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Epargne: vous épargnez 250, 1.000 ou plus de 2.000 euros par mois? Comment toujours être gagnant

Noé Spies
Noé Spies Journaliste au Vif

La majorité des Belges ne parvient pas à mettre plus de 250 euros de côté par mois. Un constat largement partagé par les économistes. Bien utiliser son épargne en fonction de son apport mensuel n’est pas une formalité. Un exercice d’équilibriste entre profil de risque, horizon d’investissement et, bien sûr, capacité.

Seuls quatre Belges sur dix sont en capacité d’épargner plus de 250 euros par mois. Le constat peut paraître étonnant. Il est pourtant établi par une récente étude de la Santander Consumer Bank, qui a sondé les comportements d’épargne en Belgique. Pour plusieurs économistes, la statistique est tout à fait plausible.

Moins de 250 euros d’épargne par mois: comment l’expliquer?

«Plus de 20% de la population belge rencontrent un des trois critères de pauvreté et se trouvent donc en incapacité d’épargner, chiffre l’économiste Bruno Colmant (ULB et Académie Royale de Belgique). La précarité, elle, touche aisément 30% de la population.»

A ces pourcentages, il convient aussi d’ajouter les personnes qui ne souffrent ni de pauvreté, ni de précarité, mais dont le salaire suffit uniquement à combler les dépenses mensuelles. «Donc, oui, on peut dire que seuls 40% des Belges sont capables d’épargner», confirme l’économiste, qui cite aussi les 2,5 millions de personnes à la retraite en Belgique, «pour la plupart incapables de mettre de côté des gros montants».

L’Observatoire de la banque CBC fait part des mêmes proportions. «Ce chiffre de 250 euros n’est pas étonnant, complète Bernard Keppenne, Chief Economist. La majorité des Belges ne parvient pas à épargner de façon conséquente. C’est une réalité qui s’est aggravée ces dernières années. Les ménages font face à plusieurs problématiques, comme le taux d’emprunt hypothécaire élevé ou l’inflation.»

Epargne: d’abord un matelas de sécurité, mais lequel?

Pour débuter son processus d’épargne, il convient de se créer «un matelas de sécurité» financier. «Le montant de cette réserve fait toujours débat entre les économistes, rappelle Bernard Keppenne. On parlait d’abord de douze mois de salaire, avant de ramener ce chiffre à six mois. Tout dépend des besoins. Un couple de 25 ans ou de 60 ans n’encoure pas les mêmes risques à l’idée de devoir utiliser l’épargne.»

Pour Bruno Colmant, il faut toujours disposer de six mois à un an de dépenses mensuelles sur son compte d’épargne. «Si on perd son emploi, il faut être capable de vivre un an de manière plus ou moins autonome», exemplifie-t-il.

Pour l’expert en investissement Anh Nguyen (Nagelmackers, UCLouvain, UNamur), il convient de différencier les types d’épargne. Il y a d’abord celle qui sert à former ce matelas de sécurité, et «qu’il faut renouveler régulièrement en fonction des dépenses quotidiennes imprévues» (une chaudière qui tombe en panne peut vite coûter 2.000 euros). «Et puis il y a celle dont on n’a pas besoin et qu’on peut davantage risquer.»

Selon le spécialiste, chaque ménage devrait avoir trois à six mois de salaire en réserve. «Il faut donc d’abord épargner dans ce seul objectif. Lorsque que sa capacité d’épargne est faible, cet effort peut déjà prendre plusieurs mois, voire années. Pour y parvenir, le produit à privilégier est le compte d’épargne», conseille-t-il.

Epargne: que faire avec 250 euros par mois ou moins

Si l’on est en incapacité d’épargner plus de 250 euros par mois, «la seule solution réaliste est de placer ce montant sur un carnet d’épargne à bon rendement», indique Bruno Colmant. Pour l’économiste, on peut se permettre de prendre des risques uniquement dans la configuration où l’on n’a pas besoin de son épargne mensuelle. «Si votre frigo rend l’âme, et que vous ne pouvez épargner que 250 euros, alors vous aurez déjà besoin de trois mois d’épargne pour le remplacer», illustre-t-il.

Les dépenses quotidiennes imprévues peuvent ainsi faire fondre un réserve d’épargne très rapidement. «Ce qui est fondamentalement injuste, car on peut davantage risquer quand son capital est élevé. Le petit-épargnant est forcément pénalisé.»

L’épargne systématique

D’après le Chief Economist de CBC Bernard Keppenne, quel que soit le montant qui est mis de côté, un autre élément est fondamental: l’épargne systématique. «L’idée est d’investir chaque mois dans un ou plusieurs produit(s) financier(s). Cette technique comporte un double avantage: elle permet d’investir avec un petit montant, et de lisser votre introduction dans les marchés.» Ainsi, la pratique réduit les risques de réactions épidermiques liés à l’évolution des cours de Bourse.

