Les Belges paieront-ils bientôt moins cher pour renégocier à la baisse le taux de leur crédit hypothécaire?
Un projet de loi examiné à la Chambre propose de supprimer les frais liés au refinancement d’un crédit hypothécaire. Mais il pourrait dissuader les banques d’accepter à l’avenir de tels dossiers, avertit Febelfin.
Les Belges paieront-ils bientôt moins cher pour renégocier à la baisse le taux de leur crédit hypothécaire? C’est en tout cas ce qui se loge dans un projet de loi «fourre-tout» porté par le ministre de l’Economie, Pierre-Yves Dermagne (PS), et soumis à la Chambre la semaine passée. Déjà adopté en deuxième lecture, le texte «portant dispositions diverses en matière d’économie» prévoit d’obliger les banques à accorder un refinancement de crédit hypothécaire par l’entremise d’un simple avenant, et non d’un nouveau contrat. «Cela signifie que l’emprunteur devra payer beaucoup moins de frais, indique le ministre au Vif. Le coût d’un avenant est deux fois moins élevé que la demande d’un nouveau contrat.» Ce dernier cas de figure implique en effet de payer à la banque des frais de dossier et ce que l’on appelle une indemnité de remploi, équivalant à trois mois d’intérêts. «Il s’agit d’une mesure importante à l’heure où les taux d’intérêt des crédits baissent et où les consommateurs veulent faire jouer la concurrence», ajoute Pierre-Yves Dermagne.
L’écrasante majorité des crédits hypothécaires à taux fixe
Pour financer un achat immobilier, plus de 90% des Belges optent pour un crédit hypothécaire à taux fixe, ressort-il des chiffres d’Eurostat. Une constante depuis près de vingt ans, hormis durant les trois années qui ont suivi la crise financière de 2008, durant lesquelles la proportion des taux fixes a chuté jusqu’à 42%. Malgré l’envolée des taux en 2023, la proportion de crédits hypothécaires à taux variable n’a jamais dépassé 10% du total l’année dernière en Belgique. En février dernier, elle ne s’élevait d’ailleurs qu’à 6%, plaçant la Belgique en troisième position des pays de l’UE les moins friands de taux variables, derrière la France (4%) et la Croatie (5%). A titre de comparaison, ceux-ci concernent 13% des contrats en Allemagne, 19% aux Pays-Bas, 43% au Luxembourg et même 96% en Finlande et en Estonie.
Quand les taux d’intérêt diminuent à nouveau, les Belges ont donc tout intérêt à renégocier le taux de leur crédit hypothécaire auprès de leur banque (on parle alors de refinancement interne) ou d’une autre, en optant pour un remboursement du crédit par anticipation et moyennant un nouveau passage chez le notaire (refinancement externe). Chaque année, plusieurs milliers de ménages s’engagent dans l’une de ces deux voies, comme le confirment les chiffres partiels de l’Union professionnelle du crédit (voir le graphique ci-dessous). «Le prêteur n’est pas tenu de répondre positivement à une demande de refinancement interne, explique la Fédération belge du secteur financier (Febelfin), dans un communiqué publié ce 30 avril. Dans la pratique, cependant, nous constatons que de telles demandes affluent lorsque les taux d’intérêt sont à la baisse.»
Une mesure «absolument déraisonnable»
D’après Febelfin, l’indemnité qui est demandée actuellement par les banques belges pour un refinancement serait «la plus avantageuse pour le consommateur en Europe. [Elle] ne couvre que partiellement le préjudice causé par la rupture du contrat en cours. En effet, les prêteurs doivent se financer à long terme et se prémunir contre ces risques de baisse des taux d’intérêt sans avoir la possibilité de rompre leurs engagements.» Bref, les modalités des refinancements à la Belge offriraient déjà une bonne protection du pouvoir d’achat des emprunteurs, inégalée ailleurs en Europe.
Pour la fédération du secteur bancaire, le projet de loi examiné à la Chambre serait donc «absolument déraisonnable», puisqu’elle estime que «les prêteurs subissent bel et bien un préjudice en cas de révision du taux d’intérêt». Mais elle souligne surtout un potentiel effet pervers, dans le sens où la réduction des frais liés au refinancement d’un crédit pourrait, à l’avenir, dissuader les banques de répondre favorablement à de telles demandes.
«Ces frais de dossier injustifiés sont un frein à la concurrence qu’il convient de lever, n’en déplaise au secteur.»
Pierre-Yves Dermagne
Ministre de l’Economie
Est-ce un coup de bluff du secteur, pour préserver un système actuel plus favorable, ou un vrai risque pour l’emprunteur? «Malgré ce que Febelfin tente de faire croire, les banques continueront à avoir tout intérêt à offrir des meilleurs taux à leurs clients et à faire jouer la concurrence, rétorque Pierre-Yves Dermagne. On sait que le citoyen n’hésitera pas à chercher le taux le plus bas possible. Ces frais de dossier injustifiés sont un frein à la concurrence qu’il convient de lever, n’en déplaise au secteur.» De façon plus surprenante, l’argumentaire de Febelfin se voit déforcé par certaines banques. «Le fait de supprimer ou non l’indemnité de remploi n’aura aucun impact sur l’acceptation ou le refus de la demande de refinancement», indiquait par exemple Belfius à L’Echo, en mars dernier. De son côté, ING précise au Vif soutenir la position de Febelfin, mais ne souhaite pas commenter l’éventuel impact commercial à son échelle, vu qu’il s’agit d’un changement de politique affectant tout le secteur.
Outre la renégociation du taux d’intérêt, l’obligation de passer par un avenant, telle qu’évoquée dans le projet de loi, concerne également les demandes de révision de la durée d’un contrat. En revanche, elle ne s’applique pas aux suspensions temporaires de remboursement des intérêts, ni aux modifications du montant du prêt. Dans ces derniers cas de figure, il faudra toujours passer par un nouveau contrat de crédit.
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