Les banques fourbissent leurs armes, cherchant à récupérer les milliards qui ont quitté les comptes d’épargne l’année dernière. © Klaas Verplancke

Cinq manières de réinvestir l’argent de vos bons d’Etat

Ewald Pironet Ewald Pironet est rédacteur du Knack.

L’essentiel

• Le 4 septembre, le gouvernement versera 22,5 milliards d’euros aux détenteurs du bon d’Etat émis en septembre 2023.


• Les banques cherchent à capter cette manne financière et proposent différents produits pour réinvestir cet argent.


• Le choix du produit dépend du profil de risque et de l’horizon de placement de l’épargnant.


• Les options défensives incluent le nouveau bon d’Etat (rendement estimé à environ 2%), les comptes d’épargne, les comptes à terme, les bons de caisse et les assurances épargne.

• Il est important de noter que tous les produits financiers défensifs avec une durée d’un an font perdre environ 1% de valeur en raison de l’inflation.

Début septembre, les 22 milliards d’euros investis il y a un an dans le bon d’Etat seront reversés sur les comptes courants. Les banques se battent pour récupérer cet argent. Pourtant, l’épargnant n’en tire que peu de bénéfices.

Le 4 septembre 2024 sera une journée historique. Jamais auparavant une telle somme n’a été libérée en une seule journée dans le pays: le gouvernement versera en effet plus de 22 milliards d’euros sur les comptes de plus de 500.000 personnes qui ont investi il y a un an dans le bon d’Etat. Tout cet argent sera alors à la recherche de produits financiers attractifs. Les banques fourbissent leurs armes face à cette échéance, cherchant à récupérer les milliards qui ont quitté les comptes d’épargne l’année dernière. Et le gouvernement n’est pas en reste.

L’initiative de l’Etat avait, de fait, causé pas mal de pertes au secteur bancaire; il avait alors vu s’envoler des fonds qui jusque-là reposaient tranquillement sur les comptes d’épargne et lui rapportaient des bénéfices faciles. Si les épargnants s’étaient facilement laissé séduire par la proposition d’investissement étatique, c’était non seulement en raison de la durée exceptionnellement courte (un an) du bon d’Etat mais aussi et surtout de son rendement (3,30%) et de la taxation réduite qui lui y était appliquée, 15% de précompte mobilier au lieu des 30% habituels, ce qui portait le rendement net du produit à 2,81%.

Manque de concurrence

Ce bon d’Etat, émis par l’Agence fédérale de la dette, qui veille à ce que la Belgique puisse emprunter à des conditions aussi avantageuses que possible et que le Trésor ne manque pas de liquidités, avait été lancé à l’initiative du ministre des Finances, Vincent Van Peteghem (CD&V), alors que la question de la rémunération de l’épargnant était au cœur de nombreux débats. Les banques, en effet, rechignaient à augmenter les taux d’intérêt sur les comptes d’épargne, malgré la hausse des taux décidée par la Banque centrale européenne (BCE), et n’offraient un taux d’intérêt total que de 0,90% (0,45% de taux de base et 0,45% de prime de fidélité). Résultat, un succès gigantesque pour le bon d’Etat: 21,9 milliards d’euros ont été levés, soit 7% des 300 milliards d’euros qui dormaient sur les comptes d’épargne. BNP Paribas Fortis a vu plus de six milliards d’euros quitter ses livrets, KBC 5,7 milliards, Belfius 3,5 milliards et ING 2,7 milliards.

Profil de risque et horizon de placement

D’ici à quelques jours, le gouvernement versera l’argent investi assorti des intérêts sur les comptes des épargnants. Au total: 21,9 milliards d’investissement plus 615 millions d’euros d’intérêts, soit 22,5 milliards d’euros. Logiquement, les banques veulent récupérer cet argent et se mettent en ordre de bataille pour en obtenir la plus grande part possible (lire par ailleurs) .

Mais quelle est la manière la plus sage, pour l’épargnant, de réinvestir cette manne financière?

Pour répondre à la question, au moins deux critères doivent être pris en compte. Premièrement, déterminer un profil de risque. L’investisseur souhaite-t-il obtenir un rendement élevé et est-il prêt à prendre des risques? Ou opte-t-il pour la prudence et n’est pas prêt à perdre de l’argent? Deuxièmement, quel est l’horizon de placement envisagé? Combien de temps l’investisseur peut-il se passer de son argent? Un an ou plus de cinq ans? En fonction des réponses, différents produits financiers peuvent être envisagés.

