L'interdiction de vente de produits issus des colonies israéliennes concernerait majoritairement des fruits et des légumes, notamment des dattes.

Boycotter des produits issus des colonies israéliennes ? « L’impact serait surtout psychologique »

Elise Legrand
Elise Legrand Journaliste

Le CD&V et les partis de gauche appellent à une interdiction commerciale des produits en provenance des territoires palestiniens occupés par Israël. Alors que ces articles sont déjà étiquetés comme tels dans les rayons, ce « boycott » serait une étape supplémentaire pour dénoncer les violations israéliennes du droit international et humanitaire. Les conséquences de cette mesure seraient toutefois limitées dans les supermarchés belges.

Vers un « boycott » des produits issus des colonies israéliennes ? Un mois après le début du conflit entre Israël et le Hamas, l’idée fait son bout de chemin au sein de la classe politique belge. Mardi, la députée fédérale Els Van Hoof (CD&V) a déposé une proposition de loi en ce sens. La mesure, rapidement soutenue par l’aile gauche du gouvernement, a également été évoquée en kern (Conseil des ministres restreint) mercredi, sans aboutir à un consensus.

Contrairement aux propositions de certaines associations propalestiniennes, le souhait d’Els Van Hoof n’est pas d’interdire tous les produits israéliens, mais bien uniquement ceux en provenance des colonies « illégales ». Pour rappel, l’Union européenne ne reconnaît pas la souveraineté d’Israël sur certains territoires occupés depuis le mois de juin 1967, à savoir le plateau du Golan, la bande de Gaza et la Cisjordanie (y compris Jérusalem-Est). « Israel est un partenaire commercial important de l’Union européenne, tant au niveau de l’importation que de l’exportation. Ce n’est pas un problème en soi, expose Bichara Khader, professeur à l’UCLouvain et directeur du Centre d’études et de recherches sur le monde arabe contemporain (Cermac). Ce qui pose problème aujourd’hui, c’est que les pays européens acceptent sur leurs territoires des produits issus de colonies pourtant jugées illégales par l’UE. Il y a un vrai manque de cohérence. »

« Une obligation légale »

L’idée est d’ailleurs défendue depuis de nombreuses années dans les rangs de la société civile. « La colonisation est une violation claire du droit international humanitaire, rappelle Nathalie Janne d’Othée, chargée de plaidoyer sur le Moyen-Orient au CNCD-11.11.11. Interdire les produits en provenance des colonies israéliennes permettrait une mise en conformité de notre politique commerciale avec le droit international et des droits humains. Ce n’est pas une option, mais bien une obligation légale. »

Dans les rayons des supermarchés, ces produits issus des colonies doivent obligatoirement être étiquetés comme tels depuis 2019. Une manière d’informer le consommateur, qui peut ensuite poser un choix d’achat conscient. Le hic, c’est qu’il est extrêmement complexe d’objectivement retracer l’origine des produits israéliens. De nombreux articles en provenance du Golan ou de Cisjordanie sont simplement labellisés « Made in Israël » et passent sous les radars. « Depuis l’évolution de la législation, de nombreux producteurs ont par exemple déplacé leur siège social à l’intérieur d’Israël-même et ont effacé les traces de leur présence dans les colonies, illustre Nathalie Janne d’Othée. Le problème, c’est que la charge du contrôle et de la preuve repose sur les douanes européennes. Et que les opérateurs israéliens manquent de bonne volonté pour identifier les produits issus de ces colonies, qu’ils considèrent eux-mêmes comme leurs propres territoires. »

Une mesure avant tout symbolique

L’interdiction de vente n’aurait dès lors qu’un impact limité dans les supermarchés. Parmi les produits concernés, on retrouve principalement des fruits et des légumes, notamment les dattes. Certains vins, issus de vignobles israéliens établis dans le Golan et en Cisjordanie, seraient également visés par ce boycott. Tout comme des barres de sésame de la marque « Achva », produites dans la Vallée du Jourdain, ou des cosmétiques de la marque “Ahava”, issus de l’exploitation des sels de la mer Morte.  « Les conséquences dans les rayons seraient minimes, confirme Bichara Khader. L’impact serait surtout psychologique, et permettrait d’amener les supermarchés belges à respecter le droit international. » Et de préciser : « Si toute l’Union européenne adopte cette mesure, ce sont surtout les activités économiques des territoires occupés qui en subiraient de plein fouet les conséquences. »

De son côté, la fédération belge du commerce Comeos dit « refuser de faire de la politique ». « Si le gouvernement interdit la vente de certains produits, on ne les vendra pas. Mais ce n’est pas a nous de dire aux consommateurs ce qu’ils doivent acheter ou pas. Chacun est libre de s’informer et de choisir lui-même. »  

A noter que la Belgique est le quatrième plus gros importateur de produits israéliens au sein de l’Union européenne, selon les chiffres de l’Agence du commerce extérieur. Les pierres et métaux précieux – principalement des diamants – représentent la plus grande part des importations, suivis par les métaux de base et les pièces de machinerie.

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