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L’or, l’investissement pépite du moment? Deux économistes dévoilent ses avantages et ses inconvénients

Noé Spies
Noé Spies Journaliste au Vif

L’or continue à se démarquer en bourse. Son cours a brillé en 2024, et semble poursuivre sa tendance haussière en 2025. Un investissement devenu incontournable? Dans le contexte géopolitique actuel, miser sur le métal précieux comporte des avantages indéniables, mais aussi un revers de la médaille…

L’or, investissement bling-bling ou valeur refuge à cadenasser dans son coffre-fort? L’année 2024 a vu le cours de l’actif doré monter en flèche. Une tendance haussière qui se poursuit en 2025. Mais l’or, de par nature, engendre souvent mythes, fascinations et fausses informations. Dans l’imaginaire collectif, il campe toujours sur la première place du podium… souvent à tort.

Mais depuis début 2024, «l’or est clairement un bon investissement», juge Anh Nguyen, professeur en finance (UCLouvain) et gestionnaire de fonds (Nagelmackers). Sa valeur boursière actuelle oscille autour des 2.950 dollars. Début 2025, il pointait à 2.600 dollars. Ce qui signifie une hausse de l’ordre de 10%, uniquement depuis le début de cette année. «Sur un an, l’or a pris 50% de valeur en euros. C’est une hausse très forte», remarque l’expert.

Valeur de l’or en augmentation: l’action des banques centrales

Plusieurs raisons expliquent cette percée. La principale vient des banques centrales qui, ces dernières années, ont fortement redirigé leurs achats vers l’or. De cette manière, elles constituent des réserves de change. Une sorte de réserve stratégique qui se différencie de la devise nationale. «L’or fait partie de la diversification des avoirs des banques centrales», indique Bernard Keppenne, Chief Economist chez CBC.

Historiquement, les banques centrales ont pourtant sous-investi dans l’or. La tendance s’est désormais inversée, et, depuis deux bonnes années, elles investissent massivement dans le métal jaune.

La Chine, par exemple, a acquis plus d’or qu’elle ne comptait en acheter au départ. Au regard des sanctions prises par les Européens et les Américains à l’encontre de la Russie, d’autres pays (notamment d’Europe de l’est) se sont rendu compte que l’or les protégeait en cas de choc économique. «Il se trouve physiquement dans les coffres des banques centrales nationales et n’est pas impacté par les mesures de rétorsion en cas de conflit», relève Bernard Keppenne.

La dynamique initiée par les banques centrales, inhérente à l’instabilité géopolitique mondiale, se chiffre très clairement. En 2022-2023, environ 1.000 tonnes d’or ont été achetées par les institutions nationales. «En 2024, on monte déjà à 700 tonnes sur les trois premiers trimestres, mesure Anh Nguyen. Les banques centrales achètent de l’or en vendant du dollar. C’est une bonne façon, pour elles, de diversifier leurs réserves.»

L’or et l’effet Trump

Ce n’est pas tout: le retour au pouvoir d’un certain Donald Trump déclenche une véritable ruée vers l’or chez les Américains, qui redoutent que le matériau soit désormais impacté par de nouvelles taxes douanières à l’importation, chères au président américain. Alors, on fait ses provisions avant qu’il ne soit trop tard… «Beaucoup de particuliers et de banques américaines sont en train de rapatrier de l’or en grande quantité. En ce moment, on constate que des tonnes d’or physique, donc sont déplacées du Royaume-Uni vers les Etats-Unis par bateaux, explique le professeur de finance. Le retour de Trump augmente l’incertitude et la potentielle volatilité des marchés, ce qui pousse les investisseurs à se tourner davantage encore vers l’or, dont la qualité première reste la protection.»

Aux Etats-Unis, l’or physique est principalement stocké dans le Fort Knox, base militaire située au Kentucky. Celle-ci détient 274 milliards de dollars de lingots d’or. En Europe, une réserve stratégique se situe à Londres.

