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Les incendies dans la région de Los Angeles en Californie vont coûter des milliards de dollars aux assurances. © ZUMA Press

En quoi les incendies en Californie pourraient impacter le prix des assurances belges (analyse)

Thomas Bernard
Thomas Bernard Journaliste et éditeur multimédia au Vif

Les incendies destructeurs sévissant autour de Los Angeles mettent en lumière le rôle des assureurs. Mais aussi des risques qu’ils vont devoir supporter à cause du dérèglement climatique. Une menace qui continuera à faire grimper les tarifs des réassureurs, chez qui les sociétés d’assurance, belges notamment, peuvent transférer une partie des risques.

«Les assureurs pourront absorber les pertes» liées aux incendies dramatiques qui ravagent en ce moment la région de Los Angeles, en Californie. Cette déclaration rassurante émanait de l’agence de notation Standard & Poor’s (S&P), la semaine dernière, alors que les dégâts causés par le feu se chiffraient autour de dix à quinze milliards de dollars. La banque Wells Fargo a jeté un coup de froid sur l’affirmation depuis lors, gonflant l’estimation à 30 milliards de dollars, mettant en lumière le coût colossal de la catastrophe en terme de biens détruits.

Les feux qui ravagent notamment Pacific Palisades et Malibu, deux zones huppées de Los Angeles, ont détruit plusieurs milliers de bâtiments, en grande majorité des maisons valant en moyenne trois millions de dollars. Cela devrait faire de ces incendies les plus coûteux jamais survenus en Californie, estiment plusieurs experts chez JPMorgan et S&P, qui s’attendent à une hausse des primes dans une région déjà délaissée par de nombreux assureurs, car jugée trop risquée.

L’impact du sinistre pour le monde de l’assurance dépassera largement le cadre californien. Les risques financiers liés au changement climatique ne font que se renforcer partout sur la planète. Les catastrophes à un point du globe ont des conséquences en cascade, au niveau mondial, notamment via les réassureurs.

L’assurance des assurances

Ces grandes sociétés internationales sont «l’assurance des sociétés d’assurances». «Elles permettent de transférer une partie des risques supportés par une compagnie d’assurance. L’assureur se protège lui-même contre les risques trop importants qui pourraient mener à son insolvabilité. Tous les assureurs qui proposent des assurances habitation le font. Les réassureurs permettent de mutualiser et d’équilibrer les risques sur l’ensemble de la planète», explique Nevert Degirmenci, porte-parole chez Assuralia, la voix du secteur de l’assurance en Belgique.

Les incendies en Californie montrent l’importance du travail des assurances également en amont, avant le drame, pour tenter de prendre en compte les effets du dérèglement climatique dans leurs actions. © ZUMA Press

Ce système coûte évidemment aux assureurs et si les catastrophes augmentent, dans l’un des lieux pris en charge par le réassureur, ses primes augmenteront aussi. «Les années où il y a eu beaucoup de catastrophes naturelles à travers le monde, les tarifs s’élèvent forcément. Ils augmentent donc au fil des années, puisqu’il faut bien constater que ces événements sont désormais plus fréquents et plus intenses. Mais cela ne signifie pas automatiquement que les entreprises d’assurance vont directement répercuter les hausses des primes de réassurance auprès de leurs clients. Elles restent libres de les adapter. C’est un choix commercial», tempère la porte-parole d’Assuralia.

Pour les réassureurs, 2024 se classe au 3e rang des années les plus coûteuses depuis 1980, estime Munich Re, l’un des géants allemands du secteur de la réassurance. Celui-ci estime les dommages assurés autour de 140 milliards de dollars, proche de l’estimation de Swiss Re, autre leader mondial, à 135 milliards de dollars. Des montants auxquels il faut rajouter les pertes économiques liées aux catastrophes, qui multiplient ces chiffres par plus de deux.

Un système encore viable?

Avec l’intensification des phénomènes climatiques destructeurs, difficile de percevoir une possible diminution drastique des risques encourus. A court et moyen terme, les montants finaux à débourser pour assurer les assureurs ne devraient donc pas diminuer.