4 milliards

sur les 22 levés en septembre 2023 devraient, au mieux, être investis dans le nouveau bon d’Etat émis le 5 septembre prochain.

Placement défensif

L’argent libéré prochainement provient du bon d’Etat, un placement défensif. L’épargnant connaissait le rendement et était assuré de récupérer sa mise après un an –le risque que la Belgique fasse faillite dans l’intervalle était quasiment inexistant.

Si l’idée est de maintenir une stratégie de placement défensive pour la somme récupérée le 4 septembre prochain, plusieurs possibilités sont d’emblée exclues. Les actions sont trop risquées à court terme et l’immobilier, en revanche, est un investissement à très long terme nécessitant une mobilisation importante de fonds. Opter pour le bitcoin ou d’autres cryptomonnaies est une solution risquée, eu égard à la volatilité des cours de ces monnaies virtuelles.

Alors quelles sont les principales options défensives qui s’offrent à l’épargnant?

Selon les spécialistes du marché, le rendement net du nouveau bon d’Etat ne devrait s’élever qu’à environ 2%.

Nouveau bon d’Etat

Non seulement les banques se battent pour les 22,5 milliards prochainement disponibles, mais le gouvernement entre également dans la danse en proposant un nouveau bon d’Etat. Les investisseurs privés pourront y souscrire à partir du 5 septembre. Le taux d’intérêt ne sera annoncé que le 3 septembre, mais il sera inférieur à celui de l’année dernière.

Le nouveau bon d’Etat ne bénéficiera plus non plus d’un précompte mobilier réduit, le taux habituel de 30% s’appliquera. Selon les spécialistes du marché, le rendement net ne devrait s’élever qu’à environ 2%. L’Agence fédérale de la dette n’espère récupérer que quatre milliards d’euros avec cette nouvelle émission, soit 15% des 22 milliards levés en septembre 2023. Si cet objectif est atteint, il restera encore 18 milliards du gâteau pour les autres options…

D’ici au 4 septembre, les banques proposeront probablement des taux encore plus élevés.

Compte d’épargne

Il est évidemment possible de redéposer ce cash sur un compte d’épargne auprès d’une banque et de récolter des intérêts: un taux de base majoré d’une prime de fidélité –si toutefois l’argent reste sur le compte pendant douze mois. Ensemble, ces deux éléments forment le taux d’intérêt total; il peut atteindre 1.020 euros par contribuable avant d’être fiscalement taxé. Au-delà de ce montant, un précompte mobilier de 15% sur les intérêts perçus est dû.

Quel taux d’intérêt offre aujourd’hui un compte d’épargne? Selon le site guide-epargne.be, référence en la matière, VDK offre un taux de base de 1,4% et 1,75% de prime de fidélité, soit un taux d’intérêt total de 3,15%. Bémol: l’épargne y est plafonnée à 500 euros par mois.

Quant aux grandes banques comme Belfius, KBC et BNP Paribas Fortis, elles rémunèrent désormais environ 0,90% d’intérêts sur un compte d’épargne classique. Seule ING donne davantage, principalement grâce à la prime de fidélité: 0,5% de taux de base et 1,75% de prime de fidélité, soit un taux d’intérêt total de 2,25%. Pour trouver un taux d’intérêt total supérieur à 2,5% sans limitation de dépôt, il faut se tourner vers des banques telles que Santander, Keytrade et MeDirect. Attention toutefois à bien lire les petites lignes des conditions et à vérifier la garantie de dépôt offerte. Les Etats membres de l’UE sont tenus d’assurer une protection de 100.000 euros par personne et par banque, au cas où une banque de leur pays ferait faillite.

D’ici au 4 septembre, les banques proposeront probablement des taux encore plus élevés mais elles attendent l’échéance avant d’abattre leurs cartes. A garder aussi à l’esprit: il est probable que la BCE abaissera ses taux d’intérêt deux fois cette année; logiquement, les banques réduisent alors également le taux de base sur les comptes d’épargne, la prime de fidélité reste fixe pour douze mois.

Compte à terme

Autre possibilité: placer son argent sur un compte à terme, c’est-à-dire un compte d’épargne sur lequel l’argent est immobilisé pour une durée déterminée variant de quelques mois à dix ans. Pendant cette période, aucun accès n’est possible au montant placé, contrairement au compte d’épargne ordinaire. Autre différence importante: sur un compte à terme, un précompte mobilier de 30% sur les intérêts est toujours perçu.