Or: le contexte de baisse des taux

Le contexte géopolitique n’est pas le seul facteur qui explique la hausse de l’or. La conjoncture actuelle de baisse des taux d’intérêt la BCE a abaissé ses taux à plusieurs reprises incite aussi les investisseurs à se repositionner sur l’or. Pourtant, les observateurs ont souvent tendance à dire que «l’actif ne rapporte rien». Dans le sens où conserver un lingot d’or ne va pas fournir des revenus. Contrairement à l’obligation, qui va générer de l’intérêt, et l’action, qui donnera du dividende. «Mais lorsque les taux baissent, l’or, qui ne donne « rien », devient plus attractif. Son intérêt relatif augmente, souligne Anh Nguyen. On constate un mouvement de sortie des marchés obligataires vers l’or.»

Lorsque les taux baissent, l’or, qui ne donne «rien», devient plus attractif. Son intérêt relatif augmente.

Anh Nguyen

UCLouvain

A quoi s’attendre en 2025?

A quoi faut-il s’attendre pour l’or en 2025? Depuis le début d’année, la tendance à la hausse se révèle toujours claire mais plus limitée, pour trois raisons: on a connu deux années de suite avec des très fortes hausses des cours (1); le seuil psychologique des 3.000 dollars est compliqué à franchir, ce qui réduit un peu la perspective de hausse (2); le risque d’incertitude géopolitique en Ukraine, s’il diminue en cas de cessez-le-feu, pourrait affaiblir le soutien sur l’or (3).

L’option dorée reste donc un actif financier comme un autre. «Ce n’est absolument pas l’investissement miracle. Pendant 10-15 ans, l’or n’a pratiquement pas bougé, il a même été fortement corrigé, et les investisseurs ont même réalisé des moins-values, rappelle Bernard Keppenne. C’est un actif qu’il est intéressant d’avoir dans son portefeuille, mais de façon limitée.»

Quelle proportion de son portefeuille faut-il consacrer à l’or?

L’or physique peut en outre déboucher sur une série de contraintes pratico-pratiques: il faut pouvoir le négocier et le stocker, ce qui engendre des frais supplémentaires. L’économiste conseille dès lors «de réserver 3 à 4% de son portefeuille d’investissement à l’or, mais jamais plus.»

Quant au type d’investissement, Anh Nguyen suggère de se diriger vers de l’or papier (ETF), semblable à une action, qu’on peut facilement acheter via sa plateforme boursière. «Il faut s’assurer que cet ETF propose de l’or physique, qui renforce l’investissement. Cette option a l’avantage d’être assez limpide: on peut acheter et revendre facilement. Une flexibilité qui est plus complexe avec l’or physique», compare Anh Nguyen.  

La troisième possibilité réside dans l’achat d’actions minières. «On parle alors d’un investissement indirect et plus risqué, car ces sociétés peuvent avoir leurs propres problèmes… et leurs cours peuvent se différencier du cours de l’or.»

On peut réserver 3 à 4% de son portefeuille d’investissement à l’or, mais jamais plus.

Bernard Keppenne

CBC

Bref, l’or n’est pas l’actif qui va donner le plus de rendement direct sur le long terme. Il protège surtout de l’inflation. Sur une petite dizaine d’années, le rendement moyen du métal noble est de l’ordre de 5 à 6%. «L’or ne produit pas de revenu, c’est son gros problème. Il est utile en fond de portefeuille, en guise de matelas de sécurité. Il permet de pouvoir convertir son épargne en cash, sans devoir vendre des actions qui, elles, dans les moments difficiles, perdent en valeur», résume Anh Nguyen.

Quant à savoir si l’or va dépasser le seuil psychologique des 3.000 dollars de valeur? «Difficile à dire. Certains analystes estiment que l’or peut monter jusqu’à 3.200. Sa valeur intrinsèque et historique, ajustée par rapport à l’inflation, équivaut environ à 2.800 dollars. Voir l’or atteindre les 4.000 ou 5.000 de valeur paraît improbable.»  Pas de paillettes aux yeux, donc…

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