Crédits hypothécaires : « Ce mécanisme est incroyable et unique à la Belgique »
Les taux hypothécaires, très élevés (+ de 4%), ralentissent le marché immobilier. Les candidats-acquéreurs perdent leur capacité d’emprunt, alors que les vendeurs n’ont pas encore baissé leurs prix. Que faire en cas de volonté d’achat ? Attendre ? Opter pour un taux fixe ou variable ? Passage en revue des différents éléments avec l’économiste Philippe Ledent (ING).
Quel est le contexte actuel autour des taux hypothécaires ?
Les taux d’intérêt sont déterminés par l’environnement général des taux et par les primes de risque. Cela vaut pour un crédit hypothécaire, un crédit d’investissement, ou pour n’importe quel autre produit tel que des obligations, par exemple. Les crédits hypothécaires étant réalisés sur le long terme, il convient de se concentrer sur les taux longs.
Concernant l’environnement général des taux, on se réfère généralement au taux auquel l’Etat belge emprunte pour une durée de 10 ans. « On peut le considérer comme le taux étant sans risque en Belgique. Début 2022, il était à peu près de 0. Aujourd’hui, il est de 3%. Cela veut dire qu’il a augmenté de 300 points de base », indique l’économiste Philippe Ledent (ING).
Pourquoi les taux hypothécaires sont-ils élevés actuellement ?
La politique monétaire de la BCE a augmenté les taux -tous les taux sont liés les uns aux autres d’une manière ou d’une autre-. Cette augmentation est une réaction logique compte-tenu de l’inflation. Les marchés ont absorbé cette hausse, ce qui s’est traduit par la hausse de taux longs de 300 points de base.
Pour Philippe Ledent, le phénomène est limpide, mais il n’est pas neuf pour autant. « Cela fait un an que les taux sur les crédits hypothécaires ont commencé à se relever. L’essentiel du mouvement a finalement eu lieu l’année dernière. Sur les taux de marché, c’est aussi à ce moment-là qu’ils ont le plus progressé. Depuis, ces derniers se sont légèrement détendus. »
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Quelles conséquences pour le candidat-acheteur ?
Globalement, cette hausse des taux se traduit par une diminution de 10% du pouvoir d’achat du candidat-acheteur, estime Philippe Ledent. « Pour une mensualité inchangée, l’augmentation des taux fait qu’on peut moins emprunter. Cependant, il ne faut pas omettre que la plupart des revenus en Belgique ont aussi augmenté de 10%, du fait de l’indexation automatique des salaires. La capacité d’emprunt des ménages a été contrebalancée par cet élément », précise l’économiste.
Compte-tenu de l’indexation des salaires, la mensualité pourrait théoriquement augmenter de 10%. Mais elle ne compense pas entièrement l’augmentation des taux. Donc, le montant que peut emprunter un ménage aujourd’hui est fondamentalement plus bas qu’il y a un an.
Le nombre de crédits hypothécaires octroyé par les banques diminue-t-il ?
« La demande de crédits a fortement diminué », assure Philippe Ledent. Sur le marché hypothécaire, le nombre de transactions est en baisse depuis l’année dernière car les candidats-acquéreurs ont une capacité d’emprunt moindre, alors que les vendeurs n’ont pas directement baissé leurs prix. Conséquence, le marché se calme. En ce début d’année, on a à la fois une très forte diminution des transactions et des crédits. »
Selon l’économiste, la diminution des crédits n’est pas due au fait que les banques serrent la vis des conditions d’octroi. « C’est simplement lié au fait qu’avec un taux d’intérêt plus élevé, la mensualité est trop importante à règle constante. On voit une diminution de l’ordre de 40 à 45% de la production de crédits hypothécaires sur un an », chiffre-t-il. « Il ne faut pas le voir comme un robinet fermé de la banque. D’un côté les taux ont augmenté, et de l’autre on a un marché immobilier qui se calme parce que les vendeurs ne se sont pas encore adapté à la nouvelle réalité. »
Attendre ou ne pas attendre avant de réaliser un crédit ?
Philippe Ledent note deux phénomènes pour appréhender la question. « Un, les taux sur les marchés restent plus ou moins stables. Les taux sur les crédits hypothécaires réagissent toujours avec un peu de retard sur les taux de marché. Puisqu’on ne s’attend pas à ce que les taux de marché continuent de grimper, on ne s’attend pas non plus à ce que les taux sur les crédits continuent d’augmenter », déduit-il.
