La "shrinkflation" est une pratique commerciale qui consiste à réduire la quantité d’un produit donné tout en conservant son prix originel, voire en l’augmentant.

« C’est un vol manifeste » : qu’est-ce que la « shrinkflation » et comment la repérer dans les rayons ?

Elise Legrand
Elise Legrand Journaliste

Vendre moins, mais au même prix : la « shrinkflation » est en vogue dans le secteur alimentaire. Cette stratégie commerciale, légale en Belgique, est dans le viseur du PTB qui va introduire une proposition de loi pour l’interdire.

Au rayon apéro, les paquets de chips semblent toujours davantage remplis d’air. Quelques mètres plus loin, au rayon crèmerie, le contenu des yaourts a diminué à vue d’œil. Pourtant, à la caisse, les prix n’ont pas bougé. Pire, l’addition est parfois même plus salée. Ce constat, observé dans de nombreux supermarchés, s’explique notamment par le phénomène de « shrinkflation ».

Contraction du verbe anglais « to shrink » (diminuer) et d’ « inflation », cette pratique commerciale consiste à réduire la quantité d’un produit donné tout en conservant son prix originel, voire en l’augmentant. Appelée « réduflation » en français, le terme peut également désigner le changement de recette d’un produit, utilisant des ingrédients de base moins chers ou moins qualitatifs, sans en diminuer le prix de vente. Ces stratégies – pratiquées dans la grande distribution et le secteur alimentaire – sont particulièrement courantes en période d’inflation.

Il n’a toutefois pas fallu attendre la flambée des prix ou les crises économiques pour voir émerger cette pratique, rappelle Gordy Pleyers, professeur de marketing à la Louvain School of Management (UCLouvain). « Il est relativement courant que le volume contenu dans un produit donné diminue légèrement. Au début des années 2000, Danone réduisait déjà le contenu de ses yaourts. »

Technique de survie ou aubaine?

Cela étant, en période d’inflation, le « package downsizing » permet aux entreprises de maintenir un prix équivalent malgré l’augmentation de leurs coûts de production. Autrement dit, en diminuant le contenu, les marques s’assurent de maintenir leurs ventes et de conserver une certaine marge bénéficiaire malgré l’indexation des salaires et la hausse des prix des matières premières. « Cette pratique peut être particulière intéressante dans les marchés compétitifs où les consommateurs sont très attentifs aux prix, notamment dans la grande distribution », pointe le professeur.

Si cette pratique permet à certaines entreprises – les petits producteurs, par exemple – de se maintenir à flot en période de crise, elle est parfois utilisée de manière abusive par de grandes enseignes qui en profitent pour augmenter leurs bénéfices. Cette stratégie marketing se révèle d’ailleurs très efficace. « Plusieurs études ont analysé le phénomène et ont conclu que les consommateurs sont moins sensibles à la taille de l’emballage qu’au prix de vente », précise Gordy Pleyers. Une entreprise aura ainsi tout intérêt à réduire la quantité de ses produits plutôt que d’indexer ses prix si elle veut maintenir ses ventes, car le consommateur sera moins susceptible de s’en rendre compte. D’autant plus que les études démontrent également que la perception de la taille d’un produit peut être significativement compensée par d’autres éléments, comme la forme de l’emballage ou sa couleur. Une marque qui diminuerait légèrement la taille de son paquet de bonbons pourrait par exemple modifier son logo pour détourner l’attention du client.

Le PTB monte au créneau

En Belgique, la « shrinkflation » est légale si le consommateur est correctement informé. La pratique est permise « tant que la véritable quantité nette de produit est indiquée de manière claire sur l’emballage », précise le SPF Economie. Mais si l’entreprise tente de tromper le client « par des indications incorrectes ou ambiguës concernant la quantité nette », cette stratégie devient une pratique déloyale et à ce titre, interdite. « Chaque situation doit donc être analysée au cas par cas », tranche le service public.

Pour le député PTB-PVA Roberto D’Amico, cette législation doit évoluer pour mieux protéger le consommateur. « La shrinkflation, c’est un vol manifeste, s’indigne le parlementaire. Alors que le prix du caddie a déjà augmenté de manière fulgurante ces derniers mois, certains fabricants en profitent encore et augmentent leurs tarifs de manière trompeuse. Nous sommes scandalisés par ces pratiques. » Après avoir interpellé le ministre de l’Economie Pierre-Yves Dermagne (PS) à ce sujet à la Chambre, lundi, Roberto D’Amico promet de déposer « rapidement » une proposition de loi visant à bannir le procédé. « Nous proposons que cette pratique commerciale soit reprise parmi les pratiques commerciales trompeuses dans le Code de droit économique », précise le député. 

Vers une interdiction en France

En France, où la pratique est particulièrement répandue en raison d’une pression importante sur la grande distribution, la Première ministre Elisabeth Borne a annoncé une interdiction de ce « procédé choquant » dès le mois de novembre. De son côté, l’enseigne Carrefour a décidé d’informer ses clients en épinglant les produits qui ont connu une augmentation de prix malgré une perte de contenu.

En attendant une éventuelle évolution du cadre législatif en Belgique, la vigilance reste de mise pour le consommateur. Pour repérer la « shrinkflation », mieux vaut vérifier la quantité nette sur l’emballage des produits. Pour comparer le prix de deux produits, fiez-vous au prix par unité de mesure (kilos, litres…). Enfin, mieux vaut être attentif à tout changement d’emballage, que ça soit sa taille, mais également sa forme, sa couleur ou encore son logo.

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