Pourquoi le prix du chocolat explose en 2023 (infographie)
En 10 ans, le prix du chocolat en Belgique a augmenté de 35%, poussé vers le haut par le coût des matières premières et l’état dégradé des plantations de cacao en Afrique. Analyse avec l’économiste Bertrand Candelon (UCLouvain) et Jean-Louis Doucet, chercheur en sylviculture tropicale à Gembloux Agro Bio Tech (ULiège).
Le chocolat, bientôt un produit de luxe réservé aux plus riches ? Son prix explose en tout cas cette année, au vu de l’augmentation du coût des matières premières et du réchauffement climatique qui impacte les cultures de cacao.
En un an, le prix du sucre – matière première quasi incontournable à la production – en Belgique a bondi de 30%, d’après les derniers chiffres de Statbel, l’office belge de statistique. Les Belges, connus pour leur amour des tablettes, consommeraient en moyenne 6 kilos de chocolat par an. S’ils veulent continuer à déguster de la sorte, ils devront mettre la main au portefeuille. Sur les 10 dernières années, le prix du chocolat a grimpé de 35% chez nous (voir infographie ci-dessous). Une hausse qui se marque surtout les 6 derniers mois, période sur laquelle le chocolat a dépassé l’indice des prix à la consommation. Concrètement, cela signifie que le chocolat coûte plus cher que le reste des biens et services consommés chez nous.
Les chocolatiers belges contraints d’augmenter leurs prix
Les grandes enseignes chocolatières noir-jaune-rouge confirment la tendance. « Nos coûts de production globaux ont augmenté de manière significative en raison de la hausse des prix du transport, des matériaux d’emballage et de certains ingrédients », précise Mondelez International, qui gère notamment Côte d’Or et Milka. « Dans ce climat instable, nous sommes contraints de procéder à des augmentations de prix sélectives dans nos catégories, bien que les prix finaux affichés dans les supermarchés sont fixés par nos partenaires détaillants », indique encore l’entreprise.
« Nous sommes confrontés à des augmentations de coûts supplémentaires sans précédent en 2023 »
Neuhaus
De son côté, Neuhaus explique « être confronté à des augmentations de coûts supplémentaires sans précédent en 2023, avec l’augmentation continue des coûts énergétiques, de l’indexation des salaires et des principales matières premières (beurre, lait, fèves de cacao…) de plus en plus chères ». La plus vieille chocolaterie belge ajoute être contrainte d’augmenter ses prix, au vu de ses investissements dans une plantation de cacao en Équateur et l’utilisation « d’ingrédients 100% naturels et honnêtes ».
Comment expliquer la hausse du prix du chocolat ?
Première explication : la situation compliquée pour les plantations de cacao en Afrique de l’Ouest, alors que la Côte d’Ivoire et le Ghana en sont les deux principaux producteurs mondiaux. « Avec le changement climatique, la sécheresse augmente et provoque une plus grande mortalité au niveau des plans de cacao », explique Jean-Louis Doucet, chercheur en sylviculture tropicale à Gembloux Agro Bio Tech (ULiège). « C’est un problème, car le cacao a besoin d’humidité pour être cultivé ».
« Un investisseur peut acheter anticipativement du chocolat sur le marché »
Bertrand Candelon, économiste (UCLouvain)
La demande forte en cacao exerce une pression sur les territoires concernés. En Côte d’Ivoire, où le chercheur travaille sur un projet de plantation d’arbres en collaboration avec Galler, elle cause une déforestation sans précédent. « On coupe des arbres pour planter plus de cacao. C’est un cercle vicieux : réduire la taille des forêts augmente la probabilité d’un climat plus sec ».
Le chocolat, un produit de spéculation sur les marché financiers
Deuxième explication : la globalisation du marché du chocolat. « Les coûts liés au transport de marchandises ont diminué, indique l’économiste Bertrand Candelon (UCLouvain). Vous pouvez désormais acheter du cacao en Colombie ou en Côte d’Ivoire, et le rapatrier ensuite dans votre pays pour en faire du chocolat. Par contre, le coût des matières premières a augmenté ». La troisième cause de la hausse du prix des tablettes est économique : « J’appelle ça la financiarisation du chocolat, continue celui qui enseigne à la Louvain School of Management. Un investisseur peut acheter anticipativement du chocolat sur le marché ». Et donc spéculer sur sa valeur future, influençant ainsi les prix à la baisse, ou à la hausse.
Reste cette question : devra-t-on se passer de chocolat à l’avenir, à cause d’une pénurie de cacao ou d’un prix devenu exorbitant ? Difficile à dire, pour Jean-Louis Doucet. « Cela dépend de l’évolution du changement climatique. En tout cas, je ne vois pas comment on pourrait encore augmenter la production de cacao ». Le chercheur en sylviculture tropicale craint les événements extrêmes comme El Nino, qui sont désastreux pour les cultures de cacao. « Dans les pays de l’Afrique de l’Ouest, la culture de cacao va devenir de plus en plus compliquée. On verra si d’autres pays prennent le relais ».
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