Le système de réassurance a-t-il vécu et reste-t-il supportable? Les assureurs peuvent difficilement faire sans, reconnaissent-ils. Ils cherchent tous à se diversifier, à diviser les risques, afin de pouvoir supporter le remboursement en cas de sinistre. «Le système est stable. Il permet d’absorber les risques et d’offrir une couverture aux assurés à des prix raisonnables, rassure Nevert Degirmenci. Pour la Belgique, il est temps par contre d’établir un vrai partenariat public-privé, pour répartir les indemnisations entre les assureurs et les pouvoirs publics. En matière de dégâts climatiques, il est difficile d’avoir une vue sur les montants et la Belgique, avec son plafond d’indemnisation, peut se retrouver dans une situation ingérable. C’est ce qui s’est produit lors des dramatiques inondations en juillet 2021, après lesquelles il a fallu nouer un protocole exceptionnel pour pouvoir indemniser davantage les sinistrés, en dépassant ce plafond.»

Il est temps d’établir un vrai partenariat public-privé, pour répartir les indemnisations entre les assureurs et les pouvoirs publics

Nevert Degirmenci

L’accord public-privé est également un souhait exprimé directement par les sociétés d’assurance. Ethias va même plus loin dans la réflexion, appelant à un «modèle de fusée à quatre étages» pour l’assurance: les assureurs, les réassureurs, les différents niveaux de pouvoirs publics belges et le niveau européen. «Au troisième étage, nous devrions imaginer la création d’une nouvelle caisse régionale de réassurance. Elle serait constituée à partir d’une petite partie prélevée sur toutes les primes, afin de pouvoir aider en cas de grandes catastrophes», détaille la porte-parole Albane Lairesse. Le dernier étage, au niveau européen, ferait partie d’une solidarité sur le continent, qui se voudrait plus solide et pérenne. Nouvelle manière de diviser les risques.

La Belgique prête en cas de catastrophe d’ampleur?

En Belgique, la couverture contre les risques de catastrophes naturelles se retrouve dans l’assurance habitation dite «incendie». Cette assurance, non obligatoire, est souscrite par environ neuf ménages sur dix, selon les données de la fédération des assureurs. Une couverture dont les primes ont effectivement augmenté ces dernières années. Mais elle a plutôt évolué selon l’indice ABEX, qui suit l’évolution des prix dans le secteur de la construction, et non en fonction de l’augmentation des primes de réassurance. Cet indice permet, en cas de sinistre, de calculer la valeur du bien à neuf, avec les tarifs actuels, et non le prix payé au moment de l’achat. Ce qui bénéficiera donc aussi à l’assuré, in fine.

Les risques d’inondation et de tempête font partie des plus fréquents en Belgique, détaillent plusieurs compagnies. Les assureurs jouent d’ailleurs un rôle d’information lors d’un évènement attendu et prévisible. «AG Insurance communique au maximum lors d’évènements importants, avec des suggestions de mesures de prévention de dernière minute qui peuvent encore être prises, explique Lars Vervoort, en charge de la communication de l’assureur. AG travaille également à l’amélioration structurelle des habitations à risques.»

Outre ces mesures, les assureurs ont compris leur rôle, et leur intérêt direct, dans la limitation des effets du dérèglement climatique. En soutenant des investissements plus vertueux, en limitant leurs propres rejets de CO2 et en encourageant les changements de comportement chez leurs assurés, ils participent à l’effort requis pour diminuer les impacts humains sur l’environnement et le climat. Donc, potentiellement, sur les dégâts causés par les bouleversements qui affectent le globe dans son ensemble. Des dommages pas seulement matériels, d’ailleurs.

Si les impacts économiques des catastrophes climatiques permettent froidement d’enregistrer les sommes perdues, elles ne disent évidemment rien de la catastrophe humaine qui se joue au même moment. La prévention s’est améliorée, notamment par la communication ou les évacuations préventives, permettant de sauver plus de vies. Ce qui n’a pas empêché le bilan humain des catastrophes naturelles en 2024 de rester lourd, avec quelque 11.000 personnes ayant perdu la vie.

Un chiffre qui rappelle que résumer la lutte contre le changement climatique à la préservation de la planète détourne probablement les regards du véritable objectif, qui sera toujours de sauver celles et ceux qui y vivent.

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