«Ce qui compte, c’est la régularité et la discipline, abonde Anh Nguyen. A cet égard, travailler par domiciliation est une bonne technique.»

Le bon plan de l’épargne-pension

L’épargne est cruelle par définition, car elle dépend de son horizon de vie. «Un pensionné qui place 200 euros de côté par mois ne peut pas prendre trop de risques car il est en dépendance. A cet égard, l’épargne-pension est un système qui reste fiscalement avantageux», pointe Bruno Colmant.

Le spécialiste financier Anh Nguyen le rejoint. «L’épargne-pension est une bonne option car elle comporte plusieurs avantages et est déductible fiscalement.» Comme il s’agit d’épargne fiscale à long terme, il est ici intéressant de se diriger vers un fonds ‘actions’. «On peut se permettre de «fermer les yeux» sur le court terme, et au final, cela rapporte plus qu’une épargne-pension investie en obligations.»

Souscrire une épargne-pension «a vraiment du sens pour les jeunes, et autant commencer le plus tôt possible», conseille pour sa part Bernard Keppenne.

Au-delà de 1.000 euros

Pour les personnes dont la capacité d’épargne avoisine les 1.000 euros par mois, la porte du risque s’ouvre. Mais le matelas de sécurité doit être solide. Très solide, pour Bruno Colmant. «On peut investir en actions à partir du moment où l’on détient au moins entre 50.000 et 100.000 euros d’épargne. En-dessous de cette somme, l’argent devra potentiellement servir pour des dépenses nécessaires et parfois imprévisibles: voiture, divorce, immobilier,… En revanche, les obligations représentent moins de risques.»

«Si vous êtes capable de « tout perdre » sur une action, si votre profil de risque est capable de l’accepter (car le risque est que sa valeur soit ramenée à zéro), vous pouvez le faire. Si cela se fait au détriment de votre pouvoir d’achat, alors c’est problématique», résume Bernard Keppenne.

Plus la capacité d’épargne est élevée, plus il est envisageable d’investir dans des fonds d’actions ou des obligations plus ciblés. «On rentre alors dans un « jeu » plus direct, décrit Anh Nguyen. Une pratique plus délicate comparée à l’achat d’un panier de 500 actions. En agissant individuellement, il faut être un bon analyste, ou avoir de la chance. Passer dans cette case-là signifie investir de l’argent dont on n’a pas besoin. Il faut cependant toujours penser à bien diversifier son portefeuille.»

De 2.000 à 3.000 euros d’épargne par mois

Quand on dispose d’une grosse épargne mensuelle, au-delà de 2.000 euros, on peut alors se permettre de viser des actifs plus tangibles, comme l’or ou… l’immobilier. «Dans ce cas de figure, il est intéressant d’acheter des appartements, des colocations ou des garages qu’on peut ensuite faire louer pour obtenir du rendement. C’est une catégorie d’investissement qui nécessite une épargne très élevée.»

Si on dépasse les 3.000 euros d’épargne par mois, on peut alors opter pour des fonds d’investissement en entreprises privées cotées en Bourse (Nvidia, Google, Nestlé, Renault, etc.) ou celles qui ne le sont pas encore (comme des start-ups). «Cette dernière option est la plus risquée et requiert un gros renseignement en amont, voire un conseil financier individualisé», indique Anh Nguyen.

Plus que le montant, le profil de risque est la clé

Au-delà du montant, le profil de risque et l’horizon de placement (investir à 2 ans ou à 8 ans est totalement différent) de chacun est primordial. «Si j’ai 10.000 euros à investir, mais que j’ai un profil très défensif, je ne vais pas me positionner sur le marché des actions. Inversement, je pourrais avoir un montant de 1.000 euros à investir mais un profil très dynamique, qui me permettrait d’acheter plusieurs actions», compare Bernard Keppenne. Evidemment, la capacité à pouvoir «perdre» une partie de son capital sans mettre en péril sa bonne tenue financière est essentielle. «Tous ces éléments sont très personnels et doivent être déterminés avec son conseiller».

Casser l’immobilisme et combattre l’inflation

Si la capacité d’épargne du Belge a tendance à se réduire, son comportement reste tout aussi problématique. «Les Belges sont extrêmement statiques dans leur façon de gérer leur argent, concède Bernard Keppenne. On constate une inertie liée au placement financier. L’investissement systématique est une bonne approche pour répondre à cette inertie.»

Souvent, les personnes qui ont des moyens accordent trop de crédit à leur compte d’épargne. «Un trop grand nombre de personnes continuent à remplir ce matelas de sécurité qu’ils ont déjà largement renforcé. Il y a une certaine peur de manquer d’argent, mais aussi un manque de connaissances financières, observe Anh Nguyen. Le compte d’épargne est un produit rassurant, mais au rendement faible. Et qui ne réalise pas toujours son objectif initial, à savoir combattre l’inflation.»

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