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La vraie offensive des banques pour capter l’argent du bon d’Etat va débuter: «C’est un mythe éphémère»

Noé Spies
Noé Spies Journaliste au Vif

La multiplication des offres bancaires pour capter l’argent du bon d’Etat connaîtra un dernier pic, en last minute. Si les banques ont rarement été aussi actives pour séduire les clients, les offres proposées restent éphémères, et manquent parfois de transparence.

4 septembre 2024: la date est cochée en rouge dans tous les calendriers bancaires. Pour les banques et leurs clients, ce n’est pas la rentrée des classes, mais bien la sortie du bon d’Etat, dont les 22 milliards (et leurs intérêts) seront libérés dans la petite plaine de jeux financière belge. Un sacré enjeu pour les institutions, qui auront à cœur de rapatrier une partie du pactole sous leur toit, mais aussi pour l’Etat, qui proposera à nouveau une offre similaire dans la foulée.

Alors la bataille commence. En réalité, elle a déjà débuté depuis le printemps, qui a vu fleurir, chez les banques, des produits à court terme (bons de caisse, comptes à terme) aux conditions intéressantes… mais pas toujours très transparentes. Les assureurs, eux aussi, ont rejoint les enchères pour tenter de repartir avec une part du gâteau. Le combat se joue à trois, voire à quatre, si l’on considère les fintechs -ces banques en ligne aux propositions de plus en plus concrètes-, comme acteur à part entière.

Banques: des offres last minute

Pourtant, le climax de ce nouvel épisode devrait se produire juste avant le générique de fin. «Les banques attendent la dernière minute», confie Brecht Coene, responsable du site comparatif guide-épargne, à De Morgen. En misant sur des offres attrayantes la veille, voire le jour-même de l’émission du nouveau bon d’Etat (le 5 septembre), les institutions privées se gardent le privilège de proposer un taux très légèrement supérieur à l’offre étatique. En last minute, elles évitent également de dévoiler leurs cartes trop tôt, au risque de se faire doubler par un concurrent.

«Les banques vont sans doute adapter leurs offres jusqu’au dernier moment, afin de proposer autant, voire légèrement plus que le bon d’Etat, analyse Nicolas Claeys, expert financier chez Testachats. C’est d’ailleurs la seule fois où elles le feront à ce point, car les autres bons d’Etat ont connu moins de succès, poursuit-il. Cette concurrence -qui relève d’un mythe, puisqu’elle concerne certains produits ciblés, et pas l’ensemble de la gamme- est donc éphémère

Les banques au téléphone

Pour préparer le terrain, les démarches commerciales se multiplient. Actuellement, plusieurs institutions appellent leurs clients (en priorité ceux qui ont souscrit le bon d’Etat) pour leur faire part des offres actuelles et futures, dont les taux ne sont parfois pas encore connus.

«Quelque part, c’est une bonne nouvelle. Cela démontre que la concurrence entre les banques augmente, estime l’économiste Paul De Grauwe (London School of Economics). Le but initial de l’opération ‘bon d’Etat’ était de favoriser une hausse des taux, prolonge-t-il. Dans la mesure où l’on observe désormais des actions de ce genre, on peut dire que l’objectif a été réalisé».

Le constat enthousiasme peu Nicolas Claeys (Testachats), qui juge regrettable que ces offres soient très ciblées. «Le seul objectif est de s’assurer que cet argent ne reparte pas dans le futur bon d’Etat, ou ailleurs. Cela donne l’impression que les banques se battent pour leurs clients. Or, une analyse froide de la situation montre que les principaux comptes d’épargne des grandes banques (NDLR: là où la majeure partie de l’argent des Belges se trouve encore) proposent des rémunérations scandaleusement basses. Chez BNP Paribas, par exemple, le taux pour le compte d’épargne classique est de 0,75%, dont 0,25% est soumis à la prime de fidélité. Une offre très faible par rapport à ce que l’on observe ailleurs en Europe», compare-t-il.

Des offres à deux vitesses

Ainsi, le risque de voir se développer des offres à deux vitesses grandit. D’une part, les banques tentent des coups éphémères pour des produits à court terme, tels que les bons de caisse. D’autre part, elles augmentent très peu, voire diminuent, les taux sur les comptes où repose le plus d’argent, à savoir l’épargne. «Les banques veulent montrer qu’elles proposent des taux intéressants. Tout en minimisant leurs coûts. Si elles voulaient réellement proposer des conditions décentes pour l’ensemble de leurs clients, elles feraient davantage d’efforts sur les comptes d’épargne. Or, relever légèrement les taux de ces derniers est très coûteux, puisque des centaines de milliards s’y trouvent. Elles préfèrent donc se rendre attractives avec des produits spécifiques et à court terme.»

L’économiste Paul De Grauwe craint également de constater ce marché bancaire à deux vitesses, qui proposerait des produits à court terme attrayants, mais une épargne sur le long terme qui l’est beaucoup moins. «Tout reposera sur l’évolution future des taux directeurs de la Banque centrale européenne (BCE). Si elle continue à diminuer les taux, la tendance à la hausse actuelle sera avortée.»

«Une complexité abusive»

Pour certains produits, les banques mettent en avant des taux attractifs (3,5%, parfois 4% net), mais souvent très conditionnés (frais, mécanismes compliqués, part importante de la prime de fidélité). «Parfois, les formules proposées sont d’une complexité sans nom. Tout cela manque de transparence pour le client», pointe Nicolas Claeys.

La banque ING, par exemple, proposait jusqu’à ce 20 août une promotion pour laquelle les clients reçoivent un bonus de 0,2% brut sur le taux d’intérêt final… sans encore préciser ce dernier. «Ce sont des pratiques discutables, critique Paul De Grauwe. La transparence de l’offre bancaire est primordiale. Or, cet élément fait défaut aux banques belges depuis des années. Pour le client, il demeure très complexe d’y voir clair entre les différents produits.»

A partir du moment où une banque propose des bons taux, pourquoi aurait-elle besoin de complexifier ses offres?, s’interroge pour sa part Nicolas Claeys. «Une entreprise transparente ne devrait pas avoir besoin de faire ce genre de démarches. Cela relève juste d’astuces marketing pour capter le client.»

D’après le spécialiste, le mécanisme en cours ramènera une grande partie de l’argent dans les banques, qui déborderont à nouveau d’épargne et ne seront plus incitées à faire d’efforts pour augmenter les taux. «L’intérêt collectif serait de maintenir cet argent hors des grandes banques -chez des banques challenger, ou d’autres produits-, pour maintenir la pression et faire en sorte que les institutions soient forcées à mieux rémunérer l’épargne. Mais ce n’est pas ce qui est en train de se dessiner. Car la facilité est de réinvestir dans sa propre banque. La concurrence reste larvée», résume l’expert de Testachats.

Pour la réveiller, l’Association de défense des consommateurs réclame plusieurs mesures. «Supprimer la prime de fidélité sur le compte d’épargne serait un bon début. Tout comme simplifier la fiscalité de l’épargne et ne pas réserver l’avantage fiscal au seul compte d’épargne, mais à l’ensemble des produits. Enfin, la portabilité du numéro de compte (NDRL: pouvoir changer de compte bancaire sans devoir modifier son numéro de compte) faciliterait la mobilité bancaire.»

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