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«Les ventes ont chuté de 12% à cause de la météo»: comment la pluie impacte les achats des Belges

Noé Spies
Noé Spies Journaliste au Vif

La mauvaise météo du printemps se paie cash pour les commerçants belges. Les magasins de vêtements, en particulier, subissent une perte de 12% par rapport à l’année passée. Une diminution «extrême», selon Comeos. Le phénomène s’ajoute aux multiples crises récemment subies par le secteur du commerce.

«Ce n’est que lorsque le soleil brille que les gens ont envie d’essayer des lunettes de soleil», témoigne un commerçant désabusé dans les colonnes du Standaard. La météo maussade actuelle (ce printemps est le deuxième plus pluvieux depuis 1833) impacte les commerçants belges. Plus qu’on ne le pense.

Ce sont surtout les magasins de vêtements qui sont les plus touchés. «Dans le secteur de la mode, on constate une diminution des ventes de plus de 12% pour la deuxième partie du mois de mai et les deux premières semaines de juin. Pour les commerçants, cela représente une baisse du chiffre d’affaires de quasi 14% par rapport à l’année passée», affirme Wim Van Edom, chef économiste chez Comeos.

Au vu de la mauvaise météo actuelle, très peu de personnes sont tentées d’investir dans des robes d’été, des shorts, ou des produits typiquement estivaux comme les sandales. «On observe d’ailleurs que de nombreux magasins sont contraints de réaliser des promotions avec des ventes groupées, avant la période des soldes.»

La météo réduit la dynamique d’achat

Ce comportement de «non-achat» en cas de mauvaise météo s’explique au niveau cognitif chez le consommateur. «Deux aspects se renforcent mutuellement, entame Ingrid Poncin, professeure de marketing à l’UCLouvain. Le premier est cognitif: si la météo estivale n’est pas au rendez-vous, ni le besoin, ni l’envie de nouveaux vêtements d’été ne se font ressentir, puisqu’on ne peut pas les utiliser dans l’immédiat. C’est un point de vue purement rationnel. Le deuxième élément, poursuit-elle, réside dans le fait que la météo joue de manière évidente sur l’humeur des personnes.»

Ainsi, la combinaison entre l’absence de besoin et la mauvaise humeur conduit à réduire la dynamique d’achat. «La météo maussade ambiante ne donne pas la perspective de pouvoir utiliser le vêtement d’été plus tard, même si cet aspect n’est pas rationnel», complète Ingrid Poncin.

Météo pluvieuse: décaler la période des soldes?

Cette cause comportementale se traduit directement dans les magasins, où les stocks des collections estivales s’accumulent. Selon Statbel, durant les quatre premiers mois de l’année, les volumes vendus ont diminué de plus de 5%. La météo n’est pas l’unique raison de cette baisse: l’e-commerce et la vente de seconde main (physique ou online via Vinted, par exemple) deviennent tous deux plus populaires, au détriment des commerçants classiques. En plus du commerce en ligne traditionnel, la croissance énorme de plateformes chinoises comme Temu percute le marché.

Traditionnellement, aussi, le mois de juin est légèrement moins propice aux ventes. Une grande partie des clients préfèrent attendre les bonnes affaires durant les soldes de juillet. «Mais cette année-ci, la baisse est vraiment extrême en raison de la météo, s’inquiète Wim Van Edom. Par rapport à la même période de l’année passée, l’aggravation est claire ».

Autant d’éléments qui plongent les commerçants physiques dans une nouvelle situation tendue. Au point que certains se manifestent pour décaler les soldes de juillet, dont la météo ne s’annonce pas non plus exceptionnelle. Mais postposer cette période ne peut se faire si peu de temps avant, sans concertation avec les différents acteurs, estime Comeos. D’autant plus que certaines chaînes lancent déjà des actions commerciales individuelles. «A cet égard, on voit déjà plus de mouvements que précédemment. Si l’on change la date officielle des soldes à la dernière minute, les magasins doivent adapter leur politique commerciale, déjà établie depuis un bon moment», rappelle le chef économiste de Comeos.

Une difficulté de plus après toutes les crises

La météo maussade vient s’ajouter à une liste à rallonge de difficultés pour les enseignes. Depuis 2020, elles subissent une succession de crises: le Covid et les fermetures répétées en raison des confinements, la crise énergétique et l’inflation. «Ce dernier élément fait que les clients ne réalisent plus que les achats strictement nécessaires», observe Wim Van Edom.

Au vu de ces circonstances défavorables, Comeos plaide pour que les magasins physiques disposent d’un terrain de jeu plus équitable face aux plateformes d’ e-commerce, le tout supporté par meilleure régulation de la concurrence. «Tous les produits que nos commerçants mettent sur le marché belge et européen sont conformes et très contrôlés. Face à eux, les plateformes chinoises exportent des marchandises non conformes. Le contrôle doit donc être meilleur.»

Un exemple frappant illustre ce déséquilibre. Les grand magasins importent leurs produits par grands containers. A l’inverse, une entreprise telle que Temu procède par milliers de paquets individuels, une technique aussi appelée drop shipping, selon laquelle la commande se dirige directement vers le consommateur (plus de 400.000 par jour en Europe!). «Ces méthodes abusent du système et sont beaucoup plus complexes à contrôler.»

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