Quel taux d’intérêt offre un compte à terme? Les banques ne sont pas très claires à ce sujet, et la négociation avec le banquier peut jouer un rôle. Les clients les plus fortunés obtiennent généralement un meilleur taux que les autres…

Guide-epargne.be publie quelques taux connus des comptes à terme. Pour un compte à terme d’une durée d’un an, Izola Bank offre actuellement le taux brut le plus élevé: 3,35%, soit 2,345% après impôts. Le dépôt minimal s’élève à 500 euros. Deutsche Bank propose un taux brut de 3,01%, soit un rendement net de 2,107%, mais le dépôt minimal grimpe à 100.000 euros! Comme pour les comptes d’épargne, le régime de garantie des dépôts doit être vérifié. Parions, évidemment, que d’ici à début septembre, plusieurs banques proposeront des comptes à terme attractifs.

Bon de caisse

Le bon de caisse, autrefois un produit d’épargne «pour grand-mère», avait complètement disparu des radars ces dernières années. Mais il a regagné en popularité ces derniers mois, les banques le proposant comme alternative au bon d’Etat. Acheter un bon de caisse revient en fait à prêter de l’argent à une banque pour une durée déterminée. En retour, la banque verse des intérêts. A l’échéance, l’investisseur récupère sa mise plus les intérêts convenus.

Un bon de caisse peut avoir différentes durées, de un à quinze ans. La banque exige généralement un dépôt minimal et un précompte de 30% sur les bénéfices est dû. Actuellement, Belfius propose le bon de caisse d’un an le plus rémunérateur: 3% brut ou 2,10% net, selon guide-epargne.be. Le dépôt minimal y est de 250 euros.

Le bon de caisse, qui avait disparu des radars, a regagné en popularité ces derniers mois.

Assurance épargne

Les assureurs aussi espèrent capter une partie des 22,5 milliards bientôt libérés au travers de l’assurance épargne, et plus précisément des produits d’assurance branche 21. Ceux-ci présentent de nombreuses similitudes avec un compte d’épargne classique, mais aussi des différences importantes. La branche 21 est une assurance vie, l’investisseur paie donc des primes qu’il récupère à la fin du contrat. En attendant, l’assureur offre un taux d’intérêt garanti sur les montants versés. En outre, le souscripteur peut en principe participer aux bénéfices, qui sont fonction des résultats financiers de l’assureur et donc incertains.

Avec une assurance épargne, peu de risques: le capital est récupéré à la fin du contrat, plus les intérêts garantis et la participation aux bénéfices. Mais il faut tenir compte de divers frais que l’assureur facture, tels que les taxes sur les primes et les frais d’entrée qui peuvent être relativement élevés.

Quant au précompte mobilier, il s’élève à 30%, sauf si l’argent est laissé intact pendant au moins huit ans et un jour. Ce précompte mobilier n’est pas calculé sur le rendement réel obtenu, mais sur un rendement fictif de 4,75%, ce qui est assez élevé.

Quelques exemples recensés par guide-epargne.be: AG offre sur son produit AG Invest+ 3,5% de taux brut pour les deux premières années, puis 2,25%, Patronale (3,03%), Credimo (2,75%), Athora (2,70%) et KBC (2,50%) garantissent également plus de 2% de taux brut. Il est probable que de nouvelles assurances épargne seront mises sur le marché dans les jours à venir.

Tous les produits financiers défensifs avec une durée d’un an font en réalité perdre environ 1% de valeur, même intérêts inclus.

Conclusion

L’épargnant qui souhaite investir de manière défensive et pour une durée d’un an peut espérer un rendement net de 2% à 2,5%, selon le produit financier choisi, la différence de rendement entre les produits financiers n’est donc pas très grande. Mais attention à l’inflation, estimée à 3,2% pour 2024. Pour remplir un charriot de supermarché de 100 euros en début d’année, il faudra payer 103,2 euros à la fin de celle-ci. Bref, si le produit choisi rapporte moins que ces 3,2%, c’est une perte de pouvoir d’achat. En conclusion, tous les produits financiers défensifs avec une durée d’un an font en réalité perdre environ 1% de valeur, même intérêts inclus. Cent mille euros investis aujourd’hui ne vaudront donc plus que 99.000 euros, rendement inclus, après un an. Aux calculettes!

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