Dominique Michel (Comeos): « Delhaize sera suivi par d’autres magasins, la Belgique est restée coincée en 1976! »
Pour Dominique Michel, CEO de la Fédération belge du commerce (Comeos), la situation qui touche actuellement Delhaize était évitable. Mais aucune réforme du travail digne de ce nom n’a été réalisée depuis 1976. « La Belgique est dans la préhistoire en matière de droit social », déplore-t-il. « Le système actuel est totalement dépassé pour la survie des supermarchés intégrés. »
Dominique Michel, comment Delhaize en arrive-t-il à prendre une décision d’une telle ampleur ?
L’origine du problème qui touche Delhaize ne date pas d’hier : les entreprises intégrées doivent travailler avec un système qui n’a plus été mis à jour depuis 1976. Aucune réforme du travail digne de ce nom n’a été réalisée depuis lors.
Sans adaptation, le secteur du commerce va droit dans le mur. On pourrait devenir la future Sabena. Avec un système low-cost qui prendra le dessus. Et avec le risque d’être remplacé par d’autres plateformes ou des entreprises étrangères à 100%.
Selon vous, cette situation était donc évitable ?
Elle était tout à fait évitable. En Belgique, on est toujours au 20e siècle. Les gouvernements successifs n’ont rien fait pour réformer le droit du travail. Pourtant, de nombreuses réformes fiscales ont lieu. Mais c’est plus facile de chipoter avec des taux de TVA que de travailler sur le fond.
En quoi le modèle imposé aux supermarchés intégrés est-il dépassé, selon vous ?
Dans un supermarché intégré, il est impossible d’imposer des changements de fonction aux employés. Comme passer de la caisse aux rayons, par exemple. Tout cela demande une négociation avec les syndicats nationaux, qui en font une affaire politique. C’est un procédé très long, qui était peut-être acceptable dans les années 70, mais qui ne l’est plus du tout aujourd’hui. Car les supermarchés ont fortement modifié leur façon de travailler. Le système est totalement dépassé pour continuer à gérer des commerces dans le contexte actuel.
La franchise est-elle une mauvaise solution ?
Pas du tout. C’est en fait la seule solution qui existe pour certains commerces. Aujourd’hui, on est poussé vers la franchise. En 2015, Comeos demandait déjà de travailler sur un nouveau modèle pour les magasins intégrés. Mais personne n’a bougé. Car dans les magasins franchisés, les syndicats n’ont plus de pouvoir. On a voulu se raccrocher au système de magasins intégrés, mais sans le changer.
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La Belgique est-elle à la traîne ?
La Belgique est dans la préhistoire en matière de droit social. Dans de nombreux pays, cette différence entre franchisés et intégrés n’existe pas. Comme aux Etats-Unis, par exemple. Pourquoi existe-t-elle en Belgique ? Parce qu’on a un système tellement rigide pour les magasins intégrés qu’on est obligé de se rattraper avec un autre fonctionnement.
Le cas de Delhaize peut-il laisser présager un destin identique pour d’autres marques ?
Bien évidemment. Delhaize n’est pas le premier -on pense notamment au cas Mestdagh– et ne sera pas le dernier. Clairement, d’autres entreprises subiront les mêmes évolutions si rien n’est fait. C’est une certitude. Une prochaine enseigne -dont je tairais le nom- suivra prochainement avec le même procédé. D’une certaine façon, Delhaize démontre aussi son sens des responsabilités. Car qu’est-ce qui est le mieux : perdre des parts de marché et devoir fermer massivement des magasins ? Ou maintenir tout le monde à bord en se réformant en profondeur ?
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