Toutes les nouveautés pour votre pension en 2025: tabou de l’âge, bonus-malus et départ anticipé
Le régime de pension en Belgique appliquera plusieurs changements, dès 2025. D’après certains spécialistes, ces «mesurettes» sont insuffisantes et contribuent à complexifier le système, qui manque de flexibilité et d’équité. Pour les travailleurs en fin de carrière, il y a urgence. Pour l’Etat aussi, face au déficit public excessif. A quand une réforme en profondeur?
La pension, casse-tête économico-social grandissant, connaîtra plusieurs changements importants dès le début d’année 2025. Ils sont au nombre de quatre:
- L’âge légal passe de 65 à 66 ans;
- La pension anticipée passe de 64 à 65 ans;
- L’accès à la pension minimum devient plus strict;
- Les premiers candidats au bonus pension pourront être quantifiés.
Ces évolutions sont-elles souhaitables/suffisantes pour la soutenabilité du système des retraites en Belgique? Et pour la santé financière des futurs pensionnés? Quels défis s’imposent pour la future coalition fédérale? Passage en revue des différents enjeux.
Pension: 66 ans en 2025, avant 67 ans en 2030
Dès 2025, l’âge légal du départ à la retraite en Belgique passe de 65 à 66 ans. Tous les travailleurs nés en 1960 devront donc (théoriquement) travailler une année de plus.
«L’évolution est tout à fait logique, estime Pierre Devolder, professeur à la Louvain School of Management et spécialiste de la question des retraites. Tous les pays qui nous entourent reculent progressivement l’âge légal de départ, poursuit-il. Dans certains cas, même de manière plus brutale que chez nous.»
Il existe trois paramètres sur lesquels il est possible jouer pour assurer la soutenabilité de nos régimes de retraite, selon le spécialiste: augmenter le taux de cotisation sociale (1), diminuer les prestations (2), ou partir plus tard (3). «Parmi ces trois possibilités, repousser l’âge légal semble être l’option la plus facilement implémentable. Ce n’est pas un hasard, au regard de l’augmentation de l’espérance de vie. Dans l’absolu, fixer la pension à 66 ans aujourd’hui permet une retraite beaucoup plus longue par rapport aux 65 ans décidés après la Seconde Guerre mondiale.»
«D’un point de vue macro-économique et arithmétique, le report de l’âge de la retraite est une évolution logique, abonde l’économiste Philippe Ledent (ING), compte-tenu du fait qu’on vit plus longtemps, que les personnes actives vont diminuer au profit des pensionnées, et que ce sont les premières qui financent les secondes.»
D’après Jean Hindriks (UCLouvain), «il est urgent de maîtriser la croissance exponentielle des dépenses liées aux pensions pour cause de déficit excessif de nos finances publiques. Comment? En fixant un plafond de l’indexation et en limitant la revalorisation. C’est indispensable, mais politiquement compliqué, comme en témoigne le rétropédalage français.»
Pension: âge légal Vs. âge effectif, le grand écart
Si l’âge légal passe effectivement à 66 ans (67 ans en 2030), cette balise est souvent perçue comme une fiction par les économistes, puisque l’âge effectif de départ reste bien inférieur (il est passé sous les 60 ans à certains moments et tourne aujourd’hui autour des 61-62 ans en moyenne). Au vu de cette réalité, rehausser l’âge légal est-il vraiment utile? «Oui, car il provoque un effet d’entraînement, tel un ensemble qui bouge parallèlement. Augmenter l’âge légal devrait donc faire évoluer l’âge effectif par répercussion», assure Pierre Devolder.
Les réformes successives ont plutôt eu tendance à ajouter des mesures complexes sur un système rigide, au lieu de le flexibiliser en profondeur.
Philippe Ledent
ING
Philippe Ledent se questionne sur cette hypothèse. «Il est possible d’obtenir un effet, mais pas au point de voir le départ effectif bondir d’un an. Pourquoi y-a-t-il un écart tel entre l’âge officiel et l’âge effectif?, s’interroge l’économiste. Car l’extrême rigidité du système est malgré tout compensée par l’introduction de mesures additionnelles, comme la retraite anticipée. Les réformes successives ont donc plutôt eu tendance à ajouter des mesures complexes sur un système rigide, au lieu de le flexibiliser en profondeur. La grande réforme -qui pérenniserait le système de pensions par répartition à très long terme- n’est pas encore eu lieu.»
