Investir dans un bon d’Etat, ce n’est pas forcément bon pour le pouvoir d’achat…
Dans un contexte où l’inflation demeure conséquente, la somme placée (et immobilisée) en vaut-elle la chandelle? Trois questions à Anh Nguyen, maître de conférences à la Louvain School of Management.
Vu l’inflation, investir dans le bon d’Etat ou un produit financier équivalent permet-il de gagner du pouvoir d’achat?
L’inflation reste élevée en Belgique, environ 3,7%. Les personnes qui ont placé de l’argent dans les bons d’Etat, dont l’intérêt net s’élève à 2,81%, perdent donc finalement, à la grosse louche, 1% de pouvoir d’achat. Certes, l’inflation a bien diminué comparé à il y a deux ans, où elle s’affichait à 7% ou 8%. Mais les chiffres sont là, il y a une perte du pouvoir d’achat. Voilà pour le passé. Quid du futur, suite à l’émission d’un nouveau bon d’Etat? Ce qui est sûr, c’est que les conditions seront moins favorables que pour l’émission de septembre 2023. Le précompte ne sera pas réduit, la taxation se chiffera donc à 30%. Pour espérer gagner du pouvoir d’achat, il faudrait que l’inflation baisse très fortement. Je pense donc que le futur bon d’Etat à un an n’épongera pas une perte de pouvoir d’achat. Sauf à vivre une grosse récession et un décrochage des prix.
A-t-on atteint un «plafond» d’investissements dans les bons d’Etat et autres produits similaires?
Souvenons-nous qu’un autre bon d’Etat avait été émis voici quelques mois, sans rencontrer le succès du premier (NDLR: un peu moins d’un demi-milliard d’euros contre 22 milliards en 2023). Or, l’épargne des Belges reste énorme (NDLR: entre 250 et 300 milliards d’euros). Certes, 22 milliards ont été sortis des comptes d’épargne l’an dernier, mais ensuite le succès fut mitigé. Et puis, l’effet «waouh» dû à l’attrait fiscal s’est émoussé. Le Belge aime payer moins d’impôts; si l’attrait fiscal est supprimé, l’opération est moins séduisante… De ce fait, un certain plafond a sans doute été atteint.
«Il faudrait que l’inflation baisse fortement pour espérer un réel gain.»
Selon vous, la future réforme fiscale tiendra-t-elle compte de ce qui se passera début septembre suite à l’émission d’un nouveau bon d’Etat et la mise sur le marché de nouveaux produits par les banques et les assureurs?
Si on regarde un peu en arrière, le bon d’Etat avait été proposé par le ministre Vincent Van Peteghem (CD&V) parce qu’il avait raté sa réforme fiscale. Ce qui a braqué la lumière sur le SPF Finances, mais aussi sur l’épargne des Belges. On s’est souvenu qu’il existait une petite niche fiscale pour les intérêts perçus sur les comptes d’épargne (NDLR: exonérés d’impôt jusqu’à 1.020 euros). Sera-ce un enjeu des négociations? On peut se poser la question… A mon humble avis, je ne suis pas sûr que ça pèsera lourd comparé à la taxation sur les plus-values, celle de l’immobilier, ou la diminution de la pression fiscale sur le travail. Je n’ai pas l’impression que c’est une priorité, mais je peux me tromper.
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