Inquiétude belge: la flambée des prix des pommes de terre va-t-elle faire exploser les tarifs du paquet de frites? © BELGA/BELPRESS

Plus de 600 euros la tonne de patates: pourquoi le prix des frites risque d’être plus salé cet été

Elise Legrand
Elise Legrand Journaliste

La météo capricieuse de l’automne dernier a plombé les récoltes de pommes de terre, dont le prix de vente atteint aujourd’hui des sommets historiques. Les friteries pourraient revoir leurs tarifs légèrement à la hausse. Mais la qualité du produit restera au rendez-vous.

Une victoire de son équipe de foot préférée, une bière fraîche et un bon paquet de frites: tel est le triptyque gagnant du supporter en plein Euro de football. Outre les performances sportives, un autre élément pourrait venir troubler la quiétude des fans de foot cet été: la flambée des prix de la patate.

Le 20 juin, la tonne de pommes de terre de conservation – destinées majoritairement à l’industrie de la frite – a atteint 600 euros, selon les données de la fédération sectorielle Belgapom. Vendue en moyenne aux alentours de 200 euros, elle pourrait prochainement monter jusqu’à 650 euros, soit un record jamais égalé en Belgique.

«C’est historique», souligne Christophe Vermeulen, CEO de Belgapom, qui attribue cette hausse de prix significative aux mauvaises conditions météorologiques. «Les mois d’octobre, novembre et décembre ont été marqués par de fortes pluies, qui ont perturbé la période de récolte: environ 10% des pommes de terre sont restées dans le sol. Nous arrivons donc aujourd’hui à l’épuisement des stocks.» La nouvelle période de semence, prévue en avril-mai, a elle aussi été retardée en raison d’un printemps pluvieux, faisant craindre un décalage de la prochaine récolte et, donc, une aggravation de la pénurie. «Nous comptons actuellement six à huit semaines de retard sur le calendrier habituel, donc nous espérons que plus rien ne viendra perturber le cycle de culture.»

«Pas de gaieté de coeur»

Qui dit offre réduite, dit explosion des prix. Mais de là à faire flamber les tarifs du cornet de frites, il y a un pas. Selon Bernard Lefèvre, président de l’Unafri (Union nationale des Frituristes), plusieurs éléments devraient limiter la casse. D’une part, l’augmentation des prix de la patate concerne uniquement le marché libre, dont les tarifs évoluent quotidiennement. Or, une partie des négociants (qui fournissent ensuite les frituristes) signent des contrats de volume ou de culture avec les producteurs avant le début de la récolte. «Dans ces cas-là, le prix est fixé à l’avance. Les conditions météorologiques n’ont donc aucune conséquence.»

D’autre part, le coût de la matière première n’a qu’une influence limitée sur le prix de la frite, qui est multifactoriel. Un tas d’autres données entrent en ligne de compte, telles que la graisse, l’amortissement du matériel, le gaz, l’électricité ou encore les coûts salariaux. «Au total, le prix de la pomme de terre n’intervient qu’à concurrence de 10% dans le prix du paquet, estime Bernard Lefèvre. Donc si son coût double, le prix du cornet de frites ne va aucunement doubler, mais seulement augmenter de quelques centimes

«Le cornet de frites est essentiel pour la survie physique et émotionnelle du Belge, donc dès qu’on touche à son prix, c’est une petite catastrophe.»

Bernard Lefèvre

Président de l’Unafri (Union nationale des Frituristes).

Pour Didier Mossay, gérant de friteries depuis plus de 40 ans, la révision des tarifs à la hausse sera toutefois indispensable à la poursuite de ses activités. «Il va falloir y passer dans les prochaines semaines», prédit celui qui est également président de la commission wallonne des frituristes. En à peine deux mois, les fournisseurs du Verviétois ont augmenté leurs prix à trois reprises. «Au total, on essuie une hausse d’environ 30% de la matière première. Ce ne sera pas de gaieté de coeur, mais il faudra bien répercuter cette augmentation sur le prix du paquet.»

«Une petite catastrophe»

Compris entre environ 2,50€ et 4 euros à l’heure actuelle (en fonction de sa taille), le cornet pourrait ainsi prochainement augmenter d’une dizaine de centimes. Sauce comprise, la portion pourrait même dépasser la barre des 5 euros. Une hausse limitée, certes, mais qui ne passera pas inaperçue en Belgique, qui compte plus de 5.000 friteries sur son territoire. Plus de 98% des Belges visitent d’ailleurs une baraque au moins une fois par an, alors que 20% y font escale au moins une fois par semaine. «Le cornet de frites est essentiel pour la survie physique et émotionnelle du Belge, donc dès qu’on touche à son prix, c’est une petite catastrophe, reconnaît Bernard Lefèvre. Mais soyons de bon compte: si le prix du cornet passe de 3€ à 3,10€, ce ne sera pas la fin du monde.»

D’autant que le goût du produit, lui, restera au rendez-vous. Didier Mossay, actif dans le secteur depuis les années 1980, l’assure: la qualité de la pomme de terre belge reste exceptionnelle, et s’améliore même au fil du temps. «Les évolutions technologiques permettent de perfectionner les techniques de récolte, de transports et de conservation de la patate, qui font la renommée de la Belgique sur la scène internationale en matière de frite artisanale.» Bref, tant que les frites sont bonnes, le Belge répondra à l’appel. Que ce soit pour célébrer la victoire des Diables rouges, ou en digérer la défaite.

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