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Delhaize, les dessous d’une révolution : ce qui va changer pour le consommateur

Noé Spies
Noé Spies Journaliste au Vif

Le lion rugit chez Delhaize. L’annonce choc du groupe, qui souhaite franchiser l’entièreté de ses magasins, provoque l’indignation des syndicats. Quelles raisons peuvent expliquer cette décision, et quel impact pour le futur du consommateur ? Analyse avec Gino Van Ossel, spécialiste du commerce de détail (Vlerick Management School).

Pourquoi Delhaize prend-t-il cette décision ?

Pour le spécialiste du commerce de détail Gino Van Ossel, quatre éléments distincts peuvent expliquer la volonté de Delhaize de franchiser 100% de ses magasins.

Premier constat : « D’un point de vue commercial, on voit que depuis 25 ans, la part de marché des magasins intégrés est en baisse, alors que celui des franchisés est en hausse. Ce n’est pas un fait récent, il est structurel. Plus de la moitié du chiffre d’affaires de Delhaize est réalisé par les affiliés. »

Deuxième constat : « Les coûts salariaux sont inférieurs pour les franchisés. Ils représentent un coût d’exploitation moindre pour Delhaize. »

Troisième constat : « Le comportement du consommateur a énormément évolué. De plus en plus de personnes (célibataires et/ou sans enfant) ont un besoin de flexibilité pour leurs achats. Cette tranche de la population apprécie les magasins ouverts le dimanche, les jours fériés, ou plus tard en soirée. A l’inverse, l’importance des « grandes courses » diminue clairement dans les habitudes de consommation. »

Quatrième constat : « On s’attend à un taux de croissance important de l’e-commerce dans l’alimentaire. Les premières catégories touchées par cette évolution seront les achats conséquents et planifiés. Par conséquent, donc, les magasins intégrés. Pour les produits frais et les achats rapides, les franchisés ont une longueur d’avance. »

Cette annonce est-elle une réelle surprise ?

Au vu des éléments précités, le principe derrière cette décision n’est pas du tout étonnant, selon Gino Van Ossel. « La surprise réside plutôt dans le basculement vers un modèle franchisé à 100%, sans étape intermédiaire. »

« Si Delhaize avait annoncé la franchise d’un tiers de ses magasins, la tension avec les partenaires sociaux et les syndicats aurait été tout aussi forte. En prenant une décision qui concerne tous les magasins, Delhaize veut en quelque sorte clarifier l’affaire pour le futur. Cependant, la transition risque de durer plusieurs années. »

Des magasins vont-ils disparaître, ou le réseau va-t-il s’étendre ?

Pour l’expert en retail, il y a actuellement « trop de magasins en Belgique ». Et ce alors que les nouvelles ouvertures continuent, principalement avec des commerces de quartier. « La décision de Delhaize n’offre pas une solution directe face à l’abondance de magasins dans notre pays », souligne Gino Van Ossel.

Suite de l’article après l’infographie.

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Delhaize retrouvera-t-il des repreneurs pour ses 128 magasins ?

« Il est impossible de le dire à l’heure actuelle. Mais si l’on spécule, on pourrait imaginer, par exemple, que 50 magasins resteront intégrés pendant une certaine période. Avec une transition progressive sur le long terme. Si la grande majorité des magasins sont indépendants (ce qui est déjà le cas chez Delhaize, avec 636 franchisés, NDLR.), la rentabilité des magasins intégrés restants n’est plus intéressante. C’est ce qui peut expliquer ce basculement total de Delhaize. Cette intention est très claire. Cependant, on ne peut pas prédire avec certitude si la totalité des magasins seront repris ou non d’ici cinq ans, par exemple ».

Des magasins franchisés disparaissent aussi régulièrement. Mais on n’en parle peu. « Car ce sont souvent des fermetures individuelles. Il est donc inévitable que les magasins avec la performance la plus faible disparaîtront, qu’ils soient intégrés ou franchisés », avance Gino Van Ossel.

Des changements de prix ou de produits pour le consommateur ?

« Actuellement, les prix sont plus ou moins identiques dans les magasins AD Delhaize et les magasins intégrés. Presque toutes les promotions sont suivies par les AD », note Gino Van Ossel. « Par contre, c’est une autre histoire pour les Shop&Go et les Proxy Delhaize. »

Quelles différences peut-on observer ? « Par exemple, beaucoup d’indépendants ont décidé de ne plus vendre les baguettes de la marque « 365 ». Ils font le choix de la remplacer par une autre marque, avec un prix qui est donc différent. Cependant, il s’agit plus de l’exception que de la règle », tempère le professeur à la Vlerick Management School.

« Chez Carrefour Market, deux tiers des magasins sont franchisés, mais les promotions et les prix sont généralement similaires avec les magasins intégrés », compare-t-il. « Intermarché opère la même logique avec ses magasins Mestdagh. Tout le monde est tenté d’aller vers ce modèle. »

Des emplois menacés ?

Sur le plan juridique, les collaborateurs pourront conserver leurs conditions de travail pour autant qu’ils restent chez Delhaize. Dès qu’ils quittent le cercle, les conditions diffèrent. Les commissions paritaires pour les indépendants ou les intégrés ne sont en effet pas les mêmes. « Cette transformation du statut d’intégré à franchisé n’est pas neuve, cela s’est déjà produit chez Carrefour Market. Les employés qui ne souhaitent pas travailler pour un franchisé peuvent facilement trouver un autre job dans le même secteur. Par contre, cela pose problème pour ceux qui perdront une ancienneté de 20 ans, par exemple. On peut s’attendre à beaucoup de résistance face à ce changement ».

Gino Van Ossel pointe enfin un aspect positif. « Des études l’ont prouvé, la satisfaction du personnel est en moyenne meilleure chez les indépendants que chez les intégrés. Le côté familial de l’entreprise ressort davantage, l’atmosphère est différente. Il y a certes de mauvais indépendants, mais en moyenne, les gérants franchisés sont bons ».

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