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Familles recomposées : astuces et conseils pour gérer au mieux la succession

Mathieu Colinet Journaliste

Le Code civil et les règles fiscales font désormais une place aux familles recomposées. Elles peuvent dès lors y trouver des solutions pour organiser leur transmission.

Entre 15% et 20% des familles seraient aujourd’hui «recomposées». Ce n’est pas rien. Leur forme, leur composition et leur réalité peuvent varier fortement. Il n’en reste pas moins qu’elles seront confrontées un jour aux délicates questions liées à la succession.

On le sait: en la matière, mieux vaut anticiper et procéder par planification successorale. C’est d’autant plus vrai dans le cas d’une famille recomposée. Du moins si on souhaite protéger son partenaire ou son conjoint, éviter des situations d’indivision malheureuses ou penser à des beaux-enfants avec lesquels on aurait tissé une relation privilégiée. Et ce, pour une raison simple: le régime «de base» – qu’on appelle la dévolution légale – n’a pas ces accents-là.

«La législation a évolué ces dernières années, avec plusieurs réformes successives, mentionne Ariane Joris, responsable du département Estate Planning chez Degroof Petercam. Il n’en reste pas moins qu’à certains égards, elle reste influencée par l’idée qu’une famille, ce sont des époux mariés qui ont eu des enfants ensemble. Si l’on veut en sortir, il est important de se diriger vers les solutions qui existent désormais à côté de la dévolution légale, et donc d’organiser sa succession.» Sylvain Bavier, notaire à La Louvière et porte-parole de la Fédération des notaires de Belgique, ne dit pas autre chose: «Contrairement à ce que certaines familles pensent parfois, il n’y a pas d’automatismes en la matière. Il faut donc se renseigner sur ce que la loi prévoit et juger si cela peut convenir à sa situation personnelle.» C’est aussi l’avis de Julien Limet, avocat au cabinet Tetra Law: «En substance, deux grandes options se présentent aux familles: soit s’accommoder de la dévolution légale, soit faire du sur mesure. Si l’on choisit la seconde option, il est nécessaire de planifier minutieusement sa succession.»

On ne peut pas tout faire, évidemment. Mais la législation offre aujourd’hui de nombreuses options.

Les trois spécialistes peuvent en témoigner: dans leur pratique quotidienne, ils rencontrent régulièrement des familles recomposées qui cherchent à protéger davantage des enfants, à donner plus de place à un conjoint dans une succession, à trouver un équilibre entre les uns et les autres ou, autre cas de figure encore, à léguer quelque chose à des beaux-enfants. Le tout, de nouveau, «en décalage» par rapport à ce que prévoit la dévolution légale.

Les bases de la dévolution légale

Que prévoit-elle précisément? La dévolution légale fonctionne sur deux droits essentiels: l’usufruit et la nue-propriété. Dans les familles où les conjoints sont mariés, le conjoint survivant a droit à l’usufruit sur l’ensemble de la succession, laquelle se compose des biens et des actifs propres du défunt mais aussi de sa part dans le patrimoine commun (régime de communauté de biens) ou dans l’indivision (régime de séparation de biens). Les enfants, eux, ont droit à la nue-propriété sur cette même succession lorsqu’ils interviennent «en concours» avec le conjoint survivant.

«Il existe également un droit d’usufruit dans le cas d’une cohabitation légale, précise Ariane Joris. Mais celui-ci est limité à l’habitation familiale. En revanche, dans le cas d’une cohabitation de fait, le partenaire, en l’état, n’hérite de rien, absolument rien. Et cela, trop de gens l’ignorent encore.»

On le devine aisément: les rapports entre usufruit et nue-propriété ne sont pas toujours simples. En particulier dans le cas de familles recomposées, entre des conjoints survivants et des beaux-enfants qui n’ont parfois jamais vécu ensemble, se connaissent à peine ou ne s’apprécient guère. Si la législation prévoit la possibilité de «convertir» l’usufruit après un décès, beaucoup de familles préfèrent anticiper et organiser leur succession en ajoutant alors des clauses (Valkeniers, «de choix»…) au contrat de mariage ou en procédant par donation ou testament.

«Au-delà de la volonté d’opérer des rééquilibrages en faveur d’untel ou untel, celle d’éviter des tensions est souvent présente dans l’esprit des personnes qui nous consultent, témoigne Julien Limet. Nous leur conseillons d’ailleurs de profiter de cette réflexion pour aborder le sujet au sein de la famille afin d’éclairer tout le monde sur la planification à mettre en œuvre pour éviter, dès aujourd’hui, les frustrations de demain.»

La clause Valkeniers, du changement pour les familles recomposées

Le «catalogue» des possibilités est aujourd’hui beaucoup plus large qu’il ne l’était autrefois. «Via la clause Valkeniers, par exemple, on peut quasiment déshériter le conjoint survivant si l’on a des enfants d’un précédent lit en lui conférant uniquement un droit d’habitation de six mois sur le domicile familial à dater de l’ouverture de la succession et ce, en lieu et place de l’usufruit sur l’ensemble de la succession auquel il aurait normalement droit», précise Julien Limet.

A l’inverse, d’autres outils permettent de gratifier le conjoint survivant de certains biens, via le contrat de mariage, une donation ou un testament, pour ne citer que ces exemples.

«On ne peut pas tout faire, évidemment, tempère Sylvain Bavier. Mais on dispose aujourd’hui, selon moi, d’une amplitude suffisante dans la législation belge. Le caractère désormais intangible de la réserve légale, attribuée aux enfants et fixée à la moitié de la succession, la favorise puisqu’elle libère potentiellement une plus grande quotité disponible pour d’autres héritiers. Le fait que cette réserve ne s’exprime plus en nature mais en valeur y participe également. Ce qui signifie que les enfants ne peuvent plus faire valoir une créance sur les briques. A condition qu’un conjoint ait les moyens de rembourser, on peut donc très bien imaginer le favoriser en lui octroyant la maison familiale, par exemple au-delà de la part qui devrait normalement lui revenir.»

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