Deuxième élément : il ne faut pas s’attendre à ce que les taux reviennent au niveau qu’ils avaient en 2021. « Ils pourraient un peu se détendre sur les marchés, ce qui va mettre du temps à percoler. Celui ou celle qui espère que les taux reviennent à leur niveau d’il y a un an et demi risque d’attendre longtemps. Ça ne sert pas à grand-chose d’attendre », conseille Philippe Ledent. « D’autant plus, en Belgique, l’acquéreur a l’avantage de pouvoir renégocier son crédit. Donc, si jamais les taux rebaissent, il sera toujours temps de renégocier son prêt. »
Celui ou celle qui espère que les taux reviennent à leur niveau d’il y a un an et demi risque d’attendre longtemps.
Philippe Ledent
Par ailleurs, le candidat-acquéreur a plus de temps pour se décider avant d’acheter, car les biens ne partent pas aussi rapidement qu’il y a un an et demi. « Le vendeur a toujours un peu de mal à accepter la nouvelle réalité des taux plus élevés, et donc à abaisser son prix. On s’attend quand même à ce que le marché commence à se rééquilibrer. On ne serait pas étonné de voir les prix se tasser dans le courant de cette année », prédit l’économiste d’ING.
En résumé : en termes de taux, c’est le statut quo. Mais comme le marché ne s’est pas totalement adapté, il faut négocier son prix d’achat. « Le candidat-acquéreur a un peu plus de pouvoir de négociation aujourd’hui. Je conseille donc de ne pas attendre passivement, mais de chercher activement en ayant conscience de son pouvoir de négociation plus élevé. Car tous les candidats acquéreurs sont dans la même situation de taux élevés », glisse Philippe Ledent.
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Choisir son crédit avec un taux fixe ou variable ?
Pour Philippe Ledent, choisir un taux variable est globalement sécurisé. « Le risque de mauvaises surprises avec un taux variable est limité pour deux raisons. Primo, quand vous faites la simulation de crédit, la banque est obligée de vous montrer le pire scénario. Donc, le preneur de crédit devrait être au courant de ce dans quoi il s’engage. »
Secundo, l’économiste souligne « un mécanisme incroyable en Belgique, qu’on ne retrouve nulle part ailleurs, qui veut que le taux variable ne peut jamais plus que doubler par rapport au taux initial. C’est un avantage énorme par rapport à d’autres pays, où il n’y a pas de limite. Le régime des taux variables est ultra sécurisé en Belgique. Donc, normalement, en cas de mauvaise surprise, c’est qu’on n’a vraiment pas fait attention aux conditions. »
Par contre, compte-tenu du fait que les mouvements de taux sur les marchés ont été très brutaux, l’alignement de la mensualité a été brutale, elle aussi. « Par rapport à certaines périodes où on n’avait plutôt des augmentations progressives des taux, ici on a eu une augmentation très violente. Jamais dans son histoire la BCE n’a augmenté ses taux aussi rapidement que ces douze derniers mois », analyse Philippe Ledent.
Un mécanisme incroyable en Belgique, qu’on ne retrouve nulle part ailleurs, réside dans le fait que le taux variable ne peut jamais plus que doubler par rapport au taux initial.
Philippe Ledent
Pour l’expert, il n’y a pas de réponse unique pour trancher entre fixe et variable. « Beaucoup de formules existent, comme les fixes révisables après 5 ou 10 ans. Cela dépend de la situation de chacun. Le conseil qu’on peut donner, c’est 1. Comparer, et 2. Toujours bien vérifier ce scénario du pire, qui donne une idée de combien la mensualité pourrait augmenter au maximum. Normalement, la banque le présente clairement. »
« Après, c’est le choix de chacun, prolonge Philippe Ledent. Généralement, avec un taux variable, vous pourriez dans un premier temps avoir une mensualité plus faible, mais qui pourrait augmenter dans la futur. C’est à la personne de savoir si elle est preneuse de ce type de risques ou pas. »
« Dernière balise : aujourd’hui, le niveau général des taux –courts et longs-, est beaucoup plus élevé que ce qu’on a connu ces dix dernières années. Mais historiquement, on n’est pas à des niveaux extrêmement élevés. Cela signifie qu’opter pour un taux fixe continue à avoir du sens à l’heure actuelle. Un crédit hypothécaire à du 4%, cela reste un niveau tout à fait acceptable. Ce n’est pas parce que les taux ont augmenté que, forcément, le taux variable est plus intéressant », conclut-il.
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