Un bonus-malus espéré pour «sortir de la logique d’un âge fixe»
Dans l’absolu, beaucoup d’observateurs plaident pour l’idée de la réforme «à points», pensée il y a déjà dix ans et balayée par (certains membres de) la Vivaldi. Elle consiste à considérer le «kilométrage» du travailleur, et non pas l’âge, en tenant compte de la durée et de l’ampleur des cotisations de celui-ci. «Ce système est le plus flexible, et d’ailleurs utilisé par les Pays nordiques, commente Philippe Ledent. Or, l’âge reste au centre du fonctionnement actuel, agrémenté de compensations toujours plus complexes, le bonus pension en tête.»
Si le but initial derrière ces ajouts est de récompenser les carrières plus longues, «notre système n’est plus adapté à la flexibilité inhérente au monde du travail actuel. Il est temps d’implémenter une réforme beaucoup plus importante et équitable», plaide Pierre Devolder.
Plutôt que de se fixer sur l’âge, fixons-nous sur la durée.
Pierre Devolder
UCLouvain
Car, rappelle-t-il, les travailleurs n’ont évidemment pas tous le même profil, certains exerçant des métiers plus pénibles, et débutant leur carrière très tôt. «Il faut sortir de cette idée d’un âge fixe en repensant un système de retraite plus moderne. Cela suppose des modes de calcul de la retraite qui encouragent les gens à rester plus longtemps au travail. Et dans les cas où ils désirent partir plus tôt, il faudrait alors en tenir compte dans le montant de leur retraite.»
Cette logique consisterait créer «un bonus-malus pension», que certains partis politiques de l’Arizona soutiennent d’ailleurs. «L’idée s’apparente à la logique d’une épargne. Elle permettrait de sortir de la contrainte de l’âge de la retraite, encore perçu comme un tabou. Plutôt que de se fixer sur l’âge, fixons-nous sur la durée. Cette option n’est plus du tout à l’agenda à l’heure actuelle», déplore Pierre Devolder.
La pension anticipée à 65 ans
La Belgique a souvent été considérée comme la championne du monde des programmes de pré-retraite, contribuant à cet écart important entre départ légal et départ effectif. Mais la tendance semble désormais se durcir, avec l’apparition de règles de plus en plus contraignantes pour accéder à une voie de sortie. Ainsi, parallèlement à l’âge de départ légal, la pension anticipée est elle aussi repoussée d’un an, pour passer de 64 à 65 ans en 2025.
«Il est toujours possible de prendre une retraite anticipée à 60 ans, mais avec 44 années de cotisations, ce qui est plutôt rare, note Philippe Ledent. La question est de savoir si l’année prochaine, les personnes de 65 ans avec 42 années de carrière prendront leur retraite anticipée et plafonnée, ou prolongeront d’une année afin d’obtenir le bonus pension?».
Les retraites ne sont pas une île flottante, ni du capital
D’après Pierre Devoler, il existe aujourd’hui tellement de systèmes de sortie anticipée qu’il est indispensable de réduire la voilure, et de retrouver une certaine homogénéité. «Il est plus que temps de mettre en place un véritable système qui puisse tenir compte de la pénibilité du travail. Les retraites ne sont pas une île flottante séparées du marché du travail, illustre-t-il. Si les entreprises ne permettent pas d’allonger le temps de travail dans leur organisation interne, cette idée restera de la science-fiction. Par exemple, la possibilité de départ progressif à mi-temps devrait être davantage envisagé.»
Pour lui, les pensions doivent être perçues comme des rentes, pas des capitaux. «Or, avec le bonus pension, on ajoute une dose de capital. Ce n’était certainement pas la bonne mesure: elle risque d’ailleurs d’être remise en cause dans une prochaine réforme. Nous avons besoin d’un véritable système de bonus-malus.»
Pension minimum: un accès plus strict
Par ailleurs, l’accès à la pension minimum inclut désormais des conditions plus strictes en matière de travail effectif (5000 jours minimum sur une carrière, avec un temps de travail assimilé –arrêt maladie, chômage, interruption- désormais plus contrôlé et contraignant).
Espérons surtout une vraie modernisation de ce système, qui, il faut le rappeler, date de 1945! Le monde du travail n’a-t-il pas évolué depuis?
Pierre Devolder
UCLouvain
D’après Pierre Devolder, cette mesure est davantage une question de philosophie politique. «Veut-on relier la pension de premier pilier à un effort de travail? Sans doute, mais il ne faut pas pour autant oublier les minima et les maladies de longue durée. Espérons surtout une vraie modernisation de ce système, qui, il faut le rappeler, date de 1945! Le monde du travail n’a-t-il pas évolué depuis?».
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