « Non, répond l’économiste, car ce poids est une moyenne, et le Belge moyen n’existe pas. Selon toute une série de paramètres, l’impact que va avoir l’énergie dans notre dépense globale va être plus ou moins élevé que cette moyenne. »
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L’inflation sous-jacente, élément sous-estimé
L’inflation sous-jacente -qui ne prend pas en compte la composante énergie- baisse un peu, mais beaucoup plus modestement. Dans le secteur alimentaire, elle reste particulièrement élevée, aux alentours de 8%. « Les augmentations de prix des matières premières, d’énergie, et de coûts salariaux ont un impact étalé dans le temps, commente Philippe Ledent. On a tendance à ne pas comprendre pourquoi les prix dans l’alimentation restent élevés malgré la baisse des prix des matières premières. En réalité, lorsque les matières premières ont augmenté, elles ont augmenté beaucoup plus que les prix des biens alimentaires dans le panier du consommateur. »
Selon l’économiste, on oublie ainsi souvent que les prix dépendent des contrats réalisés dans la chaîne d’approvisionnement entre les grossistes et les détaillants. « On verra davantage l’impact de la baisse des prix des matières premières plus tard dans le temps. Tous ces éléments mettent du temps à percoler », rappelle-t-il.
Une baisse temporaire
Cette tendance à la baisse va-t-elle se stabiliser ? Il ne faut pas trop l’espérer, selon Philippe Ledent. « Ce chiffre de 0,4% va probablement remonter dans les prochains mois. Car la contribution négative de l’énergie va être de moins en moins importante. Les prix de l’énergie ayant débuté leur descente il y a déjà un bon moment, ceux-ci vont baisser de façon moins significative. Par conséquent, la composante énergie tirera moins l’inflation générale vers le bas. Cette dernière aura donc tendance à un peu monter », déduit l’économiste.
En d’autres termes, et c’est paradoxal, si l’inflation sous-jacente va bel et bien continuer à descendre, l’inflation générale remontera légèrement dans les prochains mois, en raison, donc, d’un impact moins important de la baisse des prix de l’énergie.
Pour la banque centrale européenne (BCE), l’inflation sous-jacente est un élément très important. « Ce n’est pas qu’elle ne regarde pas l’inflation générale. Mais la banque centrale ne peut rien contre les prix de l’énergie. Elle se focalise surtout sur le prix des produits alimentaires, du restaurant, du cinéma, du coiffeur… Parce qu’elle peut agir sur ces domaines. Donc, le fait que l’inflation générale soit très faible (0,36%) ne fait ni chaud ni froid à la BCE. Ce qui l’intéresse davantage, c’est que l’inflation sous-jacente soit toujours au-delà des 6% en Belgique », discerne Philippe Ledent.
L’épargne mieux valorisée ?
Quant à la question de savoir si cette baisse générale peut profiter à l’épargnant, la réponse est «oui, mais… ».
« Schématiquement, quand l’inflation baisse, un même taux d’intérêt nominal sur un compte d’épargne est plus intéressant. Si elle est à 0,4% et le taux d’intérêt à 1,5%, le rendement réel est positif. Même s’il est peu probable que la tendance reste aussi basse dans le temps », tempère Philippe Ledent.
Toutefois, la capacité du consommateur à battre l’inflation est clairement meilleure. « Imaginons l’inflation se stabilise aux alentours de 2,5%, et que les taux continuent à augmenter un peu, un épargnant – surtout un investisseur – a aujourd’hui plus la capacité de battre l’inflation que lorsqu’elle était à 8%. »
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