Amazon Belgique lance un label pour les produits durables, mais restera un temple de la (sur)consommation: «Notre formule ne change pas»

En lançant sa nouvelle fonction «Climate Pledge Friendly», Amazon Belgique propose aux consommateurs d’acheter durable. Mais certainement pas moins. Rencontre avec Eva Faict, country manager du géant de l’e-commerce.

Depuis ce 1^er octobre, les utilisateurs d’amazon.com.be peuvent recourir à un nouvel outil pour identifier des produits labellisés «durable» par 41 organismes de certification reconnus: le label «Climate Pledge Friendly», dont le nom fait écho à sa stratégie pour atteindre la neutralité carbone en 2040. Selon le type de produit recherché, le consommateur peut d’une part filtrer les résultats répondant à ce critère de durabilité, et d’autre part découvrir le détail des éventuels sous-labels obtenus, via un petit menu déroulant sous la description du bien concerné. Actif depuis plusieurs années déjà dans d’autres pays, notamment sur amazon.fr, cet outil d’information sur la durabilité s’avère plutôt discret quand on parcourt l’interface principale de la plateforme. Il a toutefois le mérite de reposer sur 41 organismes de certification reconnus par la Commission européenne. Commerce équitable, normes bio, matériaux recyclés, réduction de l’empreinte carbone, faible impact environnemental… L’initiative couvre plusieurs thématiques, sans toutefois l’appliquer à l’ensemble des catégories de produits.

Plus fondamentalement, ce label ne remet nullement en cause le modèle d’Amazon, basé sur un consumérisme facilité par ses soins. «Amazon est l’entreprise la plus centrée sur le consommateur au monde», glisse d’ailleurs Eva Faict, la responsable d’Amazon Belgique, au début d’une interview de 30 minutes avec Le Vif, depuis ses discrets bureaux en plein centre de Bruxelles, à quelques pas de la rue de la Loi.

Pourquoi avoir lancé ce label «Climate Pledge Friendly»?

Selon une enquête que nous avons menée, sept consommateurs belges sur dix préféreraient acheter des produits plus respectueux du climat et de l’environnement, mais 56% d’entre eux ne savent pas comment les trouver. Nous voulions donc mettre en place un label leur permettant de repérer plus facilement ce type de produit. Dans un premier temps, 70.000 produits vendus sur Amazon Belgique (NDLR: sur les 400 millions qui y sont proposés) feront partie de ce programme. Par ailleurs, notre philosophie repose sur le principe qu’une grande échelle implique de grandes responsabilités, dont la protection du climat et de l’environnement. Nous nous étions engagés à approvisionner l’ensemble de nos bureaux, de nos centres de commande et de données en énergie renouvelable pour 2030. Nous avons atteint cet objectif dès l’année dernière. Nous finançons aussi la protection de la nature avec, par exemple, une récente contribution d’1,1 million d’euros pour constituer le Parc national des Forêts du Brabant. Et en ce qui concerne la logistique du «last mile» (NDLR: l’étape finale de la distribution d’un colis, entre le dernier entrepôt et le consommateur final), nous investissons massivement dans l’électrification des véhicules de livraison.

A ce sujet, plus un processus de livraison est rapide, plus il a tendance à émettre davantage d’émissions de gaz à effet de serre, démontrent plusieurs études scientifiques. Ne serait-il pas opportun que les clients d’Amazon puissent choisir un mode de transport moins expéditif s’ils ne sont pas pressés?

J’ai de bonnes nouvelles à ce sujet. Nous travaillons activement à lancer notre programme «Amazon Day» en Belgique. Déjà opérationnel en France, en Allemagne, en Italie, en Espagne et au Royaume Uni, il permet de livrer tous les produits commandés à un jour déterminé de la semaine. Toutefois, d’après les données dont nous disposons, il n’est pas toujours vrai qu’une livraison plus rapide est nécessairement plus nocive pour la planète.

D’un côté, Amazon prône la durabilité et verdit ses opérations. Mais de l’autre, son modèle pousse les utilisateurs à la consommation, ce qui neutralise les bénéfices d’actions pour le climat ou l’environnement. N’est-ce pas contradictoire?

Il y a certainement beaucoup de contradictions dans mon travail. Mais nous travaillons avant tout pour les consommateurs. Notre priorité, c’est qu’ils puissent récupérer plus de moyens et de temps à consacrer à ce qui compte pour eux, grâce à une large gamme de produits abordables. Certains achètent souvent mais peu, d’autres moins souvent mais davantage. Je suis convaincue que si des utilisateurs n’aiment pas recevoir des notifications, ils nous en feront part. Plus largement, nous prenons nos responsabilités au niveau des chaînes de production et de la logistique que nous créons.

Vu son poids sur le marché, Amazon pourrait devenir bien plus proactif. Par exemple en interdisant, sur ses plateformes, la vente de produits issus de fabricants moins respectueux du climat, et dont le prix pénalise souvent les acteurs plus vertueux.

Nous voulons répondre aux besoins de tous les consommateurs, y compris de ceux qui n’ont pas les moyens de placer la durabilité en tête de leurs critères et qui à court terme, veulent simplement s’assurer que leurs enfants aient un cadeau pour Saint-Nicolas. La formule que nous avons lancée il y a 25-30 ans déjà restera donc la même: avoir beaucoup de choix. Mais l’un de nos points d’attention est bien d’aller dans le sens de ce que prévoient les législations en matière de durabilité de la Commission européenne, avec qui nous travaillons beaucoup.

Dans d’autres pays, Amazon dispose déjà d’une plateforme dédiée aux produits de seconde main. Est-ce prévu en Belgique?

Nous ne pouvons pas en dire davantage à ce stade, mais c’est effectivement prévu. De manière générale, on constate qu’exprimée par habitant, la part de marché des produits de seconde main est bien plus importante en Belgique qu’en France. Nous savons donc que les consommateurs sont demandeurs. Cela correspond en outre à notre philosophie de proposer de bons produits à un prix avantageux.