Ouvert aux épargnants belges, le livret A français sera bel et bien soumis à un précompte mobilier de 30% en Belgique, ce qui in fine, équivaudra à un rendement net de 2,1%. Mais le plus souvent, l’ouverture d’un compte d’épargne à l’étranger n’est même pas envisageable. © BELGA/BELPRESS

Ouvrir un compte d’épargne à l’étranger pour obtenir un meilleur taux: est-ce faisable et rentable?

Christophe Leroy
Christophe Leroy Journaliste au Vif

Certains comptes d’épargne à l’étranger proposent des taux (légèrement) plus élevés qu’en Belgique. Mais dans la pratique, ces options sont rarement disponibles ou rentables pour l’épargnant lambda. Voici tout ce qu’il faut savoir.

En septembre 2023, les Belges souscrivaient pour plus de 22 milliards d’euros dans le bon d’Etat à un an, affichant un taux d’intérêt net de 2,81%. Bons de caisse, comptes à terme, assurance-épargne… A moins de trois mois de l’échéance, de nombreux acteurs proposent des formules diverses pour tenter de récupérer ce pactole. Et si possible bien davantage, dans un contexte où les taux fixés par les banques centrales devraient rester plus élevés que ce qui était envisagé en début d’année. En 2023, le montant placé par les ménages sur les comptes d’épargne a chuté de 10%, soit de 30,5 milliards d’euros, après plus de dix ans de hausse ininterrompue. La valeur des dépôts sur les comptes à vue à elle aussi diminué de 20,5 milliards. Comme l’indique la Banque nationale de Belgique (BNB), les grands gagnants de ce transfuge sont les titres de créance (+33,1 milliards), dont le bon d’Etat fait partie, ainsi que les comptes à terme (+31 milliards).

Mais en parallèle, 265 milliards d’euros dorment toujours sur les comptes d’épargne des ménages. La prudente hausse des taux d’intérêts par les banques belges a amorcé un léger regain des dépôts sur ces derniers au premier trimestre 2024 (+100 millions, selon une première estimation de la BNB). A l’inverse d’un bon d’Etat ou d’un compte à terme, qui immobilise un montant pour une période donnée, le compte d’épargne reste plébiscité pour sa flexibilité. Comme le montre le comparateur Guide-Epargne, plusieurs banques proposent à présent un taux global (combinant le taux de base et la prime de fidélité) atteignant 2,5%, voire 3% sur certains comptes d’épargne. Toutefois, les formules dotées du meilleur rendement sont souvent assorties de conditions spécifiques (maximum 500 euros par mois, minimum 125.000 euros…) limitant la mobilité effective de l’épargne.

Quatre obstacles au compte d’épargne à l’étranger

Face à l’attentisme de certains grands acteurs, ne serait-il pas opportun de mettre de côté son argent sur un compte d’épargne à l’étranger plus rémunérateur? Cette option paraît tentante, d’autant que les démarches en ligne se multiplient. «Ouvrir un compte à l’étranger est tout à fait légal, rappelle Bertrand Candelon, professeur de finance à l’UCLouvain et directeur de la recherche Louvain-Finance. L’espace européen prévoit une liberté de mobilité du capital.» Il faut cependant déclarer le compte en question auprès du Point de contact central des comptes et contrats financiers (PCC). «Cette déclaration doit s’effectuer avant, ou au plus tard au moment de l’introduction de la déclaration à l’impôt des personnes physiques de cette année-là», indique la BNB.

Mais dans les faits, l’épargnant lambda souhaitant ouvrir un compte d’épargne à l’étranger fera face à quatre obstacles de taille:

  • La plupart des banques proposant des taux alléchants exigent que le titulaire du compte ait une adresse de résidence dans le pays concerné;
  • Certaines demandent l’ouverture en parallèle d’un compte courant qui lui, n’est pas nécessairement gratuit;
  • La Belgique appliquera généralement un précompte mobilier de 30% (éventuellement moins si un accord a été conclu avec le pays étranger et si celui-ci a déjà appliqué une retenue à la source) sur les intérêts d’un compte épargne à l’étranger, à l’inverse des comptes d’épargne belges, exonérés sur la première tranche des intérêts (jusqu’à 1020 euros par contribuable en 2024). Les revenus des comptes étrangers font l’objet d’une ligne spécifique dans la déclaration d’impôts. Le précompte affectera le rendement net du compte d’épargne concerné;
  • L’épargnant s’expose à des taux de change s’il ouvre un compte dans une autre devise.
  • Depuis plusieurs années, la fintech Raisin, qui a repris plusieurs concurrents, joue les intermédiaires pour les épargnants dans neuf pays, dont sept au sein de l’UE. En tissant des partenariats avec certains acteurs bancaires, elle permet par exemple à un ressortissant français d’ouvrir un compte d’épargne en Norvège (Lea Bank), en Finlande (Alisa Bank), en Suède (Klarna) ou en Belgique (chez CKV), à des taux légèrement supérieurs à 3%. Toutefois, cette plateforme ne s’adresse pas aux épargnants belges. Et si tel était le cas, l’Etat appliquerait le fameux précompte de 30% sur les intérêts, qui ne restent pas mirobolants. «A moins d’obtenir un taux d’intérêt supérieur de 2 points de pourcentage, ouvrir un compte à l’étranger ne vaut généralement pas le coup, compte tenu de toutes les démarches qui en résultent», résume Bertrand Candelon.

    Le livret A français, une option crédible?

    Contrairement à une idée reçue, un épargnant belge peut tout à fait souscrire au livret A français, puisqu’il s’adresse à toute personne physique, sans condition d’âge (avec accord du représentant légal dans le cas d’un mineur), de nationalité ou de résidence. Le montant maximal qui y est déposé (hors taux d’intérêts) ne peut dépasser 22.950 euros. Toutefois, le taux d’intérêt net affiché, qui s’élève à 3%, ne s’appliquera pas aux épargnants belges. Exonéré d’impôt en France, le livret A sera bel et bien soumis à un précompte mobilier de 30% en Belgique, ce qui in fine, équivaudra à un rendement net de 2,1%. Or, d’après Guide-Epargne, 17 formules disponibles en Belgique proposent actuellement un taux net supérieur ou égal à ce rendement. Bref, l’option du livret A est théoriquement possible mais peu attractive dans la pratique, dans la conjoncture actuelle.

    Pour l’épargnant belge, il est donc encore compliqué de faire jouer la concurrence internationale. Mais le jeu devrait s’ouvrir dans les prochaines années. «Personnellement, je pense que dans dix ans, il n’y aura plus de banques traditionnelles, anticipe Bertrand Candelon. Les fintechs (NDLR: des plateformes utilisant la technologique numérique pour proposer des services financiers) vont rapidement s’imposer, vu leur rendement et leur flexibilité. Les banques devront soit créer leur propre fintech, soit s’insérer dans un groupe en ce sens.» Cette lame de fond contribuera inévitablement à élargir les possibilités d’épargne pour les ménages.

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